Je sortais du restaurant tout déboussolé. Je ne quittais pas des yeux la carte de visite et son message manuscrit, griffonné au dos, "ravie de te retrouver" accompagné de son numéro de téléphone. Quentin me ramena à la réalité en me donnant une vigoureuse accolade :

• Bravo ! Ça, c'est mon frangin ! Un vrai Don Juan ! J'espère que ça te fera oublier l'autre morue !
• Tu parles de qui ? De mon ex ?
• Non. Je te parle de la binoclarde coincée qui t'a galoché hier. Sérieux, ne perds pas ton temps. Je l'ai vu, la serveuse, c'est un coup sûr, elle va te bouffer dans la main, c'est du gâteau, du tout-cuit. Quand elle est arrivée, j'avais envie de te dire "Bon appétit !"
• Abruti, l'insultais-je en riant. Bon, il faut que je réfléchisse maintenant.
• Erreur ! Ne réfléchit pas, agis. S'il y a bien une chose a ne pas faire en pareille circonstance, c'est réfléchir. Je te connais, tu vas gamberger pendant des jours, tu ne vas pas la rappeler, et tu vas passer à côté du coup de ta vie. Et je ne peux pas tolérer cela !
• Ça va aller, calme toi. Je vais laisser passer deux ou trois jours, je ne vais pas l'appeler de suite ! Ça me laissera le temps de savoir ce que je veux faire.
• Mais il n'y a pas à hésiter. Tu laisses la binoclarde et tu t'amuses avec ce joli petit lot, dit-il en jetant un regard vers la vitrine.

Je regardais à mon tour. Elle prenait la commande d'une couple attablé près de la baie vitrée. Elle la ça un regard dans ma direction et sourit. C'est vrai qu'elle est belle. Aussi belle que dans mes souvenirs, la maturité en bonus. J'esquissais naturellement un sourire niais.

• Excuse moi, frérot, mais je dois te laisser. J'ai à faire.
• Ah oui, et quoi de plus important que de passer l'après midi avec moi ?
• J’ai besoin de faire le vide dans ma tête. Je vais rentrer prendre un bain chaud.