Les directives anticipées - 10 décembre 2013

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Introduction

Mot du Président du Groupe éthique, Dr V. M.

Le thème des Directives anticipées a été choisi pour inaugurer le cycle des débats éthiques au sein de l'institution, premier acte depuis sa constitution en juin 2012, avec pour mission de favoriser la démarche éthique au sein de l’établissement.

En l’absence de protocole concernant la possibilité de rédiger des Directives Anticipées (D.A.), le service Qualité a sollicité un groupe de travail pluridisciplinaire qui, au terme de sa réflexion, vient de publier une brochure d’informations destinée aux patients. Ce thème est donc d’actualité mais il concerne aussi tout citoyen en dehors des murs de l’Hôpital.

V. M. rappelle que le questionnement éthique s’adresse à l’ensemble du personnel sans distinction de fonction et invite toute personne intéressée par cette démarche, à soumettre les questions éthiques faisant débat, au Bureau constitué.

Trois interventions précéderont le débat :

• V. M. et R. B. présenteront une enquête en miroir, effectuée auprès de trois catégories de population : des personnes non malades, des patients atteints de cancer, des personnes âgées.

• A. B-D. abordera le contexte juridique.

• A. R. et J. F. C. évoqueront à travers trois cas cliniques, vécu de leur expérience professionnelle, les questionnements liés à la rédaction de directives anticipées.

1. Les Directives anticipées : ce qu’en pensent les patients

L’enquête met en évidence :

• la méconnaissance de ce dispositif (90 % des personnes interrogées). 85 % des personnes les jugent pourtant nécessaires en soulignant le caractère rassurant de ce dispositif.

• Préférence des patients pour une information délivrée par leur spécialiste mais la question du moment et de la manière d’aborder le sujet restent difficiles à définir.

• des avis divergent en fonction des populations interrogées :

- ainsi pour les plus de 70 ans : 55 % des patients ne souhaitent pas, après information, rédiger de directives anticipées, préférant à ce dispositif, le dialogue entre le corps médical et les proches avec lesquels ils ont pu évoquer leur volonté dans le cadre de la fin de vie.

- L’inquiétude à l’évocation des directives anticipées est davantage marquée chez les patients âgés de moins de 70 ans (35 %) contre 5 % de la population plus âgée. L’inquiétude est accrue également chez les patients atteints de cancer, traduite par cette réflexion d’un patient : « vous me posez ces questions parce que je vais bientôt mourir ? ».

Les interviews ont mis également en évidence la difficulté pour le patient de s’imaginer en incapacité de s’exprimer.

Soulignons l’intérêt noté par des personnes non malades, qui dans la singularité de l’accompagnement d’un proche en fin vie, auraient souhaité s’appuyer sur des directives anticipées, plutôt que de devoir porter la lourde responsabilité d’émettre un avis de limitation de traitement et d’affronter un amer sentiment de culpabilité qui en est résulté.

En conclusion, le débat de société est plébiscité. Il permettrait d’aborder cette question sensible, sans affects particuliers, en dehors d’un contexte de maladie.

2. Réflexions autour du patient âgé atteint de cancer

Alors que le Dr V. M. vient de démontrer toute l’ambiguïté du sujet à travers cette étude qui troubla quelques peu les esprits des personnes interrogées, R. B. explique toute la fragilité qui caractérise le sujet âgé atteint de cancer qu’elle décrit comme « un sujet à risque ». Elle nous propose de réfléchir sur la notion de vulnérabilité et les multiples questionnements éthiques qui s’y rattachent : problématique du discernement altéré, camisoles chimiques et enfermements, refus de soins et refus alimentaire, choix du lieu de vie,…

Quelle information donner ? Comment se situer entre liberté et sécurité ?

C’est aux confins de ces questionnements que s’enracine la démarche éthique. Plusieurs principes que l’on peut représenter sous forme pyramidal, peuvent nous guider afin d’éclairer la décision :

Respect de l'équité

Principe de vérité

Ne pas nuire

Bienfaisance - Non malfaisance

Respect de l'autonomie de décision            Balance bénéfices /risques

En conclusion, au regard de son expérience, R. B. souligne qu’il faut parfois se contenter « de faire », c’est-à-dire accompagner, en opposition au « bien faire » concrétisé par l’accomplissement d’un projet de soins, résolution définitive d’un problème.

La loi apporte-t-elle de son côté des réponses fiables aux problématiques évoquées ?

La parole est donnée à A. B-D pour son exposé.

3. Directives anticipées : de la réglementation à son application

Le cadre juridique des directives anticipées est exprimé dans :

• Code de la Santé publique Article 1111-11

• Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades,

• Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin vie, dite Léonetti

• Décret 2006-119 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées.

« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie, concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement.

Elles sont révocables à tout moment.

A condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant. »

Pourtant précisera A. B-D, il est difficile d’aborder l’aspect juridique des D.A., lesquelles se fondent sur des textes, alors même que la question de fond est avant tout existentielle. Citant Paul Ricoeur dans sa vision de l’éthique face à l’indécidable : « L’art médical est un exercice de prudence délibérative respectueuse de la personne, des lois et des règles professionnelles ». Il ajoute qu’il s’agit de trouver, selon son expression « un entre deux entre la singularité des situations et la généralité de la règle, visant le raisonnable ».

Cette observation semble résumer à elle seule, les limites du droit et l’ampleur du sujet.

Il existe également un aspect antinomique qui résulte de la rigueur nécessaire lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet sous l’angle juridique et la difficulté sémantique correspondante : « vous pouvez si vous le souhaitez… », « vous pouvez faire appel à deux témoins… », ou encore « obstination déraisonnable ».

Faut-il considérer ces imprécisions et propos subjectifs qui laissent sans conteste une part d’interprétation parfois difficile à appréhender, comme défauts d’un texte ou l’envisager plutôt comme critique positive par la marge de manœuvre qu’il laisse à ceux qui s’en emparent… ?

C’est au tour de A.R., psychologue et du Dr J.F. C, médecin, de poursuivre le propos et d’entrer dans le vif de trois situations vécues dans l’exercice de leur profession au sein d'une Unité de Soins Palliatifs.

4. Directives anticipées : une ligne directrice ?

Ces situations ont suscité bien des remarques et des questionnements qui orientent le débat :

• L’avis du malade peut changer

• La précision des DA est-elle gage de bonne compréhension ?

• Doit-on suivre les directives anticipées à la lettre ?

• En situation de confusion, doit-on privilégier les DA, l’avis du malade sur le moment ?

• En cas de décompensation à domicile dans un contexte d’urgence et de crise, les directives anticipées sont-elles consultées ?

• Que penser de la réaction d’une personne de confiance qui agit à l’opposé des directives anticipées dont elle est pourtant dépositaire ?

Quelques éléments de conclusion :

Le fait de fixer sur du papier des opinions ou des volontés qui, par nature, sont changeantes, résout des problèmes et en pose d’autres.

Il conviendrait de considérer les Directives Anticipées comme un outil propice à la discussion d’une question sensible parfois écartée du discours médical.

Il s’agit pour le médecin d’informer le patient de l’existence de ce dispositif comme une perche tendue à une discussion sur un sujet sensible, discussion intime entre patient et médecin, dont la manière et le moment pour aborder le sujet, résident davantage dans l’intuition d’une relation singulière que dans la systématisation d’une démarche.

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