Chapitre 33

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Le jour tant redouté par Lisa arriva enfin : le vendredi 14 avril, jour où sa mère allait rencontrer pour la première fois l’homme dont elle était secrètement amoureuse. La jeune fille avait entouré la date en rouge sur le calendrier affiché dans la cuisine, et l’avait accompagnée de ces mots : « RDV M. Bates 15h30 », soulignés par trois traits. Une manière à elle de faire comprendre à sa mère à quel point ce rendez-vous était important à ses yeux. Le message semblait être bien passé, car le matin du jour fatidique, en descendant à six heures à la cuisine pour prendre son petit déjeuner, Lisa constata au bruit de la cafetière que sa mère était déjà levée et en train de préparer son café. Alors qu’elle profitait d’habitude de ses jours de congés pour faire la grasse matinée jusqu’à neuf heures, elle était cette fois-ci tombée du lit, pour une raison qui ne devait pas être sans lien avec son rendez-vous de l’après-midi... Lisa en eut la confirmation lorsqu’elle poussa la porte de la cuisine et que sa mère l’accueillit par cette question des plus existentielles :

- Tu crois que si je mets mon tailleur pour aller au rendez-vous avec ton prof de maths, ça ne risque pas de faire un peu trop ?

- Euuuh…, fit Lisa en se frottant les yeux pour essayer de se réveiller – elle se demandait depuis combien de temps sa mère était debout à ruminer ce problème. Un peu trop quoi ?

- Un peu trop chic, pardi !

- Oh, tu sais…, commença Lisa en s’asseyant à la table de la cuisine et en s’emparant de sa boîte de Cheerios. Même si tu y allais en robe de gala, je pense que tu n’arriverais pas à rivaliser avec M. Bates…

- Pourquoi ? Il s’habille comment, lui ? s’inquiéta Amanda.

- Disons que je ne l’ai jamais vu en cours sans son nœud papillon…

- Quoi ?

- C’est sans conteste le prof le plus classe du lycée, ajouta Lisa avec un petit sourire de contentement, tout en versant ses céréales dans son bol.

- OK, dans ce cas, il n’y a pas à se creuser les méninges plus longtemps : je mettrai mon tailleur noir et mon chemisier blanc, et je me ferai un chignon à la place de ma queue de cheval. Qu’est-ce que tu en penses ?

- Je pense que ce sera parfait, répondit Lisa d’une voix qui se voulait rassurante.

Elle était heureuse de voir que sa mère prenait à cœur cet entretien avec M. Bates, et qu’elle tenait à produire sur lui la meilleure des impressions. Le risque était cependant qu’elle ne finisse par vouloir en faire un peu trop...

- Je pense que j’aurai un peu de temps cet après-midi pour faire des muffins…, dit Amanda. Tu crois que si j’en apporte un à ton prof, ça lui fera plaisir ?

- Quoi ? se récria Lisa, qui faillit avaler de travers sa première cuillerée de Cheerios.

- Est-ce qu’il aime les muffins pomme-cannelle ?

- Comment est-ce que je pourrais le savoir ? s’exclama Lisa en faisant semblant de paraître offusquée, elle qui connaissait déjà le goût prononcé de M. Bates pour le cheesecake au coulis de framboises.

- En même temps, qui n’aime pas la pomme et la cannelle ? fit remarquer Amanda.

- Maman, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée…, intervint Lisa, qui ne voyait sérieusement pas comment un muffin pomme-cannelle pouvait avoir sa place dans un entretien parent-prof. M. Bates risque de croire que tu as une idée derrière la tête et que tu veux l’amadouer… 

- Je ne veux pas l’amadouer, je veux juste lui témoigner ma reconnaissance pour tout ce qu’il a fait pour toi ! Après tout, c’est bien lui qui t’a mis tous ces A+++ ?

- Maman, ce n’est pas parce qu’il me met des bonnes notes que tu dois te sentir obligée de lui offrir des gâteaux…

« Si elle savait que M. Bates m’a aussi payé une part de cheesecake, hier après-midi… » songea Lisa. « Elle voudrait certainement le remercier en lui apportant un panier entier de muffins… »

- OK, OK, j’irai les mains vides, déclara Amanda, qui semblait avoir fini par céder. Tu ne veux toujours pas m’attendre jusqu’à la fin de l’entretien pour que je te ramène à la maison en voiture ?

- Non, non, je préfère rentrer directement par le bus, répondit Lisa.

Elle ne souhaitait pour rien au monde rester au lycée pendant que sa mère et M. Bates discuteraient ensemble de son avenir. Le mieux était pour elle de s’éloigner le plus possible du lieu de la réunion, afin d’être absolument certaine d’y échapper. Le risque que M. Bates ou sa mère ne finisse par réclamer sa présence à l’entretien n’était pas à exclure, et Lisa préférait prendre ses précautions en rentrant chez elle dès la fin des cours. Tant pis pour l’atelier photographie. De toute façon, elle était quasiment sûre de ne pas réussir à se concentrer durant la séance, tant elle serait préoccupée par ce que M. Bates et sa mère pourraient se dire à son sujet, à quelques mètres d’elle seulement.

- Tu penses que ça va durer longtemps ? s’inquiéta Amanda, qui croyait que sa fille préférait rentrer par le bus pour ne pas avoir à l’attendre pendant des heures.

- Tu sais, je ne crois pas que M. Bates ait tant de choses que ça à raconter sur moi… 

- J’espère au moins que je serai rentrée pour le dîner… Si ce n’est pas le cas, fais-toi chauffer une pizza : j’en ai laissé quelques-unes au congélateur.

- Maman, je suis sûre que M. Bates ne te retiendra pas plus d’une heure. Après tout, c’est vendredi, et je suppose qu’il ne voudra pas trop tarder à être en week-end. 

- C’est vrai. Quelle idée, d’ailleurs, de proposer un rendez-vous parent-prof un vendredi après-midi !


Comme prévu, dès que ses cours de l’après-midi furent terminés, Lisa se sauva du lycée et sauta dans le premier bus venu à destination de Clayton. Elle arriva chez elle à trois heures et demi, pile au moment où devait commencer l’entretien entre sa mère et M. Bates.

« Pourvu que tout se passe bien... » songea-t-elle en ouvrant la porte d’entrée et en pénétrant dans le vestibule.

Celui-ci embaumait l’odeur de pomme et de cannelle, et Lisa comprit aussitôt que sa mère n’avait pu s’empêcher de confectionner les fameux muffins dont elle lui avait parlé au petit déjeuner. Ce parfum, qui d’habitude la faisait saliver à l’idée du délicieux goûter qui l’attendait, fit cette fois-ci naître en elle une terrible angoisse.

« Oh non » se dit-elle. « Faites qu’elle n’en ait pas apporté à M. Bates ! »

Lisa se précipita dans la cuisine et constata avec effroi qu’un panier rempli de muffins était posé au beau milieu de la table. Cette vue certes appétissante lui donna des sueurs froides. Comment savoir si tous les muffins étaient là, ou si l’un d’eux avait été emporté pour être remis à M. Bates ? Lisa devrait probablement attendre le retour de sa mère pour connaître la réponse… A moins que celle-ci ne cherche délibérément à lui cacher la  vérité ?

Plutôt que de céder à l’inquiétude, Lisa préféra céder à la gourmandise, et s’empara du muffin placé tout en haut du panier, avant de mordre dedans à pleines dents. Un délice, comme toujours ! Si M. Bates avait réellement eu droit à son muffin, au moins, il avait dû se régaler. Mais qu’avait-il dû penser de sa mère qui lui avait apporté exprès cette pâtisserie ?

Lisa essaya de chasser cette question de son esprit en prenant une nouvelle bouchée du muffin, puis l’emporta avec elle avant de monter dans sa chambre pour poser ses affaires. Elle songea un bref instant à s’attaquer dès maintenant à ses devoirs pour lundi, mais en voyant le ciel bleu azur qui resplendissait par la fenêtre, elle se dit qu’il valait mieux commencer le week-end en douceur, et elle choisit de passer un peu de temps dans le jardin pour profiter du soleil. Son besoin de se ressourcer s’accompagnant d’un besoin de se divertir, elle saisit instinctivement le manche de sa guitare acoustique, posée contre le mur à côté de son bureau. Ce fut alors qu’une autre idée lui traversa l’esprit : et si, au lieu de jouer de la guitare, elle essayait de rejouer aux échecs ? Cela faisait des lustres qu’elle n’avait pas touché à son jeu d’échecs, mais maintenant que M. Bates lui avait révélé qu’il s’agissait de son loisir favori, n’était-ce pas une merveilleuse occasion de s’y remettre ? Sans plus tarder, Lisa ouvrit le grand tiroir de rangement sous son lit, et tâtonna jusqu’au fond avant de parvenir à trouver sa vieille boîte de jeu d’échecs toute poussiéreuse.

« Tadaaam ! » se dit-elle joyeusement en brandissant le coffret devant elle pour mieux l’admirer.

Certes, ce jeu d’échecs n’était pas dans sa prime jeunesse, mais au moins il allait lui permettre de réapprendre les bases et, pourquoi pas, de réussir un jour à se mesurer à M. Bates. Excitée par cette perspective, Lisa s’empressa de descendre dans le jardin pour aller s’installer à la table de la terrasse et déballer son jeu d’échecs. Les pièces et le plateau étaient en bois, et certaines des figurines avaient un peu souffert avec le temps, mais il n’en manquait aucune et c’était l’essentiel. Après les avoir correctement placées sur les cases de l’échiquier, Lisa tourna celui-ci de façon à se trouver dans le camp des pièces noires (elle avait toujours préféré le Côté Obscur de la Force).

Faute d’adversaire, elle s’apprêtait à jouer toute seule contre elle-même, lorsqu’elle vit arriver Léo, traversant le jardin et se dirigeant vers elle d’un pas tranquille.

- Ah, te voilà, toi ! s’exclama Lisa. Je me demandais où tu étais passé.

Naturellement, sa mère avait dû enfermer le chat dehors pour éviter qu’il ne se balade dans la maison en son absence et ne chipe un des muffins qu’elle avait laissés sur la table de la cuisine. Léo était tellement gourmand qu’il était prêt à dévorer tout et n’importe quoi. A cet instant précis, il revenait très probablement de chez la voisine, la vieille Mme Foster, qui ne pouvait s’empêcher de lui donner à manger tout ce qu’il voulait.

- Tu es encore aller te goinfrer, n’est-ce pas ?

A cette question, le chat blanc répondit par un miaulement plaintif, avant de sauter sur la table de la terrasse et de commencer à se balader dessus comme si de rien n’était. Remarquant alors le jeu d’échecs, il s’en approcha doucement et renifla les pièces blanches d’un air intrigué.

- Tu veux jouer contre moi ? demanda la jeune fille.

- Miaou !

- Non, ça ne se mange pas !

Lisa commença la partie en déplaçant un pion noir. Ce mouvement attisa la curiosité de Léo, qui décida d’inspecter le camp adverse en marchant négligemment sur l’échiquier.

- Attention ! Tu vas tout renverser ! s’écria Lisa.

Hélas, ce fut trop tard. Plusieurs figurines roulèrent sur la table avant de tomber par terre et de rebondir sur les dalles de la terrasse. Non content d’avoir déjà chamboulé la moitié des pièces, Léo décréta qu’il n’y avait pas de meilleur endroit pour faire une sieste que le plateau d’un jeu d’échecs. Aussi se coucha-t-il dessus de tout son long, regarda sa maîtresse d’un air satisfait, puis commença à faire sa toilette.

- Je rêve ! s’exclama Lisa. Très bien, tu ne me laisses pas le choix. Si je ne peux même pas jouer aux échecs, je vais jouer à autre chose !

Sur ce, la jeune fille remonta illico presto dans sa chambre, se munit de sa guitare et redescendit dans le jardin.

- Tu l’auras voulu ! dit-elle au chat blanc en passant la sangle de son instrument sur son épaule.

Elle entonna alors les premières notes de la chanson Polly de Nirvana, faisant vibrer les cordes métalliques à grands coups de médiator. Léo arrêta subitement de se lécher la patte arrière et tourna la tête vers la jeune fille : ses yeux jaunes étaient exorbités et ses oreilles rabattues en arrière. Il avait horreur du bruit que faisait Lisa lorsqu’elle jouait de la guitare. Il ne put supporter ce tapage plus longtemps, et finit par déguerpir, bousculant sur son passage les dernières pièces de l’échiquier qui tenaient encore debout.

- Et voilà ! Je savais bien que ça marcherait ! se félicita Lisa, tout en continuant de jouer sa ballade avec un entrain redoublé.


Une heure plus tard, Lisa était toujours en train de gratter sa guitare, et n’avait même pas ramassé les pièces du jeu d’échecs qui parsemaient le sol de la terrasse. Elle était au beau milieu du morceau Rape Me lorsqu’elle entendit le moteur pétaradant de la Ford Fiesta de sa mère qui faisait son retour du lycée. La jeune fille s’arrêta aussitôt de jouer et posa sa guitare dans l’herbe. Elle attendit nerveusement que sa mère gare la voiture devant la maison, puis se précipita à sa rencontre dès qu’elle fut descendue du véhicule, pour lui poser la question qui lui brûlait les lèvres :

- Alors ?

- Alors il est sacrément chic, ton prof de maths ! répondit Amanda avec un sourire jovial.

- Mais encore ? s’impatienta Lisa en suivant sa mère qui marchait jusqu’à la terrasse. Tu lui as apporté un muffin ?

- Non, pourquoi ? Tu m’as dit qu’il ne fallait pas !

- Ah, ouf ! J’ai eu tellement peur…

- Je n’en ai fait que pour nous. Tu les as goûtés ?

- Oui, oui, ils sont très bons ! Et donc ? Vous avez parlé de quoi, tous les deux ?

- De toi, bien sûr ! On a beaucoup discuté… Tiens, c’est quoi ce qu’il y a par terre ? Tu as joué aux échecs ? s’étonna Amanda en voyant l’échiquier sur la table de la terrasse.

- Oui, j’ai voulu m’y remettre pour tuer le temps, cet après-midi… Mais ne change pas de conversation ! Qu’est-ce que M. Bates t’a dit, au final ?

- Oh, eh bien, il ne m’a dit que des bonnes choses à ton sujet ! répondit Amanda d’une voix ravie, avant de s’asseoir sur le banc. Il n’a pas tari d’éloges, ça c’est sûr ! « Si tous mes élèves pouvaient être comme Lisa, ce serait le paradis » : voilà ce qu’il m’a dit ! Tu lui as tapé dans l’œil, on dirait !

A ces mots, le visage de Lisa devint rouge pivoine. Extrêmement embarrassée, la jeune fille prit une chaise et s’assit en face de sa mère, tout en évitant de croiser son regard.

- Vous avez parlé de ce que je voulais faire plus tard ? s’enquit-elle en se tordant les mains d’un air anxieux.

- Oui, j’ai compris que c’était le sujet principal de notre rencontre... Il m’a dit que tu voulais entrer au MIT ?

- C’est exact, confirma Lisa. Je voudrais suivre leur formation d’ingénierie...

- Eh bien, si c’est ce que tu souhaites… Tu es sûre que ça ne fait pas un peu loin ?

- Maman, il faudra bien que je quitte le nid, un jour ou l’autre !

- Je sais, je sais, mais j’avais simplement espéré que tu resterais encore un peu dans la région… Je suis consciente que je ne pourrai pas te garder avec moi éternellement, mais j’ai peur que tu t’ennuies, toute seule là-bas…

- Crois-moi, je suis sûre de ne pas m’ennuyer à Boston. M. Bates ne t’a pas parlé de toutes les associations qu’on peut trouver sur le campus ?

- Non, il m’a surtout parlé des frais de scolarité et des demandes de bourses…

Lisa avala sa salive, inquiète de ce qu’elle s’apprêtait à entendre.

- Il m’a bien expliqué toute la démarche à suivre pour faire une demande de bourses. Apparemment, ce n’est pas si compliqué. Il y a juste un certain nombre de documents à rassembler et à joindre à ton dossier de candidature. Je pense que je peux retrouver tout ça facilement. Il m’a donné la liste des pièces demandées…

Sur ce, Amanda ouvrit son sac à main et en sortit une feuille de papier A4 qu’elle déplia et posa sur la table devant elle. Lisa se pencha dessus et reconnut l’écriture en pattes de mouche de son prof de maths.

- Par contre, je ne suis pas sûre de savoir relire tout ce qu’il a écrit…, avoua Amanda en plissant les yeux pour tenter de déchiffrer certains mots.

- Ne t’inquiète pas, je connais son écriture sur le bout des doigts ! s’exclama Lisa en rougissant de plaisir.

Elle était heureuse de constater que M. Bates avait réussi à convaincre sa mère de laisser sa fille postuler au MIT et d’accepter de faire une demande de bourses auprès de cette université. Elle chercha tout de même à s’en assurer en demandant à sa mère :

- Alors c’est d’accord ? Tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je présente ma candidature au MIT ?

- Non, si c’est vraiment ce que tu veux faire plus tard… J’avoue que j’aurais préféré que tu te trouves un job directement après le lycée, mais M. Bates m’a assuré que tu avais toutes tes chances pour entrer dans une grande université, et puisqu’il existe des moyens pour réduire les frais de scolarité…

Lisa eut du mal à se retenir d’exploser de joie. C’était donc confirmé : sa mère était bel et bien décidée à l’aider à accomplir l’un de ses rêves les plus fous, et tout cela grâce à M. Bates ! Elle lui devait vraiment une fière chandelle. S’il avait été là, elle lui aurait même sauté au cou !


Malgré l’atmosphère à la fois printanière et festive de ce week-end de Pâques, Lisa passa la plus grande partie de son temps à réviser ses cours de physique pour se préparer à son tout premier examen du SAT. Même si celui-ci n’avait lieu que dans trois semaines, elle préférait prendre les devants, se sentant d’autant plus motivée à la pensée qu’elle pouvait désormais compter sur le soutien et les encouragements de sa mère. Bien sûr, ses révisions ne l’empêchèrent pas de se goinfrer de chocolats ni de profiter du grand air : confortablement installée à sa table de jardin – laquelle était surmontée d’un parasol et recouverte de bouquins et de cahiers de physique, d’œufs et de lapins en chocolat –, elle pouvait goûter à la fois à la tiédeur du printemps, à la douceur de ses friandises de Pâques, et au plaisir de résoudre des équations de thermodynamique. Quoi de plus agréable que d’être accompagnée dans son travail par le chant mélodieux des oiseaux et le parfum enivrant des fleurs ? Finalement, il y avait du bon à ce que la saison des examens tombe pendant la saison des amours.


Le lendemain matin, plusieurs élèves de la classe de M. Bates manquèrent à l’appel. Le lundi de Pâques n’était pourtant pas un jour férié en Californie. Aussi M. Bates en conclut-il que les absents avaient soit fait une indigestion de chocolats, soit fait une insolation durant le week-end.

- Je vous avais pourtant bien dit, vendredi, de ne pas vous empiffrer et d’éviter de rester trop longtemps au soleil ! s’exclama M. Bates au début du cours. Je sais que les vacances d’été approchent à grands pas, mais avant ça, n’oubliez pas que vous avez des examens à passer ! Ce serait dommage de les rater à cause d’une crise de foie…

Lisa, de son côté, se félicita d’être restée à l’ombre du parasol de la terrasse et d’avoir su résister à la tentation de manger tous ses chocolats de Pâques – même si, elle devait l’avouer, seule une poule en chocolat avait survécu à sa gourmandise… Si elle s’était rendue malade et avait manqué cette leçon de maths, jamais elle n’aurait eu le bonheur de voir M. Bates dans sa belle chemise bleu marine aux manches retroussées jusqu’aux coudes, assortie à son nœud papillon en satin noir et à son pantalon bordeaux. Comment faisait-il pour paraître toujours aussi élégant, alors même que les températures avoisinaient les vingt-cinq degrés ? Cet homme avait une telle maîtrise de la mode masculine que Lisa ne pouvait définitivement pas y rester insensible. Sa chemise, ni trop large ni trop serrée, était en contact direct avec sa peau, et laissait deviner la forme particulièrement attirante de ses pectoraux. Lisa observait avec envie les boutons en nacre qui refermaient le vêtement sur le devant et qu’elle aurait rêvé de défaire, un à un, pour découvrir ce qu’il y avait en dessous… Sa chemise était rentrée dans son pantalon et laissait apparaître une magnifique ceinture à boucle argentée, fabriquée dans un cuir de crocodile marron qui rappelait celui du bracelet de sa montre. Celle-ci entourait son poignet droit et avait vraisemblablement remplacé sa montre à gousset. Son boîtier rond et fin, de couleur dorée, entourait un cadran blanc contenant trois autres plus petits cadrans, et sur lequel se déplaçaient de fines aiguilles. Cette montre vintage et raffinée avait dû lui coûter une fortune…

A la fin de la séance, Lisa attendit que la salle se vide avant de rejoindre M. Bates à son bureau pour lui exprimer à nouveau toute sa reconnaissance. Elle le remercia en particulier de s’être montré aussi convaincant auprès de sa mère, et lui annonça avec fierté qu’elle s’était inscrite à l’épreuve du SAT du 6 mai, qu’elle commençait déjà à préparer.

- La balle est dans ton camp, désormais ! s’exclama l’enseignant. Si tu as des questions ou besoin d’autres conseils, surtout, n’hésite pas.

- Merci encore, lui dit Lisa en plongeant ses yeux dans les siens, comme pour mieux lui faire comprendre à quel point elle lui était redevable.

Son cœur débordait d’une telle gratitude qu’elle se demandait comment elle arriverait un jour à lui rendre la pareille... Et si, pour l’heure, elle se contentait de réussir ses examens ? Ne serait-ce pas là une merveilleuse façon de le remercier ?

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