Chapitre 30

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Le lundi 10 avril, il fut définitivement impossible pour Lisa de passer à côté du forum des universités : non seulement les couloirs du lycée étaient recouverts de posters rappelant que l’événement aurait lieu à partir de trois heures au gymnase, mais M. Bates tint également à signaler à ses élèves, à la fin de son cours, à quel point il était important pour eux d’aller se renseigner aux stands des différents exposants, afin d’avoir une meilleure idée de ce qu’ils voulaient faire plus tard.

- N’hésitez pas à poser des questions, à prendre des contacts, conseilla l’enseignant. Ne vous contentez pas de vous balader entre les stands et de ramasser quelques brochures par-ci par-là. Ce forum est fait spécialement pour vous qui êtes en première et qui allez devoir commencer à postuler à différentes universités dès cet été. Profitez de cette occasion pour vous rapprocher des facs qui vous attirent le plus, et surtout, dit-t-il en tournant la tête vers Lisa et en la regardant droit dans les yeux, n’hésitez pas à viser haut !

Lisa ne put s’empêcher de rougir. Il était clair que le message de M. Bates s’adressait tout particulièrement à elle. Malgré le B- qu’elle avait eu à son dernier contrôle, il continuait donc à croire en ses chances d’intégrer une grande université ? Elle était soulagée de voir qu’il lui avait pardonné son petit moment de faiblesse, elle qui avait craint d’avoir perdu sa confiance. Mais pour la mériter pleinement, elle était bien décidée à ne plus jamais le décevoir.


Lisa retrouva Astrid, Kevin et Joey à l’entrée du gymnase à trois heures. Une bonne douzaine d’élèves se massaient déjà dans le hall d’accueil, autour de la petite table à laquelle était assis M. Carver. Le conseiller principal d’éducation distribuait aux lycéens la liste des universités et autres établissements d’enseignement supérieur représentés au forum, ainsi qu’un plan de la salle d’exposition pour localiser les différents stands. Astrid parcourut la liste d’un regard fébrile, priant pour que l’université de ses rêves fasse partie des exposants.

- Yale ! s’écria-t-elle en bondissant de joie, comme si elle venait d’y être admise. Il faut immédiatement que j’aille voir leur stand ! C’est mon avenir qui est en jeu ! Je vous laisse, à tout à l’heure !

Sur ce, elle fila comme une flèche, abandonnant derrière elle ses trois camarades. Joey et Lisa se regardèrent d’un air hébété. Kevin, lui, se contenta de hausser les épaules, visiblement habitué à l’impulsivité de sa petite amie.

- Elle a raison, après tout, commenta-t-il. Une opportunité comme celle-ci, il ne faut pas la rater. Voyons voir ce qu’il y a au programme, cette année… , ajouta-t-il en parcourant des yeux la liste qu’il tenait dans les mains. Oh ! Caltech est présent au forum ! Ça te dirait d’aller faire un tour à leur stand, Joey ?

- Et comment ! s’exclama le garçon.

Aussi geek l’un que l’autre, Joey et Kevin partageaient le rêve de travailler un jour à la Silicon Valley, pour l’un des géants du web tel que Google, Facebook ou eBay. Tous les deux suivaient les mêmes cours d’informatique et s’orientaient vers le même type d’études après le lycée : obtenir une licence dans le domaine des réseaux de communication était ce qui les motivait le plus, et pour cela, l’Institut de Technologie de Californie semblait tout indiqué.

- A défaut de pouvoir entrer à Stanford, reprit Kevin, autant viser une université avec encore une assez bonne renommée.

Il était vrai que Stanford, située au cœur de la Silicon Valley, était réputée comme la meilleure université pour les étudiants souhaitant décrocher un job dans l’une des grandes firmes informatiques implantées à proximité. Elle était également connue pour être la plus sélective, pire encore que Harvard, ce qui laissait finalement à Joey et Kevin peu d’espoir d’y être admis.

- De toute façon, Stanford n’est même pas représentée au forum, déclara Joey après avoir jeté un œil à la liste. Cette fac est tellement inaccessible que les organisateurs du forum n’ont même pas pris la peine de l’inviter à venir se présenter ici.

A ces mots, un terrible doute s’empara de Lisa : et si jamais les universités qu’elle visait n’avaient pas de stand au forum, sous prétexte qu’elles étaient trop élitistes ? Paniquée, elle passa en revue la série de noms d’universités qui figuraient parmi les exposants. Elle constata avec angoisse que Harvard et Columbia n’apparaissaient nulle part, mais elle fut soulagée de voir que Berkeley et le MIT étaient de la partie.

- De mon côté, je crois que je vais aller faire un tour à Berkeley, annonça-t-elle à ses amis. A plus tard !

Le petit groupe se sépara ainsi, chacun se dirigeant vers l’université de ses rêves, le cœur gonflé d’espoir et d’appréhension. Lorsqu’elle arriva devant le stand de Berkeley, Lisa se rendit compte que les deux représentants étaient déjà accaparés par deux élèves qui l’avaient précédée. Parmi eux, Lisa reconnut Arthur Macmillan, son rival de toujours, en train de discuter avec un homme aux cheveux gris, coupés en brosse, et au costume impeccable.

- Avec une moyenne comme la vôtre, vous ne devriez pas avoir de soucis pour entrer chez nous, s’exclama l’exposant, tandis que Lisa parcourait des yeux les diverses brochures étalées sur la table du stand. Si c’est la recherche qui vous intéresse, l’université de Berkeley est faite pour vous. Il ne vous reste qu’à choisir votre domaine de prédilection…

- J’avoue que la chimie m’a toujours passionné, répondit Arthur. Tout petit, je faisais déjà mes propres expériences dans ma chambre, comme fabriquer des piles avec des pièces de monnaie, ou reproduire l’effet geyser en mélangeant des Mentos avec du Coca Cola !

« Tout s’explique… » songea Lisa, qui ne pouvait s’empêcher d’écouter la conversation entre son camarade de classe et le représentant de Berkeley.

Elle avait toujours trouvé qu’Arthur avait un petit air de savant fou, avec ses grosses lunettes rondes et ses cheveux roux coiffés en pétard. Aujourd’hui, elle avait la confirmation qu’elle ne s’était pas trompée.

- Parfait, parfait ! s’enthousiasma l’homme aux cheveux gris. Vous êtes justement le type d’élèves qu’il nous faut !

Non sans éprouver un soupçon de jalousie, Lisa ramassa un prospectus et se mit à le lire, en attendant qu’un des présentateurs de Berkeley se libère. Le fascicule qu’elle avait entre les mains dressait la liste des formations proposées par l’université. La plupart d’entre elles étaient tournées vers la recherche, en particulier en physique-chimie, et aboutissaient quasi systématiquement à des doctorats. Lisa se demandait si c’était vraiment ce qu’elle voulait faire… Chercheuse… A vrai dire, cela ne l’emballait pas particulièrement… Elle se voyait mal passer sa vie en blouse blanche dans un labo, à analyser des échantillons de cristaux ou de solutés, sans savoir si ses recherches mèneraient réellement quelque part… Chercher sans être sûre de trouver… Cela ne risquait-il pas de devenir un peu frustrant ?

Non, ce qu’il lui fallait, c’était du concret. Pouvoir se sentir utile en participant aux grandes avancées technologiques, mettre à profit ses connaissances pour réaliser des objectifs pratiques. Quel genre de métier lui permettrait de satisfaire ses aspirations ? C’était la question qu’elle aurait aimé poser à l’un des exposants du stand de Berkeley, si seulement ils n’avaient pas été occupés à répondre aux questions des deux lycéens venus se renseigner avant elle. L’homme aux cheveux gris s’était engagé avec Arthur dans une conversation à n’en plus finir, et à côté de lui, sa collègue aux cheveux roux et au tailleur bleu marine parlait avec un élève de seconde dont la curiosité semblait intarissable. Lisa avait beau essayer de prendre part à la discussion en écoutant attentivement les explications fournies par les deux intervenants, ceux-ci ne paraissaient même pas avoir remarqué sa présence. Fatiguée de devoir attendre son tour en se faisant complètement ignorer, Lisa finit par perdre patience. Elle rangea dans son sac à bandoulière les quelques plaquettes de Berkeley qu’elle avait pu collecter, puis quitta le stand avec une pointe d’agacement.

« Tant pis » se dit-elle. « J’y retournerai plus tard, quand il y aura moins de monde… »

Elle espérait seulement que le stand du MIT serait plus accessible… Après l’avoir repéré sur le plan du gymnase, elle se fraya un chemin parmi les lycéens qui flânaient dans les allées, passant à côté de stands proposant des carrières auxquelles elle n’aurait jamais pensé : pilote dans l’Armée de l’air, documentaliste à la bibliothèque de Greentown, ou encore cuisinier dans un hôtel de luxe… Lorsqu’elle aperçut sur une pancarte les trois lettres du fameux Institut de Technologie du Massachusetts, elle sentit son cœur s’emballer, comme si elle voyait là le nom de l’université qui allait peut-être changer sa destinée. Prenant son courage à deux mains, elle s’approcha timidement du stand et adressa un sourire un peu gêné à la jeune femme qui se tenait derrière. Celle-ci avait la trentaine, de longs cheveux châtains retenus par un chignon, et une paire de lunettes rectangulaires à monture rouge. Un badge accroché à sa veste indiquait son nom : Nicole Rexford.

- Bonjour, dit-elle. Besoin d’un renseignement ?

- Euh… Oui…, répondit Lisa d’une voix hésitante. J’aurais voulu connaître le type de formations scientifiques que vous proposez...

- Bien sûr. Quel secteur t’intéresserait le plus ? Le MIT compte plus d’une vingtaine de départements, qui se répartissent en cinq grandes écoles : l’école d’architecture et de planification, l’école d’ingénierie, l’école des sciences humaines, des arts et des sciences sociales, l’école de management, et enfin l’école des sciences.

- Waouh ! ne put s’empêcher de s’exclamer Lisa, impressionnée. A vrai dire, je n’ai pas encore d’idée bien précise de ce que je veux faire plus tard… Je sais juste que je veux continuer à faire des sciences…

- Dans ce cas, je te recommande l’école d’ingénierie ou l’école des sciences. Celle-ci est plutôt axée vers les sciences fondamentales et la recherche, tandis que l’autre s’oriente beaucoup plus vers les sciences appliquées, en particulier dans le monde de l’industrie… 

- Je crois que c’est justement ce qu’il me faut ! répondit Lisa d’un air ravi. Faire des sciences appliquées. Mettre en pratique mes connaissances pour réussir à résoudre des problèmes complexes.

- Tu pourrais devenir ingénieure, proposa alors Nicole Rexford, qui semblait partager l’enthousiasme de Lisa. Tu ne trouveras pas de meilleure université que la nôtre pour te former à ce métier : le MIT est classé numéro un mondial dans l’enseignement des sciences de l’ingénieur.

Ces paroles avaient de quoi enchanter Lisa, mais elles lui rappelèrent surtout à quel point le MIT pouvait se montrer élitiste. C’était, après tout, une université privée, qui ne sélectionnait que les meilleurs des meilleurs…

- Quel est votre taux d’admission, en moyenne ? questionna-t-elle pour avoir une idée de ses chances d’intégrer cette prestigieuse université.

- L’année dernière, nous étions à environ 8 % d’élèves admis.

- 8 % ? répéta Lisa en écarquillant les yeux de stupeur. Ah… Euh… Eh bien…, balbutia-t-elle en se grattant la tête et en s’efforçant de sourire pour cacher son embarras. J’imagine que c’est toujours un peu plus que Harvard ou Stanford !

- Mais un peu moins que Berkeley ou Cornell, compléta la jeune femme. Dans tous les cas, il ne faut pas s’alarmer devant ce chiffre. Je sais qu’il peut faire peur, mais tu peux facilement faire partie de ces 8 %, si tu es réellement motivée et si tu as les notes requises. A ce propos, tu as une bonne moyenne ?

Lisa, qui s’apprêtait à qualifier modestement sa moyenne de « plutôt bonne », eut alors la surprise d’entendre quelqu’un derrière elle répondre à sa place :

- Excellente !

Stupéfaite, elle se retourna sans plus tarder, et se retrouva nez à nez avec M. Bates. L’enseignant lui offrit son plus beau sourire, avant de s’adresser de nouveau à Nicole Rexford :

- Lisa est ma meilleure élève en mathématiques avancées. Sa note moyenne au premier semestre était de A, et elle est bien partie pour renouveler cet exploit au second semestre.

A ces mots, Lisa rougit de plaisir et replaça derrière son oreille une mèche de cheveux rebelle, d’un geste quelque peu embarrassé.

- Mes collègues ne tarissent pas non plus d’éloges à son sujet, renchérit M. Bates. Elle se débrouille aussi bien dans les matières scientifiques que littéraires, et je ne serais pas surpris que sa moyenne à la fin de l’année dépasse les 18/20.

Cette fois, c’était vraiment trop d’honneur ! Lisa ne savait plus où se mettre, tant elle avait du mal à contenir sa joie. Elle sentait ses joues surchauffer – elles devaient être rouge cramoisi ! – et elle avait l’impression que son cœur allait exploser de bonheur. Même dans ses rêves les plus fous, jamais elle n’aurait osé imaginer M. Bates en train de vanter ses talents devant de potentiels recruteurs du MIT. C’était une faveur tout à fait inespérée, qui venait de faire gagner à l’enseignant la reconnaissance éternelle de son élève.

- Tout cela est très prometteur, approuva Mme Rexford. Nous serions ravis de t’accueillir parmi nous, ajouta-t-elle à l’adresse de Lisa. Voici une brochure qui t’expliquera les modalités pratiques pour postuler à notre université. Comme tu peux le voir, notre processus d’admission est globalement le même que celui des autres facs : ce que nous demandons aux élèves est une lettre de candidature dans laquelle ils doivent se présenter et parler de leurs principaux centres d’intérêt, ainsi que deux lettres de recommandation – l’une venant d’un prof de lettres, l’autre venant d’un prof de sciences ou de maths…

A ces mots, Lisa se tourna vers M. Bates, et celui-ci, lisant dans les yeux de la jeune fille la question qu’elle brûlait d’envie de lui poser, lui assura par un clin d’œil qu’il rédigerait sans problème sa lettre de recommandation. Pour Lisa, ce fut le comble du bonheur. Non seulement l’homme qu’elle aimait venait de lui confirmer qu’il appuierait sa candidature au MIT, mais il venait aussi de lui faire un clin d’œil, et ce signe, à la fois bienveillant et familier, semblait avoir rompu une barrière entre le professeur et son élève, comme si une certaine complicité avait fini par s’installer entre eux.

- Ton CPE devra également nous fournir une lettre de recommandation, ainsi que ton relevé de notes et ton profil scolaire, poursuivit Mme Rexford. Enfin, je t’encourage fortement à passer un entretien avec l’un de nos conseillers d’éducation.

- Je devrai me rendre au MIT pour cela ? questionna Lisa, effrayée à la pensée de devoir prendre l’avion toute seule pour passer une interview à l’autre bout des Etats-Unis.

- Non, ne t’inquiète pas, tu n’auras pas à te déplacer. Tout ce que tu devras faire, c’est prendre rendez-vous avec l’un de nos conseillers. Celui-ci te fera passer ton entretien soit dans ton lycée, soit par Skype.

- Je te conseille cependant d’aller visiter le MIT dès cet été, dit M. Bates. Cela te permettra de te faire une idée de la vie sur le campus et de rencontrer des profs qui pourront t’éclairer un peu plus sur le type de formations proposées.

- Dès cet été ? répéta Lisa, qui sentit l’inquiétude la gagner à nouveau.

- En général, les élèves profitent des grandes vacances pour faire la tournée des universités dans lesquelles ils souhaitent s’inscrire. Je sais que le MIT n’est pas la porte à côté, mais ça vaut vraiment le coup d’aller voir sur place à quoi ressemblent la fac et la ville dans lesquelles tu vas faire tes études. Tu as déjà mis les pieds à Boston ?

- Jamais, avoua Lisa en rougissant légèrement.

En vérité, elle n’avait jamais beaucoup voyagé, et n’avait pris l’avion que deux fois dans sa vie : une fois avec sa mère pour aller voir ses cousins à Chicago, une autre fois avec sa classe de troisième pour un voyage scolaire à Washington. De ces deux voyages, elle avait surtout gardé le souvenir des heures de vol angoissantes passées à se cramponner à son siège, à redouter à chaque instant que l’avion ne s’écrase, et à surveiller toutes les cinq minutes par le hublot si les ailes n’avaient pas perdu un moteur.

- Eh bien, ce sera l’occasion pour toi de découvrir Boston ! Crois-moi, c’est une ville très dynamique, où il fait bon être étudiant.

« C’est vrai... » songea alors Lisa. « M. Bates est bien placé pour connaître Boston, puisqu’il y a lui-même étudié lorsqu’il était à Harvard ! »

Le MIT se trouvait d’ailleurs à deux pas de l’université où M. Bates avait fait ses études. Quel plaisir ce serait de pouvoir marcher sur les traces de l’homme qu’elle aimait et de pouvoir étudier dans la même ville que lui ! Elle se demandait s’il lui arrivait de retourner à Boston de temps à autre… Peut-être serait-il heureux d’aller y refaire un tour cet été ? Même si elle aurait rêvé qu’il l’accompagne lors de sa visite au MIT, Lisa se dit qu’il n’était sans doute pas convenable de lui demander une telle faveur. Pas devant les exposants du MIT, en tout cas…

- Boston est une ville très agréable, en effet, confirma Nicole Rexford. Tous les ans, les grandes universités de la ville se regroupent pour organiser des tournois de sport : baseball, football, volley, basketball, aviron…

- Sans oublier, bien sûr, les tournois d’échecs, compléta M. Bates. Il y en a pour tous les goûts. Aussi bien pour les sportifs que pour les intellos !

Lisa sourit. Quelque chose au fond d’elle lui disait que M. Bates faisait partie de la seconde catégorie. Certes, à en juger par sa carrure solide, elle pouvait tout à fait l’imaginer en train de pratiquer une activité physique, mais ses lunettes et son nœud papillon lui donnaient clairement l’air d’un intellectuel. Ce qui était loin d’être un inconvénient, bien au contraire. Lisa avait toujours préféré la matière grise aux muscles.

- Une chose est sûre : nos étudiants n’ont pas le temps de s’ennuyer ! s’exclama Mme Rexford.

- Il est vrai que je garde de très bons souvenirs de mes années à Boston, acquiesça M. Bates.

Ainsi donc, tout incitait Lisa à partir pour cette ville sans plus tarder. S’il lui paraissait inenvisageable de demander à son prof de maths de venir avec elle, la jeune fille se demandait cependant comment elle allait réussir à convaincre sa mère de l’accompagner. Non seulement le prix du billet d’avion pour Boston devait coûter les yeux de la tête, mais si le but du voyage était de visiter une université privée aux frais de scolarité exorbitants, jamais Amanda Thompson n’accepterait de faire le trajet avec sa fille, ni même de la laisser y aller toute seule.

Ce qui soulevait l’éternel problème du manque de moyens pour financer ses études. Un problème délicat, que Lisa avait du mal à aborder, mais qui méritait toutefois d’être évoqué, car elle avait conscience que la représentante du MIT devant qui elle se tenait était certainement la personne la plus à même de l’éclairer sur ce point.

- Une dernière question..., dit Lisa. Est-ce que vous octroyez des bourses ?

- Oui, répondit Mme Rexford, mais seulement aux candidats qui en font la demande, et dont la moyenne est en général supérieure à 18/20.

- Ce qui ne devrait pas te poser de soucis, la rassura M. Bates avec un sourire.

- Quelle est la procédure pour faire une demande de bourses ? demanda Lisa.

- Cela se déroule en trois étapes, répondit Mme Rexford. Pour commencer, tu devras faire une demande d’aide financière auprès de l’Etat de Californie, par le biais d’un formulaire à remplir sur le site web du Département de l’Education. Tu devras ensuite compléter un deuxième formulaire sur le site du College Board, si tu souhaites obtenir des fonds du MIT. Chaque année, ces deux formulaires sont disponibles sur internet dès le 1er octobre, et doivent être remplis avant le 15 février de l’année suivante. Enfin, tes parents devront nous fournir divers documents qui nous permettront d’estimer le montant de la bourse à laquelle tu pourras avoir droit : déclaration de revenus, certificat de salaire, attestation fiscale, relevés bancaires…

Lisa écarquilla les yeux d’effroi devant l’énumération de toute cette paperasse. Cela demanderait certainement du temps à sa mère avant de réussir à rassembler ces papiers, et elle n’était pas sûre de la voir se prêter facilement au jeu, elle qui avait toujours préféré que sa fille ne fasse pas d’études après le lycée…

- Ne t’en fais pas, dit M. Bates, qui avait remarqué l’air préoccupé de Lisa. Ce n’est vraiment pas ce qu’il y a de plus compliqué, et tu as encore le temps pour faire ces demandes. Ce sur quoi tu devrais te concentrer, pour le moment, ce sont les tests standardisés. Tu peux les passer dès maintenant, et je te conseille de ne pas tarder.

- Dès maintenant ? répéta Lisa avec un brin de panique dans la voix. Et quels examens dois-je passer si je veux être admise au MIT ?

- Nous demandons à nos candidats de faire au moins deux sujets du SAT, répondit Mme Rexford. Un sujet de mathématiques, et un autre de biologie, chimie ou physique. Un troisième test est également requis : il peut s’agir de l’ACT ou d’un autre sujet du SAT. 

- Ce sont des QCM, c’est bien ça ?

- Exactement. Tu peux les passer dans ton lycée, tout au long de l’année. Il te suffit pour cela de consulter le calendrier des examens et de t’inscrire aux dates qui te conviennent le mieux. Sachant que tu devras envoyer tes résultats au MIT avant décembre, il est en effet recommandé de s’y prendre le plus tôt possible. 

- J’ai le programme du SAT et de l’ACT avec moi, dit M. Bates à Lisa. Nous pourrons voir ensemble à quelles dates t’inscrire.

Lisa était complètement chamboulée, à la fois par l’imminence des examens qu’elle allait devoir passer, et par le soutien inconditionnel de son prof de maths, qui semblait l’avoir définitivement prise sous son aile – ce qui dépassait toutes ses espérances. Désemparée, elle ne savait plus quoi répondre, et se contentait d’observer tour à tour M. Bates et Mme Rexford.

- D’autres questions ? s’enquit la représentante du MIT.

- Euh…, fit Lisa en se grattant la tête d’un air perdu. Pas pour l’instant, non…

- Dans ce cas, je te remets une brochure sur notre école d’ingénierie, qui te permettra de connaître l’ensemble des départements qu’elle regroupe, répondit Mme Rexford en tendant à Lisa le fascicule en question. Je t’invite également à te rapprocher de ton prof de maths pour voir avec lui les dates des examens auxquels tu pourrais t’inscrire, discuter avec lui des modalités pratiques pour postuler à notre université, et lui poser d’autres questions qui te viendraient à l’esprit…

« Me rapprocher de mon prof de maths ? » se répéta Lisa intérieurement, tout en serrant la brochure du MIT contre son cœur. « Mais c’est justement ce dont j’ai toujours rêvé ! »

L’occasion semblait trop belle pour être vraie. Lisa se tourna vers M. Bates avec un petit sourire interrogateur, comme pour lui demander confirmation qu’il accepterait de l’aider dans ses démarches. La réponse de M. Bates ne se fit pas attendre :

- Que dirais-tu si nous allions parler en privé dans ma classe ? proposa-t-il.

Le visage de Lisa se mit à rayonner de bonheur. Elle n’en croyait pas ses oreilles !

- Bien… Bien sûr, balbutia-t-elle. Tout de suite ?

- Si tu as un moment. Mais si tu préfères voir d’autres stands du forum, cela peut attendre demain...

- Non ! s’exclama aussitôt Lisa, bien décidée à ne pas laisser passer cette chance. Tout de suite, ça me convient parfaitement ! J’ai déjà vu tout ce que je voulais voir au forum, expliqua-t-elle en montrant à M. Bates les plaquettes de Berkeley et du MIT.

Certes, elle ne s’était renseignée qu’auprès du stand du MIT, mais elle avait le sentiment d’avoir déjà fait son choix et que cette université était la seule dans laquelle elle désirait réellement aller.

- Je ne devrais pas te retenir trop longtemps, ajouta M. Bates. Tu pourras toujours repasser au forum après notre entretien, si tu le souhaites.

« Oh, vous pouvez me retenir aussi longtemps que vous voulez ! » pensa Lisa. « Vous pouvez même me garder jusqu’à la fermeture du lycée, je n’y vois aucun inconvénient ! »

S’apprêtant à quitter le stand du MIT, Lisa se tourna vers Nicole Rexford et la remercia pour ses explications.

- Tout le plaisir est pour moi ! répondit la jeune femme. J’espère que nous te reverrons bientôt parmi nous !

« Je l’espère aussi… » songea Lisa.

Sur ce, elle se mit à suivre M. Bates, sans vraiment réaliser ce qui était en train de lui arriver : elle allait se retrouver en tête-à-tête avec lui dans sa classe !

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