15. Embrasement

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C'est cette semaine que la mèche s'embrasa pour de bon.

Je suis rentré chez moi après avoir passé la nuit avec Lucas. J'aurais bien aimé rester avec lui, mais il allait avoir beaucoup de travail cette semaine pour boucler ses affaires à Paris et organiser notre départ. De mon côté, je n'avais pas grand-chose à faire, alors je me suis terré dans ma tanière, comme si cela pouvait me préserver de la déflagration.

Je ne voulais pas m'intéresser aux Alters, mais il n'y avait plus aucun moyen d'y échapper. Depuis plusieurs jours, cette question submerge la sphère publique comme un raz-de-marée. Au point d'éclipser au second plan, la nouvelle, qui aurait pourtant dû éclater comme un évènement majeur, mondial et historique, du succès de l'atterrissage du premier vol habité sur Mars. La société Space Z, qui l'a financé, a dû se mordre les doigts de jouer d'un aussi mauvais timing.

Ça y est : les médias officiels se sont enfin emparés du sujet des Alters. Ils l'ont dévoilé comme un scoop, comme si tout le monde n'était pas déjà au fait depuis des mois. La différence étant que voir, cette fois-ci, des Alters, invités sur les plateaux, faire des démonstrations en live donnait tout de suite plus de crédit à la thèse que des vidéos sur Internet à l'origine douteuse.

Une fois la frange des médias sensationnalistes écartée et filtrée, il ne subsistait que de rares productions suffisamment sérieuses pour se fendre de vraies enquêtes. C'est ainsi que l'on a commencé à voir apparaître des chiffres complètement divergents d'une instance à l'autre. Entre deux cents mille et vingt millions de personnes pourraient être concernées. L'explication de cette fourchette extravagante était multifactorielle. Le calcul se basait sur l'estimation du nombre de personnes ayant pris du Razepan entre 1995 et 2013, l'estimation de leur descendance, la probabilité de développer la mutation spécifique et la probabilité que cette dernière « s'exprime ». Autrement dit : un nid à biais statistiques ! Qu'il était impossible d'affiner tant que Geneware s'évertuait à nier son implication dans l'affaire et refusait donc de communiquer les résultats des recherches sur les Alters qu'on les accusait de mener depuis près de vingt ans.

Parmi ce foutoir, quelques investigations se démarquaient. Un consortium international de journalistes a enquêté sur le fichage d'Alters, réalisé par d'autres Alters, au sein des plus gros hubs aéroportuaires tels que Shanghai, Atlanta ou Heathrow.

D'autres rédactions sont aussi parvenues à interviewer des scientifiques qui acceptent enfin de délier leur langue. Ils ont contribué à des études plus ou moins indépendantes sur les Alters et s'évertuent à rassurer la population, en jetant quelques verres d'eau sur l'incendie : non, les Alters ne constituant pas une nouvelle espèce de surhommes. La grande majorité parvient seulement à entendre quelques pensées par contact physique avec une cible ou dans un périmètre restreint ; et bien sûr, il ne s'agit que de pensées claires, exprimées à la surface et en parfaite conscience. Les phénomènes capables de plonger dans l'inconscient ou de scanner à grande distance sont rares. Au cours de leurs études, ils n’ont jamais croisé de spécimen doté d'un don d'omniscience, comme le prétend ce probable menteur de Maze.

J'ai ressenti une première vague de malaise à l'idée que j'étais, ainsi, un « phénomène ». La deuxième vague m’a giflé après l'interview vidéo du professeur Cal Garnelen. Ce dernier semble avoir dans l'idée d'anéantir toutes les tentatives d'apaisement de ses confrères en jetant un énorme pavé dans la mare. Peut-être pense-t-il sincèrement accomplir un devoir moral en informant la population d'un nouveau danger…

« Je vous le dis. Nous sommes à l'aube d'un cataclysme majeur ! (Le teint de la journaliste en face semblait déjà pâle sous l'éclairage intense des projecteurs, il devient livide.) Il s'agit d'une infime partie des Alters, je vous l'accorde, les notes de mes confrères portaient sur douze cas à travers le monde ; et même si Geneware en cache probablement davantage, on reste loin d'une épidémie. Néanmoins, ces cas « marginaux » sont d'une dangerosité excessive. Le docteur Rugen et le professeur Hoën, qui les ont étudiés, en ont perdu la vie ! Nous avons affaire à une mutation alter-neurale très particulière. Il ne s'agit plus d'une faculté à entendre le flux cérébral d'un autre, mais de l'impacter, avec des conséquences physiques bien réelles. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ces individus n'ont pas la possibilité de se contrôler. Ils transportent une véritable bombe en eux ! Une bombe qui peut exploser au moindre choc émotionnel, à la moindre contrariété. L’onde de choc provoque alors une douleur violente sur les individus présents dans un champ de plusieurs mètres, puis la mort. Ruptures d'anévrisme en masse ! »

Il ne fallait pas plus que cette dernière exclamation alarmiste pour faire frémir la journaliste. Elle réajuste ses lunettes en losange et s'humidifie les lèvres, avant de pouvoir relancer son interlocuteur sur une voix tremblante :

« Vous voulez dire qu'ils peuvent tuer des gens sans le vouloir ? Juste... par accident ? Parce qu'ils auront perdu le contrôle.

— Oui, et cela m'horrifie de vous l'apprendre, mais c'est ce qui s'est passé dans notre laboratoire d'étude des phénomènes alter-neuraux à Leipzig. Vingt-cinq morts provoqués « par accident » ! Certes, je vous l'ai dit, nous n'avons étudié que douze cas, mais les douze ont montré des signes de perte de contrôle. Ils signalaient un fort bourdonnement dans leur crâne, lequel ne s'apaisait qu'une fois la « bombe » – si vous me permettez de reprendre cette métaphore – explosée. »

Ses mains agitées optent pour une pause, le temps que le monsieur moustachu se réhydrate avec un verre d'eau avant de reprendre.

« N'en déplaise aux défenseurs des libertés, dont je comprends le point de vue, mais je pense qu'il est hélas nécessaire d'en venir au fichage des Alters. Ne serait-ce que pour détecter les personnes concernées par cette mutation, ce syndrome de Rugen-Hoën – nous avons choisi de le nommer ainsi en mémoire de ses découvreurs décédés. Et ainsi, les isoler pour la sécurité de l'ensemble de la population. »

Je coupe l'écran. Je ne peux pas en entendre plus. Mes oreilles chauffent, ma respiration est haletante. Cette intervention à mi-chemin entre découverte scientifique sensationnaliste et show télévisé m'a foutu la chair de poule. Pas seulement parce que si l'opinion décide de croire en ses propos, nombreux seront ceux qui commenceront à réclamer une « purge » des Alters – ou au moins de ces « dangereux marginaux incontrôlables » –, mais aussi parce que ses propos provoquent un terrible écho en moi.

« Un fort bourdonnement », « une violente douleur »... Je ne peux pas m'empêcher de repenser à ces policiers, le jour de la manif, qui avaient hurlé leur souffrance, l'espace de quelques secondes. Mais cela n'avait pas duré. J'ai chuté et...

Je me redresse sur le lit comme un ressort. Une sueur froide coule le long de mon dos. La chute. La chute a tout arrêté ! Parce que j'ai été sonné à ce moment-là. Mais sans ça, est-ce que le bourdonnement aurait continué ? Est-ce qu'ils auraient pu...

Non, non, non. C'est impossible. Je ne peux pas avoir ce que ce type décrit. Personne n'est encore mort autour de moi. Et si j'avais ce syndrome, nul doute que je m'en serais servi à l'encontre d'Igor depuis belle lurette.

Je ris nerveusement. Je pars dans la cuisine me faire un sandwich avec des restes de poulet, je mets de la musique sur le BlackPod d'Olga, même si je ne connais aucun des morceaux. Je l'arrête quand je me rends compte que je ne l'écoute même pas. Je finis par m'allumer une clope, sur mon rebord habituel, près de la fenêtre.

Je voudrais me changer les idées, mais Lucas est occupé. Il revient de chez sa grand-mère, qui habite dans l'Est, à une heure trente de Paris. Elle veut bien lui louer une dépendance de sa maison. Lucas en a aussi profité pour prospecter en ville pour un local où il pourrait remonter son laboratoire. J'aurais pu l'accompagner, mais sa grand-mère n'est même pas au courant de son homosexualité. Il a préféré jouer la carte de la délicatesse afin d'éviter de poser Mamie devant le fait accompli en lui présentant ma tronche d'immigré sans papiers.

À l'heure qu'il est, il doit être sur le chemin du retour. Je ne vais pas l'appeler alors qu'il conduit, mais j'irai probablement le voir dès qu'il sera rentré. Même si on en profitera pour continuer le tri dans ses affaires. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps à consacrer à la sensualité ou au romantisme cette semaine. Je me dis que nous nous rattraperons après.

Peut-être que je devrais appeler Aedhan. Je songe avec une inquiétante intuition que cette chose « importante » dont il voulait me parler est peut-être liée à l'interview anxiogène que je viens de couper. J'ignore pourquoi mon instinct me crie cela.

Aedhan est pratiquement passé au stade du harcèlement cette semaine. Multipliant messages et tentatives d'appel. Toujours sur le même refrain : il faut qu'on parle. Sans jamais me dévoiler le moindre élément, bien sûr. Il serait trop facile de découvrir ce qu'il a à me dire avec un simple message ; il fallait que monsieur se complique la vie. Je ne lui réponds pas. Je ne le bloque pas non plus. J'ai à la fois peur de ce qu'il peut bien me vouloir et peur de me priver à jamais du son de sa voix.

Quand on sera loin de tout ce merdier avec Lucas, que je grignoterai une pause bien méritée à la campagne, loin du tohu-bohu de Paris et des affaires d'Igor, alors peut-être que je le recontacterai, pour savoir ce qu'il avait de si important à me dire. Un « je t'aime » comme le pense Lucas ? Si c'est vrai, alors je préfère être effectivement bien installé dans mon couple, dans ma nouvelle vie, afin de le repousser sereinement. Dans mon état de confusion actuel, je ne pense pas que j'en serai capable.

J'écrase ma cigarette dans le cendrier et erre dans l'appartement trop vide, trop silencieux.

Je suis seul à la maison. Comme souvent cette semaine. Étonnement, Olga a compris, après m'avoir vu rentrer le visage écrasé comme une groseille mûre, que j'avais besoin d'espace et de tranquillité. Elle est partie découcher chez Maria et revient de temps en temps pour s'enquérir de mon état ou récupérer des affaires. Elle ne songe même plus à me parler d'Alters. Le sujet nous a dépassés tous les deux.

Je ne lui ai pas non plus parlé de mon projet de départ. Elle serait capable de vendre la mèche à Igor, avec sa maladresse. Ça m'ennuie de l'abandonner sans un mot, mais je n'ai pas le choix si je tiens à garder l'entreprise discrète. Et j'y tiens vraiment !

C'est la partie la plus difficile de cette étape de préparatifs : Igor ne doit se douter de rien. Il m'a appelé, il y a quelques jours. Il s'est longuement excusé pour son attitude de la dernière fois ; il n'aurait pas dû me malmener de la sorte, puis il n'avait pas l'intention de vraiment me torturer, c'était seulement pour pousser le coupable à se dénoncer. Difficile de savoir, par téléphone, le degré de sincérité de ses excuses. Si je devais parier, je ne placerais pas le curseur bien haut.

Néanmoins, j'ai accueilli avec une contrition hypocrite son amende honorable et lui ai assuré que je serais toujours à ses ordres. Alors que je redoutais, plus que tout, la prochaine mission qu'il me ferait tomber au coin du nez.

Ça n'a pas tardé.

Son appel fend mon âme comme un couperet. Ramène-toi aussi vite que possible à cette adresse. Suivi d'un plan sur GeoTrack. Pas loin de l'ancien marché aux puces où Lucas a son local. Je prie pour cela ne soit qu'une horrible coïncidence.

Je prie tout court en fait. J'ai peur d'y aller. Je voudrais que Lucas soit là, qu'il me répète que tout ira bien, que je n'ai qu'à faire ce qu'il attend de moi une dernière fois, qu'il me rassure et qu'Aedhan me garde prisonnier de ses bras...

Aedhan ? Non mais qu'est-ce que je raconte ? Lucas ! Lu-cas, voulais-je dire.

J'inspire un grand coup et enfile un blouson. Mon dos va mieux désormais, malgré une douleur persistante dans les reins, au moins je peux marcher normalement. Et mon visage a dégonflé. Les gens dans la rue ne me regardent plus comme si je portais un masque d'Halloween.

Je file en vélo, dans ce début de crépuscule, qui tombe sur la ville comme un funeste rideau à la fin d'un acte.

*

Il fait presque nuit quand j'arrive à l'adresse. Ibrahim m'attrape à l'entrée et m'escorte à l'intérieur. Un entrepôt désaffecté, le genre qui aurait bien sa place dans une mise en scène lugubre. Ce n'est pas pour me rassurer.

On pénètre dans un large hangar, haut de plafond. Les rainures rouillées des anciens rails de traction zèbrent le sol, tandis que les crochets tenant d'anciens palans pendent encore au plafond. Rien de rassurant, disais-je.

Surtout, qu'éclairé sous la lumière crue des néons encore en état, m'apparaît un homme attaché à une chaise, le visage encore plus tuméfié que le mien la semaine passée. Et si, sur sa peau noire, les taches de sang pouvaient se confondre, elles détonnent sur sa chemise blanche déchirée.

Un réflexe me fait reculer d'un pas, mais Igor apparaît dans mon champ de vision. Il vient de quitter une autre pièce sur la droite. Lui aussi est vêtu d'une chemise, une qu'il a légèrement ouverte sur le col, comme pour se prémunir d'un coup de chaud, et dont les manches sont retroussées, comme pour le préserver des salissures d'une basse besogne. Il semble d'ailleurs s'être lavé les mains puisqu'il les essuie dans une serviette.

L'Ukrainien ouvre les bras à la manière d'un chaleureux salut méditerranéen en m'apercevant. Il se place derrière moi et pose ses mains sur mes épaules, comme un père essayant d’éveiller la joie de son bambin devant un sordide numéro de cirque.

— Ah, mon p'tit Jay ! Désolé de t'avoir demandé de venir aussi brusquement, mais comme tu peux le constater, ton aide ici serait la bienvenue pour nous épargner un long et pénible interrogatoire avec ce traître.

Je jette un œil au pauvre homme dont je ne discerne même plus les traits sous les hématomes. Ils ne m'ont pas attendu pour commencer leur « interrogatoire ». Pour le coup, on est loin de la gentille trahison de Marius de la semaine dernière. Ce type est un infiltré. Il bosse pour la police. Il essaye de s'introduire dans les hauts cercles de la petite organisation d'Igor depuis plusieurs mois. Il avait presque réussi à assembler des preuves, mais il aura suffi d'un bête coup de fil pour le trahir.

Je me tourne vers Igor et mes lèvres tremblent lorsque je réussis à ouvrir la bouche.

— Vous... Vous allez le tuer si je parle.

Et je regrette aussitôt d'en avoir trop dit. La bouche d'Igor se fend d'un large sourire.

— Je ne comptais le tuer que s'il s'avérait bien être un indic. Dois-je considérer tes mots comme un aveu ?

Je m'emmure dans un silence horrifié. J'avais omis le fait qu'ils n'avaient pas encore la preuve formelle de sa traîtrise. Ma conscience est en miette. Je ne suis pas fier de tout ce que j'ai cédé à Igor ces derniers mois, mais je me rassurais en me disant, qu'au moins, personne n'était encore mort par ma faute, que ce serait sûrement ma limite.

Et on y était. Comme si j'avais encore besoin de preuves de la nécessité de la rupture avec Igor !

L'Ukrainien pivota en face de moi et se pencha pour se mettre à ma hauteur, ses foutues serres toujours agrippées sur mes épaules. Il prit sa voix paternelle, celle du calme avant la tempête.

— Ejay, je veux juste que tu nous dises ce qu'il a déjà balancé et s'il a des complices. C'est juste un flic ! Depuis quand tu t'intéresses au sort des flics ?

Depuis qu'il s'agit d'êtres humains, comme lui et moi, et parce que personne ne mérite d'être assassiné ! Mais je me doute bien que ce genre de débat idéologique est perdu d'avance face à Igor.

— Alors c'est vrai ! s'écrit le type attaché en feulant à chaque consonne à cause de sa bouche ensanglantée. Tu embauches des Alters pour tes sales besognes !

Igor agite une main nonchalante dans la direction de Lobster et le flic reçoit un nouveau coup de chaîne sur l'abdomen. Il tousse et peine à reprendre son souffle.

— Tu ne parles pas quand on te le demande et tu parles quand on ne t'y invite pas, siffle perfidement Igor. Tu n'arranges pas ton cas, Delvaux...

Le dénommé Delvaux relève la tête. Ses yeux me fixent et brillent d'une lueur étrange. Il devrait savoir qu'il n'a pas besoin de me parler, s'il veut me transmettre un message, mais il parle quand même. L'imbécile.

— Écoute gamin, quoi que t'ait promis cet homme, ne le crois pas ! Il est le Diable en personne ! Rentre dans sa toile et tu ne t'en échapperas plus !

J'ai presque envie de lui rire à la figure. Sans déconner ! Hélas, je ne suis pas dans un état propice à l'hilarité. Je me plonge dans un mutisme persistant. Igor râle, hausse le ton, me gifle. Je ne réagis toujours pas. Alors il finit par m'attraper le bras et par m'entraîner dans la pièce voisine, sur la droite.

Il me pousse à l'intérieur et claque la porte dans son dos.

— Je peux savoir ce qui te prend depuis une semaine ? Les choses se passaient bien entre nous, Jay ! Je te faisais confiance, je comptais sur toi et tu me lâches maintenant ? Au pire moment ? Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Sa tentative d'apaisement n'en avait que l'apparence. Je ferme les yeux et expire.

— Je ne veux pas être complice d'un meurtre.

— Mais ce ne sera pas le cas ! Tu t'imagines qu'il aurait survécu sans toi ? Un peu plus longtemps vu sa récalcitrante, mais le résultat final aurait été le même.

— Je te dirais tout ce que tu veux savoir si vous le relâchez.

Aucune chance que ça passe. Je ne sais même pas pourquoi je tente. Forcément, Igor s'esclaffe.

— Le relâcher ? Mais enfin ! C'est un flic ! Dans quel monde tu vis pour t'imaginer que je puisse le laisser partir tranquillement ?

Je baisse la tête. J'aimerais juste pouvoir m'évader de mon corps. Mais la main d'Igor qui m'attrape la gorge me rappelle que je suis bel et bien présent physiquement.

Sa force me plaque contre le mur et sa poigne se resserre pour m'étrangler.

— Ma patience a ses limites ! J'ai perdu suffisamment de temps avec ce connard et je n'ai vraiment pas envie d'en perdre avec quelqu'un qui est censé être à mon service. J'ai essayé d'être gentil avec toi, Ejay. Je t'ai payé, je t'ai laissé toute la liberté que tu désirais. Tout ce que je demandais en échange, c'était ton allégeance ! Tu me fais rire avec tes principes à la con. Ils ne vaudront plus rien une fois que je t'aurais brisé ! Ils ne vaudront plus rien une fois que j'aurais fait de ta vie un enfer ! Tu ne me crois pas capable d'aller jusque-là ? Les Alters de ton talent, ça ne court pas les rues. Alors crois bien que je suis prêt à t'en faire voir de toutes les couleurs. Je te jure que tu capituleras avant moi !

Par réflexe, j'enroule mes doigts autour des siens pour lui faire desserrer sa prise. En vain. Je commence à suffoquer. J'essaye de me débattre, il me rappelle à l'ordre d'un coup de genou.

Ma vision commence à se troubler.

Le bourdonnement revient envahir mon ouïe. Aigu, insupportable, il me vrille le crâne.

La prise sur mon cou se relâche et je respire bruyamment. La volonté d'Igor ? Pas certain.

Il recule d'un pas et hurle comme si on jouait du marteau-piqueur dans son crâne.

Je ne comprends plus rien de ce qu'il se passe. J'ai l'impression de ne plus avoir les commandes de mon corps, de n'être plus qu'un spectateur de moi-même.

La porte s'ouvre dans un violent fatras. Ibrahim se pose dans l'ouverture et braque son pistolet sur moi. Je sursaute et réinvestis mon corps.

Le bourdonnement cesse. Mes jambes flageolent. Heureusement que le mur derrière moi me retient de tomber.

Igor reprend ses esprits. Il geint et peste encore, mais la douleur est partie aussi rapidement qu'elle est apparue. Il passe le revers de sa main sous nez. Il saigne.

Alors il relève des yeux, injectés de sang eux aussi, et me dévisage entre fureur et frayeur.

— Tu... Tu as essayé de me tuer ?

Je tremble de tout mon corps. Il lui suffit d'un mot pour qu'Ibrahim m'abatte comme un chien. Ma mâchoire se décroche et je me retrouve à bégayer comme un imbécile démuni. Alors que j'étais à deux doigts de le tuer dix secondes plus tôt.

— N... non ! Non, j'ai pas fait exprès ! Je suis désolé. Je... je voulais pas...

Il brandit un doigt impérieux vers la sortie. Au moins, il est aussi perturbé que moi.

— Fous le camp d'ici. Maintenant !

Il ne faut pas me le répéter deux fois. Je glisse en pas chassés jusqu'à la porte et passe très vite devant Ibrahim, avant qu'il ne change d'avis. Après quoi, je cours.

Je ne sais pas ce qui vient de se produire ni les conséquences que prévoit Igor, mais je sais où je vais partir me réfugier, là, tout de suite.

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