13. Ariana Shaffer

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J'ai passé la journée d'hier allongée. Je rentre dans l'après-midi, j'aurais raté deux jours de cours mais je ne m'en inquiète pas. Tout ce qui m'importe, c'était d'être là, près d'elle.

- Ma puce, tu veux que je t'amène au cimetierre ? On partira juste après, déclare-t-elle.

Je hoche la tête et la suis. On descend et je m'installe dans la voiture. Je n'ai envie de parler à personne. Archie est déjà assis derrière le siège conducteur, contre la fenêtre, il joue sur sa console. Je m'assois au milieu et Tina arrive rapidement. Elle m'ouvre ses bras et je m'y blottis. La nuit a été courte et j'ai très peu dormi.

On s'arrête chez un fleuriste pour que je puisse acheter un bouquet à Laurie. Je passe entre les fleurs, les observe toutes, mes je sais déjà que je vais prendre des roses rouges. Laurie les adorait, elle disait qu'elles nous ressemblait, qu'elles représentaient à merveille notre relation : belle, passionnelle et dangereuse.

On arrive rapidement au cimetierre et je sors de la voiture, ils m'attendent ici pour que je puisse être tranquille avec Laurie. J'avance jusqu'à sa tombe et j'ai un mauvais pressentiment.

Je tombe à genou et ramasse ce qu'il reste des quelques cadres qui étaient là. Je pleure en voyant la pierre fendue, les fleurs déchiquetées et les tags. Pute, Salope, Gouine. Ils n'avaient pas le droit. Ils ne pouvaient pas faire ça. Ils ne pouvaient pas s'en prendre à elle. Pas après l'avoir tué. Pas alors qu'elle est morte. Je pousse un hurlement de rage et de tristesse, mes larmes ne s'arrêtent plus. En quelques secondes, je sens deux bras m'entourer et me relever, me pousser à m'éloigner. Je me débat, je cris, je ne veux pas la laisser, pas comme ça.

- Arrête ! Tina ! Laisse-moi ! Je peux pas partir sans rien faire, sanglotais-je.

- Chut, je m'en occuperais en rentrant, c'est promis.

- Non ! C'est à moi de le faire !

- On y va, calme-toi, chuchote-t-elle en m'empêchant d'y retourner.

Je continue de gesticuler, je ne veux pas l'abandonner.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'inquiète Archie en nous voyant revenir.
- Ces bâtards ont saccagé la tombe de Laureen, grogne-t-elle, très remontée.

Je ne dis plus rien. Je ne suis plus rien. Je suis vide de sens, plus rien n'a d'importance. Ils s'acharnent sur elle alors qu'elle est morte, ça n'a aucun ses. Je suis brisée, encore plus qu'avant, moi qui pensais être au plus bas, je viens de toucher le fond.

Je rentre dans la voiture, plus morte que jamais. Cette découverte m'a achevé. J'entends Tina qui crie mais je suis trop fatiguée pour m'en mêler.

- Mais vous êtes vraiment pas bien ! Qu'est-ce qui vous a pris de saccager une tombe ! Une tombe ! La personne qui est à l'intérieur est morte ! Vous pouvez pas lui foutre la paix ! Contribuer à son décès ne vous a pas suffit ! Non, il faut aussi que vous continuiez de briser Ariana ! hurle-t-elle.

Je comprend qu'elle doit être en face d'eux. Lentement, je sors du véhicule, je ne veux plus me battre.

- Tina, c'est bon, reviens, soufflais-je à bout.

- Regarde par toi-même, Tinaze ! Même elle, elle en a rien à foutre qu'on ait pourri la tombe de sa copine, ricane Kayla.

- Grave. Pas vrai, Aria, tu t'en branle qu'on ait fait ça, ajoute Derek.

Tina semble sur le point de répliquer mais je m'avance et lui fait signe de se taire.

- Qu'est-ce que tu veux, Derek ? Que je te dise que t'as réussi ? Alros si c'est ça, très bien. T'as gagné Derek, je suis à bout. J'en peux plus de tout ça. Tu m'as brisée. Je ne suis plus rien, je n'ai plus goût à rien, plus foi en rien. Ma vie n'a pas de sens sans elle et en la tuant, tu as aussi mis un terme à la mienne. Tu es content ? Ou il t'en faut plus ? répondis-je en le regardant droit dans les yeux.

Je ne pleure même plus, je n'ai plus de larmes. J'aimerais partir. C'est tout ce que je souhaite. On remonte dans la voiture sans laisser le temps au garçon de répondre. Ma tante démarre et je reste silencieuse pendant tout le trajet. Quand j'arrive chez moi, je rentre dans le hall. Mes gestes sont lents, automatiques. Ma mère me serre dans ses bras, heureuse de me retrouver. Je ne fais pas de même, je suis épuisée, je n'en ai pas envie. Elle se détache et je monte les escaliers jusqu'à ma chambre. Je croise mon petit frère dans le couloir mais je l'ignore et rentre dans ma chambre en fermant la porte à clé. Je m'effondre sur mon lit et m'endors instantanément.

Je suis réveillée par des coups violents contre ma porte. Fatiguée, je me lève et me dirige vers la porte d'un pas lent. J'ouvre et ma mère se précipite sur moi. Je sais qu'elle a eu peur, elle a toujours peur dans ces moments-là. Je ne resserre pas mes bras autour d'elle, me contentant de pleurer sur son épaule. Jordy est contre l'encadrement de sa porte, il me regarde d'un air triste. J'ai encore plus envie de pleurer, j'aimerais être une grande soeur exemplaire, pas une fille brisée qui passe ses journées à penser à la mort. À ce moment-même, j'aimerais être autre chose qu'une ratée. Qu'une fille a qui rien n'a réussi. Qu'une adolescente brisée par la mort de la fille qu'elle aime le plus au monde.

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