- L'officier Morales était l'un de nos meilleurs soldats, elle était brave, forte et prête à tout pour servir son pays. Elle avait un grand coeur, jamais, à aucun moment, elle n'a abandonné un de ses coéquipiers. Au prix de sa vie, elle a permis de sauver les vingt-trois adolescents retenus en otage par un groupe terroristes. Grâce à ses prouesses, le lieutenant Beauffrey ou encore le soldat Rigers ont la vie sauve, elle les a tiré hors du champ de bataille malgré la menace des feus adverses, au péril de sa propre vie. Et ce, sans hésiter une seule seconde, termina l'homme baraqué qu'était le colonnel Jaros.

Je suis au bord de l'explosion, si je ne pars pas dans les minutes qui viennent, je vais tout démolir. Je serre les dents depuis une bonne trentaine de minutes. Ma tête me fait atrocement mal et mes oreilles bourdonnent. Je sens le pouce de Carli caresser doucement le dos de ma main, m'apaisant lentement. Je lève mes yeux embrumés de larmes vers elle et remarque qu'elle aussi ne retient pas ses pleurs. Je ne tiens plus, j'éclate en sanglots bruyants. Je suffoque et m'étouffe dans mes propres larmes. Carli m'attire dans ses bras et me berce tel un enfant.

Le colonnel appelle notre famille pour recevoir la légion d'honneur. Je ne peux plus, je n'y arrive plus. Je fais à peine deux pas avant de m'effondrer au milieu de l'herbe. Mon corps est agité de soubresauts, j'ai envie de vomir. À ce moment-là, je n'ai qu'une envie : mourir. Pourquoi c'est si dure ? Pourquoi j'ai l'impression que le monde s'acharne sur moi ?

Je finis par arrêter de bouger, je suis dans les bras de Carli. Elle caresse mes cheveux en murmurant des petits mots. Elle me dit qu'elle m'aime et qu'elle ne m'abandonnera jamais. Elle me le promet. Non, pas encore.

Je me lève brusquement et pars en courant. J'ai les jambes qui tremblent, je finis par m'arrêter contre un arbre. Merde ! J'en ai marre de vivre comme ça. Ma meilleure amie arrive vers moi, peinée et inquiète. Il y a une lueur étrange dans son regard, un éclat que je n'avais jamais vu avant.

- Excuse-moi, lance-t-elle en venant s'installer à côté de moi.

- Ça fait rien. Moi aussi, j't'aime. J'ai juste peur de plus y arriver, soufflais-je, épuisée.

Elle m'ouvre ses bras et je viens m'y blottir. Je déteste les promesses. Je les hais plus que tout monde, plus que mon beau-père, plus que tous les imbéciles qui peuplent mon lycée. Les promesses, c'est du bidon, c'est que des paroles en l'air.

Quand Caly a annoncé qu'elle partait à l'armée, on était tous dans le salon. J'étais dévastée, triste, perdue et en colère, alors je suis montée dans ma chambre et j'ai claqué la porte. J'étais complètement abrutie par cette nouvelle. Je me suis recroquevillée dans un coin de ma chambre et j'ai commencé à trembler. J'ai prié, espéré, rêvé que tout ça ne soit qu'une illusion, un cauchemar. Quelques minutes plus tard, alors que je me balançais doucement d'avant en arrière. Elle s'est approchée et s'est assise à mes côtés. Elle m'a regardé tristement et m'a dit : "Je reviendrais p'tite soeur", j'avais rétorqué qu'elle pouvait mourir à tous moments, que je ne voulais pas la perdre, qu'elle n'avait pas le droit de m'abandonner. Et c'est là, à ce moment-là, qu'elle l'avait fait, Caly m'a promis qu'elle ne mourait pas et que jamais elle ne me laisserait. Pourtant c'est ce qui a fini par arriver.

- Alexis ? m'appela Carli.

- De toute façon, c'était qu'une putain de menteuse, crachais-je.

- Dis pas ça, tu sais qu'elle n'a pas voulu te faire du mal, souffla-t-elle.

- Elle m'a promis de rester avec moi, de jamais m'abandonner ! Mais elle en a rien à faire de moi ! Elle est comme les autres, elle m'a jamais aimé ! criais-je.

- Lex... Tu sais que c'est faux, Caly t'aime plus que n'importe qui, assura Carli.

- Si elle m'aimait, elle aurait tenu sa promesse.

- Sa promesse ? fit-elle.

- Elle a juré qu'elle ne mourrait pas, sanglotais-je.

- Lex'... Il faut que tu m'écoutes, regarde-moi, m'ordonna-t-elle doucement en relevant mon menton.

Je plantais mes yeux bruns dans ses orbes vertes, les larmes roulant sur mes joues.

- Caly ne t'a pas menti, elle voulait te rassurer, mais toi, au fond, tu savais que c'était une promesse, disons, instable. Tu savais qu'elle pouvait mourir à tous moments. Mais, pour rien au monde, elle n'aurait voulu te faire du mal, elle t'aimais et t'aimeras toujours plus que tout. Tu étais son monde, elle étais le tien. Elle est partie et tu vas devoir vivre avec, reprends-toi, Alexis. Je suis là pour toi, je te lâcherais pas, tu vas t'en remettre, assura-t-elle en collant son front au mien.

- J'ai besoin d'elle, Carli !

J'étais tellement énervée, en colère de ne pas réussir à lui en vouloir, frustrée de l'aimer autant après tout ça. J'avais peur, peur d'être rattraper par la réalité. Sans elle, j'étais incapable d'avancer. Depuis sa disparition, l'espoir de la revoir me maintenait en vie, mais maintenant qu'elle avait été déclarée morte, que même ma meilleure amie ne croyait plus en son retour. Après tout, on n'avait pas de corps, pas de preuves qu'elle avait perdu la vie. Je me sens mal, faible, j'ai une soudaine envie de vomir. Je réprime un haut-le-coeur, mais c'est trop pour moi, je me redresse et me penche à l'opposé de Carli. Quelques secondes après, je rends le peu de nourriture ingurgitée dans la journée, Carli attrpe mes cheveux et les tiens, tout en passant sa main dans mon dos. J'ai mal au ventre et à la gorge, mon sang pulse dans mes veines, frappe violemment mes tempes. J'essuyais ma bouche avec le mouchoir que me tendais Carli et le roulais en boule dans la poche de ma veste. Carli s'adossa correctement au mur, et cette fois, contrairement à d'habitude, c'est moi qui me blottit contre elle. Je me serra contre sa poitrine, posant ma tête sur son épaule et mon bras autour de sa taille, sa main gauche vint caresser mes cheveux et son bras droit se cala au creux de ma hanche. Je m'endormis dans cette position.

"Ce n'est pas parce qu'on s'en remet, qu'on a oublié" - Inconnu(e)