Couloir

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Le tintement se faisait de plus en plus fort...

Dans le noir, son regard continuait de fixer le plafond sur lequel de longues lignes colorés se formaient, et qu'il suivait méthodiquement de droite à gauche.

Le tintement continuait...

Depuis quand n'avait-il pas dormi ? Une seconde ? Deux minutes ? Trois heures ? Quatre jours ? La fatigue était présente, et bien qu'il voulait fermer ses paupières, ses pupilles refusaient de se détacher de ces formes dansantes.

Le tintement résonnait de plus en plus...

Las, il finit par passer la main le long du rebord du chevet, ses doigts cherchant doucement la surface rugueuse de l'appareil mélodieux. Son esprit essayait en même temps de se remémorer l'intégralité de sa journée, se questionnant en l'espace de quelques millièmes de seconde sur ce qu'il aurait pu faire différement. Il y a vingt-quatres heures exactement, à six heures précise, il s'était levé de son lit, las et fatigué, après avoir éteint son réveil, traînant lamentablement son boulet jusqu'à la cuisine. Il avait entrepris d'effectuer sa préparation quotidienne à base de lait et de café, qu'il avait ensuite déposé machinalement dans le four à micro-ondes. Ah... Le four à micro-ondes. Quelle fabuleuse invention, d'une précision et d'une minutie à toute épreuve, capable à la fois de réchauffer en toute simplicité n'importe quel plat, mais aussi de capter les communications de ses voisins, brouiller les ondes wifi, et même téléphoner aux extra-terrestres. Un appareil d'une douceur qui frémit à la moindre caresse... Son son mélodieux vous envoûte tandis que la plaque tournante derrière cette paroi transparente vous rappelle ces moments dans l'utérus de votre mère. Puis, une fois l'appareil lancé, il s'était dirigé vers la salle de bain pour y répéter les mêmes gestes que chaque jour: déposer le dentifrice sur la brosse à dent, se frotter les dents, prendre une gorgée d'eau, se rincer la bouche, puis le visage, laisser tomber au sol ses vêtements, entrer dans la cabine de douche...

Le tintement continuait encore et encore...

Alors son intelligence pouvait se remémorer ce qu'il avait fait la veille et ce qu'il aurait pu faire différement. Après une vingtaine de minute sous l'eau chaude à divagueur, il avait fini par sortir, se sécher et enfiler un nouveau pyjama. Il s'était ensuite dirigé vers la cuisine, à peine illuminée par une lampe frémissante, et par l'éclairage du compte à rebours du four qui affichait déséspéremment zéro, tout en émettant périodiquement un petit tintement.

Le tintement s'amplifiait...

Il faisait encore noir dehors, mais cela ne l'avait pas empêché de finir rapidement son café, avalé d'une traite aussi vite que la lumière. Il n'avait aucune envie de profiter de la saveur amère de la boisson, et encore moins d'attendre que cette dernière se refroidisse. Il s'était ensuite installé sur son fauteuil, devant l'écran de son ordinateur, attendant que l'heure tourne, attendant son apparition.

Le tintement s'arrêta.

Il revint à lui alors que sa main pressait la proéminence de son réveil, qui s'enfonça doucement et légèrement. L'appareil venait enfin de s'arrêter de geindre, comme une épouse qui avait passé la nuit à attendre que son mari s'occupe d'elle, désespéremment. Il poussa un soupir, et se redressa, chercha passablement ses chaussons dans le noir. Il enfila sa robe de chambre, et s'en alla comme à son habitude à la cuisine. A cet instant, il entendit des rires... Des rires... Qui pouvait bien rire autant à cette heure là, au petit matin... Ces personnes n'avaient-elles aucun sens des responsabilités pour faire autant de bruit dès le réveil ? L'envie lui prenait d'ouvrir la porte et de gueuler, mais sa flemmardise légendaire l'emporta. Il traîna sa pauvre carcasse jusqu'à la salle de bain, se déshabilla et entreprit sa toilette. L'eau coulait doucement sur son corps, son esprit semblait petit à petit s'évader lorsqu'un bruit sourd le fit sortir de sa torpeur. Il sursauta sec. Son corps lui faisait atrocement souffrir, et son coeur battait très certainement au delà de la limite humaine. La pensée de le voir sortir de sa poitrine se matérialisa presque devant son regard, mais rapidement il comprit. Quelqu'un était-il entré chez lui ? Un cambrioleur ? Si c'était le cas ? Que devait-il faire ? Il était nu, dans la salle de bain, sans arme. Doucement, et sans bruit, il baissa le niveau de l'eau, s'extirpa de la cabine de douche pour regarder dans l'entrebaillement. L'appartement était sombre, dans le noir le plus complet. Avait-il éteint la lumière ? Ou était-ce le cambrioleur ?

Soudain, un autre bruit sourd.

Cette fois, il devait en avoir le coeur net. D'un geste net, il ouvrit la porte et s'élança dans le salon. Personne. La lumière de la cuisine grésillait faiblement comme à son habitude, tandis que le micro-ondes affichait fièrement une séquence de zéro et de un. Il jetta rapidement un regard dans l'autre pièce, puis se dirigea sur la pointe des pieds vers sa chambre, toujours guider par son instinct, le temps que son regard s'habitue à l'obscurité. Personne. Il poussa un soupir de soulagement.. Mais ce bruit.. Ce bruit était bien réel... Ou son esprit lui jouait-il des tours ? Reprenant son souffle, il fit volte-face et se dirigea à nouveau vers la salle de bain. Des rires à nouveau. Cette fois, c'en était trop. Son sang se mit de nouveau à faire un tour rapide dans ses artères, il se dirigea d'un pas décidé vers la porte, jetta un regard dans le juda pour déterminer lequel de ses voisins ou voisines avait décidé d'emmerder le monde à cette heure matinale. Personne. Il ouvrit la porte et se pencha dans le plus simple appareil. Le couloir était vide. Il pouvait voir les portes closes longer le long de la paroi rectangulaire, jusqu'au fond où une autre porte tronaît fièrement. Devenait-il dingue ? Il y avait pourtant des rires parfaitement audible, d'un homme et d'une femme passant dans le couloir. Son esprit se mit à calculer à toute vitesse le temps qu'il leur aurait fallu pour traverser le couloir, atteindre les ascenceurs ou une des portes d'un des autres appartements.. Et puis il s'en rendit compte: l'ascenceur n'avait émis aucun son, et il n'avait entendu aucun bruit de porte. Prudemment, il sortit de l'appartement, après avoir jeté un nouveau regard des deux côtés du couloir. Cette porte.. Cette porte au fond l'attirait désespéremment. Elle avait une sorte d'aura, et il avait une sorte d'intuition. Pas à pas, il s'y dirigeait, comme aimanté.. Dix, vingt, trente, quarante... Plus il avançait, plus une appréhension le guêtait. La porte lui semblait à la fois si proche, et si loin. Sans s'en rendre compte, atteindre cette porte semblait devenir l'objectif de toute une vie. Elle semblait lui résistait, comme si elle s'éloignait elle aussi au fur et à mesure qu'il avançait. Une horrible impression de stagnation le saisait alors qu'il comprit qu'il n'arrivait pas à rejoindre cette porte. Soudain, quelque chose de froid lui saisit le bras, et commença à serrer. Frêle, et tremblant, il tourna doucement son regard...

Son poignet tenait fermement sa main, alors qu'il était allongé dans son lit, le regard plaqué sur le plafond sur lequel dansait des couleurs qui illuminait la noirceur dans laquelle était plongée sa chambre. Il était essoufflé et transpirant dans son survêtement de compétition. Il tourna la tête vers son réveil qui affichait une heure. Pris de panique, il se précipita vers la porte d'entrée et l'ouvrit. Le couloir était vide. Pas un chat, pas une âme qui vive. Après tout, il était une heure. L'heure où l'humain normal dort avec ses congénères. Il souffla et reprit son calme. Ce n'était après tout qu'un mauvais rêve, ou avait-il certainement commaté quelques secondes dans un sommeil paradoxal de courte durée. Il ferma la porte doucement et rejoignit sa couche... Il ne s'était pas rendu compte qu'elle était là.. Isolée dans la pénombre à l'attendre et à l'observer.

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