Chapitre 9: Fin d'un entraînement de trois ans et sentiments inavouables.

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Kendraff retrouva Lirinah quelques jours plus tard et quand elle s'approcha, il fut surpris de la voir adopter exactement la même coiffure que lui : cheveux attachés en queue de cheval, ainsi qu'une natte descendant le long de sa tempe droite. N'en comprenant pas la raison, il choisit ne pas se poser de question à ce sujet.

Ne comprenant pas ? Là, c'est de la mauvaise volonté de sa part.

Alors, s'il est vrai qu'ils entretenaient des sentiments réciproques, on doit rappeler qu'ils n'en étaient pas conscients, chacun se croyant piégé dans un amour à sens unique, voire impossible.

La méthode prêtait à confusion. Il était tout à fait possible d'interpréter son geste comme une marque de respect ou d'admiration.

Voilà, donc ne lui jetons pas la pierre. Surtout que, même s'il avait compris les intentions de la princesse, cela n'aurait rien changé. Ce dernier préférant en finir au plus vite avec l'entraînement de Lirinah avant d'être découvert et d'en payer le prix. Il fit mine de n'avoir rien vu, la salua tout simplement.

  • Comment vas-tu  ?

  • Très bien, et toi ?

  • Bien, donc tu es prête à passer aux choses sérieuses.

  • Aux choses sérieuses ? s'étonna Lirinah, pensant qu'il avait compris le message.

  • La suite de ton entraînement ! Sinon, je rentre chez moi tout de suite.

  • Oui , oui, bien sûr... Je ferais ce qu'il faut.

Lirinah voulait continuer un peu cette discussion, mais Kendraff ne la laissa pas faire. Elle se prépara, tout en affichant un air déçu du fait qu'il n'avait pas compris le symbole de proximité qu'elle voulut lui dire. Cependant, elle avait d'autres plans en tête, et ne montra pas le moindre signe d'abandon.

Les plans de Lirinah... Comment dire... On est sûr qu'elle faisait bien de les essayer ? Non parce que son dernier fut de picoler avec Kendraff.

Elle avait quand même réussi à avoir son entraînement ! Alors, on avait raison de lui faire confiance.

Surtout que Kendraff se montrait de plus en plus intéressé, étant ce soir-là à nouveau tenté d'observer Lirinah pendant qu'elle se changeait. Il résista en s'occupant l'esprit en traçant un grand cercle d'une dizaine de mètres de diamètre sur le sol avec l'une de ses épées. Lorsqu'elle revint vers lui en tenues de combat, il lui expliqua l'objectif de son dessin :

Ce cercle va délimiter la zone, dans laquelle on va s'affronter.

Pourquoi cette règle ?

  • C'est très simple, tu as la technique et la condition physique, mais aucune expérience d'un combat réel. J'y ai bien réfléchi et t'obliger à te battre contre moi est le meilleur moyen pour toi d'acquérir cette expérience. Tu vas devoir essayer me faire sortir de ce cercle. Quand tu y arriveras, ton apprentissage sera fini.

  • Mais c'est impossible, tu es bien meilleur que moi au combat !

  • C'est vrai, mais l'objectif n'est pas la victoire en ce qui te concerne mais l'expérience que tu en tireras. Je ne suis pas idiot, je ne m'attends pas à ce qu'une débutante l'emporte contre moi.

  • Ça me paraît une mauvaise idée, surtout que si on se blesse, on perdrait en discrétion...

  • Tu cherches justes des excuses pour ne pas m'affronter ! répliqua Kendraff, en se préparant à combattre.

  • Attend, qu'est-ce que tu fais ?

Lirinah sortit son épée, paniquée par la contrainte. Kendraff lui fit comprendre ses intentions en frappant Lirinah dans le ventre avec le pommeau de son arme, lui coupant ainsi la respiration. Puis, voyant que la jeune femme ne semblait toujours pas prête à la confrontation, il lui envoya un violent coup de genou qui coucha la princesse au sol.

Pour la romance, c'était clairement pas la bonne nuit. Kendraff n'y allait pas en douceur...

Certes, mais ce dernier répugnait à agir ainsi. Il en avait simplement trop fait, et prit trop de risque, pour laisser tous ces efforts s'évanouir pour des sentiments qu'il pensait impossibles. Puis, pour sa défense il l'avait clairement averti alors c'était aussi et surtout la faute de Lirinah. Celle-ci se releva, le corps endolori, comprenant qu'il cognerait encore et encore jusqu'à ce qu'elle décide de le combattre. Lirinah sortit sa dague, puis fonça sur Kendraff pour l'attaquer de front. Il esquiva puis riposta d'un simple coup de pied. Lirinah ne put que parer mais fut projetée en dehors du cercle.

  • Trop lente, et trop distraite ! J'aurais pu t'assommer ou te tuer à plusieurs reprises ! Un véritable adversaire ne te fera aucun cadeau.

Face au ton sévère et dur de Kendraff, Lirinah n'hésita pas et attaqua de toutes ses forces, enchaînant plusieurs coups d'estoc rapidement avec sa dague. Kendraff les évita toutes sans difficulté, tout en lui faisant perdre l'équilibre. Elle tomba en avant, mais Kendraff la rattrapa par la taille et la redressa. Il la garda inconsciemment quelques secondes dans son bras, avant de la rejeter en arrière au sol.

Mais quel goujat !

Non ! Il devait l'entraîner, pas la charmer. Alors il avait bien fait.

Sauf qu'il avait une belle occasion de la séduire et qu'il l'a loupé ! Après on va encore dire que c'était ma faute s'il ne se passait rien entre eux !

Y'a un moment pour l'amour, et un autre pour la bagarre ! Là, la situation ne se prêtait vraiment pas à la romance. C'était la pédagogie qui primait, et Kendraff ne se privait pas de jouer son rôle de professeur pour limiter les affinités avec Lirinah.

  • Tu fonces sans réfléchir. Tu me donnes toutes les ouvertures possibles pour te contrer et t'écraser ! Cherche la faille chez ton adversaire avant d'attaquer. Tu ne dois pas rester passive dans un combat, sinon tu risques de te faire frapper. Mais tu ne dois pas non plus te précipiter.

Lirinah ne répondit pas et se jeta sur Kendraff. Pendant un instant, elle eut peur qu'il ait mal pris son geste, mais fut rassurée en le voyant sourire. Les semaines suivantes, Lirinah fit beaucoup de progrès. Ses mouvements étaient de plus en plus précis, et sa défense plus efficace, malgré le fait qu'elle commette encore beaucoup d’erreurs. Lors d'un de ses combats, elle fit un grand bond en avant pour frapper, mais Kendraff esquiva en l'attrapant au vol et la plaqua au sol, sa lame à quelques millimètres de sa gorge pour lui faire peur.

  • Tes attaques restent trop prévisibles et tu fais beaucoup mouvements inutiles comme ton saut. C'était carrément une invitation à te démolir.

  • Pourtant, je pensais avoir plus de force et d'impact en bondissant sur toi...

  • Face à un adversaire lent ou massif oui, mais pas contre quelqu'un rapide et agile. Tu dois apprendre à t'adapter, sinon, tu seras battue à chaque fois. Enfin, si tu ne te fais pas tuer dès ta première défaite.

  • Et quelle serait la meilleure stratégie contre toi ?

  • Ne compte pas sur moi pour ça. Je ne suis pas du genre à révéler mes points faibles, encore moins à toi. Essaye de les trouver par toi-même.

Facile à dire pour Kendraff qui s'entraîne depuis son plus jeune âge. Pour Lirinah, c'était difficile de mettre en application ce conseil. Elle attaquait toujours de façon brusque, mais cherchait à voir sa technique de défense, espérant y repérer une faille. Cependant, Kendraff ne voulait pas épuiser Lirinah en lui faisant enchaîner les combats. Il choisit d'alterner en lui apprenant à survivre dans la nature. Il lui montra comment suivre une piste, chasser, trouver des plantes comestibles, et s'abriter. C'est dans ces moments-là, que Lirinah essayait le plus de séduire Kendraff mais sans succès.

C'était pas vraiment une lumière, Lirinah, côté séduction. Puis, elle aurait pu lui avouer directement ses sentiments. Parce que, là, franchement, que de temps perdus pour rien.

Toujours ce souci : Lirinah était persuadée de sentiment à sens unique... Même si, soyons d'accord sur le sujet, chacun des deux était clairement aveugle tant l'attirance mutuelle était visible...

Là, on ne parle pas d'attirance mais de méthodologie dans l'approche de Lirinah.

Et en effet, y'en avait des choses à dire sur le sujet. On pourrait même lister les idées foireuses de la princesse. Au cours d'un exercice de chasse, elle fit semblant de glisser pour qu'il la rattrape dans ses bras, mais Kendraff se contenta d'empoigner sa tunique. Lorsqu'il lui apprit à s'abriter, Lirinah essaya de se reposer sur son épaule sauf qu'il l'évita, ce qui fut un nouvel échec. Lirinah était bien décidée à ne rien céder et à aller jusqu'au bout.

Pourtant, s'il était plus facile pour Kendraff d'oublier la jeune femme qu'elle était, lorsqu'elle portait sa tunique, l'attirance se mélangeait à un attachement sentimental de plus en plus fort malgré l'interdit. Et ces derniers mois d'entraînement ne l'avaient pas aidé résister au charme de Lirinah. Lirinah aurait bientôt dix-sept ans et sa tenue était devenue si courte qu'elle ne cachait presque plus son anatomie, faute d'usure. Il fut reconnaissant à Lirinah de porter des sous-vêtements et de ne pas en voir plus.

«Reconnaissant» ? C'est amusant d'utiliser ce terme. Si ma mémoire est bonne, j'aurais plutôt parlé de «déception. Kendraff, malgré l'interdit dû à la différence de rang sociale, n'en demeurait pas moins un jeune homme bourré d'hormone en ébullition...

Justement, d'où sa reconnaissance de ne pas en voir plus, il aurait sûrement moins résister à la tentation sans cela. Et il devait à tout prix évité de se rapprocher davantage de Lirinah, ce qui devenait un véritable enfer pour lui : malgré la distance qu'il souhaitait mettre entre eux, Kendraff ne pouvait plus se cacher qu'il la désirait, même si se battait pour ne pas le montrer.

Là encore, c'était pas nouveau qu'il désirait sa Lirinah chérie.

Oui, mais là, le déni ne fonctionnait plus, et surtout, il peinait de plus en plus garder la tête froide, faisant tout son possible pour se concentrer sur l'entraînement de Lirinah, réduisant au maximum les temps libres à risque de romance. Il lui avait tout appris sur les méthodes de survies, et insista sur le combat, ce qui les occupait beaucoup. Kendraff profita également des dix-sept ans de Lirinah pour lui offrir de nouvelles armes, et surtout, une tunique neuve couvrant ses jambes jusqu'aux genoux, ainsi que ses bras.

Sauf que ce changement n'était pas du tout au goût de Lirinah, qui était beaucoup plus maligne que Kendraff

Pardon ? Lirinah «les plans foireux», maligne ?

J'ai juste dit qu'elle l'était plus que Kendraff. Ce qui lui faisait préférer l'ancienne tunique, ayant enfin compris que l'usure n'était pas le seul motif derrière le cadeau Kendraff. Elle décida d'exploiter cette faille chez lui, tout comme il le lui avait appris : dans un combat trouver et viser le point faible de l'adversaire.

Il lui en aura quand même fallu du temps, pour comprendre que ses charmes étaient des armes redoutables dans ce combat de séduction.

Je dirais plutôt qu'elle ne pensait pas à s'en servir ainsi, ou plutôt qu'elle trouvait cela «mal» ou «dégoûtant» comme méthode... Sauf qu'en matière de séduction, c'était un peu l'une de ses meilleures armes, et elle comprit enfin qu'elle pouvait en jouer sans remords. Et elle ne perdit pas de temps pour le faire. Lirinah avait raccourci sa tunique bien au-dessus des genoux, et fendu chaque côté au niveau des cuisses. Quant aux les manches, elles avaient simplement disparu.

  • Pourquoi as-tu fait ça ? Cette tunique ne te plaisait pas ?

  • Si, mais je ne la trouvais pas pratique pour me battre, menti Lirinah avec un air malicieux dans le regard.

  • Mais maintenant elle couvre mal tes jambes...

  • Cela te gêne tant que ça de les voir ? Lui demanda Lirinah, amusée.

  • Pas du tout ! C'est juste que désormais, ta tunique te protège moins bien.

  • Rassure-toi, j'ai volé ça dans les entrepôts du palais, avoua Lirinah en lui montrant les cuissardes en cuirs qu'elle portait.

  • Effectivement, c'était une bonne idée.

  • Dans ce cas pourquoi ça te gêne tant ?

  • J'aurais préféré que tu m'en parles directement...

  • C'est seulement que je ne voulais pas te vexer.

Lirinah avait bien compris le problème n'était pas la tunique, mais ce qu'elle devait cacher. La situation tournant à son avantage, la princesse savait qu'elle avait déjà gagné : que Kendraff connaisse ou non ses sentiments à elle, il la voulait et Lirinah n'avait plus qu'à attendre patiemment le bon moment pour le faire céder.

Enfin là, s'il n'avait toujours pas compris, c'était vraiment qu'il n'était pas fait pour être amoureux le pauvre.

Alors si, il comprenait enfin que ses sentiments pour Lirinah étaient réciproques.

Oui, et ce n'était pas trop tôt...

Sauf que l'interdit, lui, était toujours d'actualité. Il ne pouvait pas céder à une Lirinah à portée de lèvres, si bien qu'il subissait les conséquences de ce cas de conscience sentimentales durant l'entraînement de Lirinah. Celle-ci entama un nouveau combat avec Kendraff, et réussi même à le mettre en légèrement en difficulté avec une succession d'attaques circulaires. Il fut forcé de dégainer sa seconde épée pour bloquer le dernier coup. Cette fois-ci, les pensées charnelles de Lirinah furent balayées en un instant par un flash dans sa tête : tout se regroupa dans la mémoire de Lirinah, qui se laissa tomber à genoux en voyant Kendraff se battre désormais à deux épées. Depuis le début de leurs séances de combat, Kendraff n'en avait toujours utilisé qu'une seule.

Détail que vous avez oublié de mentionner...

Pas oublié, mais passé temporairement, ou plutôt, mis de côté pour garder du suspens. Donc, si vous n'avez rien à ajouter, revenons à Lirinah, qui se sentit alors tellement faible face à cette réalité : il n'avait jamais une seule fois combattu sérieusement contre elle. Même si, pour sa défense, il le lui avait fait comprendre. Mais elle pensait que cela changerait au fil du temps, de ses progrès. Son visage choqué inquiétait Kendraff:

  • Que t'arrive-t-il ?

Lirinah se sentit humiliée par cette situation, et jamais elle n'avait ressenti une telle colère. Pour seule réponse, elle attaqua Kendraff de toutes ses forces, frappant de coups aussi divers qu'hasardeux, qu'il eût du mal anticiper. Kendraff se défendit sérieusement face à Lirinah, et malgré la différence d’expérience et de capacité physique, il devait quand même rester sur ses gardes. Cela faisait déjà quelque temps que Kendraff s'en était rendu compte : les progrès accomplis par Lirinah étaient bien plus grands que ce qu'elle avait montré, mais elle était incapable de se battre de toutes ses forces contre lui, et d'exploiter tout son potentiel. En se perdant ainsi dans ses pensées, Kendraff se déconcentra et la dernière attaque lui entailla l'épaule droite. La vue du sang qui coulait fit disparaître toute la fureur de la princesse, qui réalisa qu'elle venait de blesser le garçon qu'elle aimait.

  • Je suis vraiment désolé...

  • Ce n'est rien, rassure-toi.

  • Laisse-moi m'occuper de ta blessure ! insista Lirinah.

  • Ça ne sera pas nécessaire. J'ai souvent connu pire en m'entraînant avec Kilvar. Tu ferais mieux de tirer une leçon de ce dernier échange.

  • Je ne vois pas le rapport !

  • C'est pourtant évident ! En t'énervant autant, tu as fini par te donner à fond et à réussir à me blesser, même si je suis responsable de m'être déconcentré.

  • Mais c'était un accident !

  • Pas un accident, plutôt un coup précis que je n'étais pas venue venir. Cela m'a prouvé une chose, c'est que tu es bien trop tendre. Tes progrès sont restés inaperçus à cause de ça.

  • Alors maintenant, suis-je une vraie guerrière...

  • Ne te monte pas la tête non plus, tu restes encore une débutante manquant d'expérience, mais tu as le potentiel de le devenir avec le temps. Cela me rassure car au moins je n'aurais pas pris tous ces risques pour rien.

Kendraff finissait de donner quelques derniers conseils à Lirinah qui devrait faire le reste du chemin par elle-même, mais la discussion fut de courte durée. Lirinah, complètement épuisée par cette longue soirée d'entraînement, tomba de fatigue sous les yeux de Kendraff qui la rattrapa avant qu'elle ne touche le sol. La nuit étant encore loin d'être finie, il préféra la laisser dormir , lui-même avait besoin de se reposer.

Se reposer ? Ou profiter du reste de la nuit pour roucouler ?

Se reposer ! J'imagine mal Lirinah «roucouler» alors qu'elle évanouie. Quant au moment où elle se réveilla, cela sera pour le prochain chapitre de cette histoire...

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