Chapitre 8: Rapprochement et cas de conscience sentimentale.

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Lirinah n’eut des nouvelles de Kendraff que plusieurs jours après son épreuve, ses blessures l'avaient tout même épuisé et forcé au repos. Il lui proposa de se retrouver au lieu habituel, avec son équipement. Lirinah en fut heureuse mais s'inquiéta que Kendraff ne soit pas entièrement guéri. Elle le rejoignit le soir prévue mais se sentit étrange : cette fois-ci, elle ne montra aucune impatience mais avait plutôt envie de discuter avec Kendraff.



  • Comment vas-tu après cette épreuve difficile ?

  • Très bien, grâce à la magie d'Eldah.

  • Tant mieux, j'ai eu peur pour toi en te voyant revenir blessé.

  • J'ai juste sous-estimé un peu le danger, plaisanta Kendraff en passant sa main dans ses cheveux.

  • Ne rigole pas ! Ce n'est pas drôle !

  • Désolé, ce qui s'est passé lors que mon épreuve ne te concerne pas. Ce sont mes choix et mes erreurs qui ont conduit à ces blessures, n'en parlons plus. On perd du temps précieux.

  • J'ai quand même le droit de me faire du souci pour un ami !

 


Kendraff fut énervé par la réaction de Lirinah, et essaya de le cacher. Se mêler de ses affaires alors qu'habituellement elle ne s'y intéressait pas, cela lui faisait à la fois une sensation étrange mais désagréable. Les choses changeaient contrairement aux nuits précédentes, et Kendraff n'arrivait pas du tout à s'y faire. Cependant, il parvint finalement à convaincre Lirinah de commencer l'entraînement au plus vite.



Ce qui nous amène à la question suivante : Qu'est-ce qui a changé chez Lirinah pour qu'elle se comporte ainsi ?

 

C'est vous qui demandez ça ?

 

C'est pour rendre le sujet plus dynamique.

 

 Où est l'intérêt quand la réponse parait si évidente.

 

Pas vraiment évidente, enfin si car là, elle le voit clairement comme un ami et plus comme un professeur. Alors faisons en sorte d'observer tout cela à leur rythme.

 

Ami ? Je crois que vous égarez mon cher...

 

Si ! À cet instant c'est bien le cas. Je vous demanderai donc de ne pas en dire plus. Surtout qu'il faut aussi prendre le temps de conter les difficultés du jeune Kendraff à empêcher Lirinah de rythmer la nuit en discussion. Elle s'éloigna pour se changer, puis revint vers lui. Cependant, il avait, malgré lui, était tenté de se retourner alors que jamais auparavant, la princesse ayant bien grandie avec les années. Celle-ci était devenue très «féminine» si l'on passait outre son allure de guerrière.

 

Vous disiez ?

 

Là, on parle de Kendraff, et non de Lirinah. Puis, à seize ans, c'est normal avec un taux d'hormone aussi élevé. Et même s'il fut tenté il parvint à chasser cette idée de sa tête en serrant fort les poings jusqu'au sang. Puis, il commença à lui expliquer comment se déroulerait cette dernière étape.


  • On va faire ça en deux phases. Je vais finir de t'apprendre les techniques d'épée, puis tu combattras contre moi jusqu'à ce que tu trouves ton propre style.

  • Et comment je suis censé réussir ça si je passe mon temps à t'affronter au lieu de chercher ?

Bien qu'elle se montra étonnée, elle en était surtout gênée à l'idée de croiser le fer avec le jeune homme. Lui continua ses explications sans rien remarquer.


  • Je t'ai déjà mis la voix en choisissant pour toi des armes qui à mon avis te conviennent le mieux. De plus, c'est quelques choses que je ne peux pas faire à ta place, tu devras y parvenir par toi-même.

Ils passèrent les quatre mois suivants à travailler la technique de Lirinah. Le premier fut surtout employé aux bases de l'épée et de dague. Afin de ne pas être découverte, Lirinah fut obligée d'étudier chez elle en toute autonomie, cachant son équipement avec grande difficulté. Une fois les fondamentaux acquis, elle put commencer à enchaîner des mouvements plus complexes et efficaces. Kendraff l'aida comme il put à lui faire trouver son équilibre entre attaque et défense, selon le type d'adversaire qu'elle pouvait rencontrer.


Une fois le style de combat de Lirinah au point, Kendraff lui expliqua comment se passerait la deuxième partie de son entraînement, avant de lui laisser quelques semaines de repos. Entre temps, Kendraff avait eu dix-sept ans reçut en cadeau deux nouvelles épées, spécialement forgées dans la grande forge de la montagne :  lames en argent pur légèrement courbées vers l'avant, avec une fine garde en bronze noirci ayant un croché remontant.

 

Lirinah était prête à commencer la dernière phase de son apprentissage. Mais elle avait une toute autre priorité: féliciter Kendraff d'un nouveau baiser amical. Mais il la repoussa d'un geste de la main, voulant attaquer l'entraînement au plus vite. Lirinah fit la moue devant un tel rejet, n'ayant clairement pas la tête à s'exercer cette nuit-là, puis remarqua un détail nouveau chez lui. 


Kendraff portait désormais la plaque en or qu'il avait gagné lors de sa quête, les sangles réajustées à sa taille. Cette vision suffisait à piquer la curiosité de la jeune fille. Une occasion d'insister pour discuter malgré le rejet de Kendraff. Lirinah l'emmena de force près de la source chaude, et retira ses bottes pour mettre ses pieds dans l'eau. Lirinah souhaitait vraiment savoir ce qui était arrivé à Kendraff pendant sa quête, celui-ci refusant d'en parler avec elle. Lui ne comprenait pas son comportement.


  • Mais enfin, qu'est-ce qui prend ?

  • Tu devrais faire comme moi. L'eau est très agréable.

  • Je veux bien te croire, mais cela n'explique toujours pas ta réaction.

  • J'avais juste envie d'essayer cette source chaude et que tu me racontes ta quête.

  • J'imagine que tu ne vas pas me laisser le choix ?

  • Tu comprends vite quand tu veux.

  • Très bien, mais garde ça pour toi. Je n'en ai parlé à personne en dehors de mon frère et de mon père.

  • C'est promis.

Kendraff n'avait pas envie de perdre son temps, et raconta son aventure à Lirinah en lui donnant seulement les détails qu'il jugeait utiles. Mais en vrai, il préférait ne pas être trop proche de Lirinah en dehors de leurs séances d'entraînement, tentant au maximum d'empêcher toute affinité superflue.



C'était un peu foireux comme idée. Comment éviter toute forme de rapprochement dans un contexte favorisant l'intimité ? Seuls, en pleine nuit, en pleine adolescence.


Facile, il avait trouvé la solution, enfin il ne l'avait pas vraiment fait exprès ce soir-là. C'était simplement Lirinah qui se sentait un peu mal à l'aise en écoutant Kendraff. Elle fut tout de même déçue qu'il maintienne cette distance avec elle. Lirinah devenait petit à petit une adulte même si elle conservait un côté enfantin dans sa personnalité, et sans en avoir conscience, commençait à voir différemment le jeune homme. Elle avait par moment du mal à détourner le regard de ses yeux rouges et de son corps musclé. 


Heureusement que la plaque sur le torse de Kendraff brillait assez pour servir d'excuse à Lirinah.


Et que lui soit assez ignorant des choses de l'amour pour ne rien déceler. Car on en était bien là...

 

Disons que, oui et non. Certes, l'attirance entre eux était manifestement bien présente, mais eux ne le voyaient pas vraiment, ou plutôt ils ignoraient l'aspect réciproque de cette attirance. Et ce soir ne faisait pas exception, car ils n'eurent pas le temps de remarquer quoi que ce soit, ce dernier étant vite passé pendant qu'ils discutaient, si bien qu'ils ne purent s'entraîner. Il n’eut que le temps d'expliquer à la jeune fille, en quoi consisteraient leurs prochains rendez-vous :



  • Voilà, ce sera très simple. On va s'affronter lors des mois qui viendront.

  • Quoi ? Mais enfin je ne peux pas faire ça.

  • Et pourquoi ça ?

  • Je ne veux pas me battre contre toi. Je refuse de te faire de mal.

  • Tu ne parviendras pas à me blesser. Alors pourquoi tu hésites ? Ce n'est qu'un entraînement après tout.

  • Je ne peux pas ! Je trouve ça mal de frapper un ami.

«Ami», le mot sonnait faux dans sa bouche, sinon aurait ne serait peut-être pas si gêné à l'idée de croiser le fer avec lui. Après tout, elle s'y attendait déjà, avant même de le voir différemment. Lirinah se perdit dans un questionnement intérieur et rougit, mettant à bout la patience de Kendraff. Elle semblait clairement oublier que ces entrevues secrètes étaient risquées pour eux, et il voulut lui faire comprendre:



  • C'est quoi ton problème ? Tu voulais apprendre, et maintenant, tu renonces ? Si c'est le cas, dis-le, j'arrêterais de perdre mon temps ici !

  • Ce n'est pas ça ! je veux toujours apprendre ! Mais je me refuse à affronter un ami.....


Là, elle bloquait carrément sur le mot. Qui était réellement Kendraff pour elle, voilà une question que devait trancher la jeune femme confuse, et à court d'arguments.


Et là encore, que de temps perdu, alors que vous auriez pu vous en mêler. Parce qu'après tout, c'est leur histoire en tant que guerrier qui comptait.



Ha non ! Vous allez pas remettre ça sur le tapis. Surtout qu'il valait mieux, à ce moment-là, les laisser faire. Sinon, on aurait davantage empiété sur la formation de la jeune Lirinah, et ce n'aurait pas été une bonne idée.

 

Là, il faut dire que notre consœur était dans le vrai. Puis, Kendraff semblait du même avis, lui qui tentait de faire valoir son point de vue. Sauf qu'il le faisait sans se rendre compte qu'elle venait de commencer une remise en question intérieure sur leur relation, ce qui n'aidait pas vraiment, mais soit.


  • Kilvar et moi on s'affronte régulièrement pour s'exercer. Pourtant nous sommes frères ! Et malgré la brutalité, on en garde aucune rancune.

  • Je comprends ce que tu veux dire, mais vous en avez l'habitude, pas moi !

  • Tu vas devoir la prendre, cette habitude. Tu verras bien vite que ce ne sont pas de vrais combats, alors n'hésite plus.

  • Sauf que j'aurais du mal à me concentrer...


Elle ne parvenait pas à donner une raison à Kendraff. Lirinah ne put que rougir, tendit qui lui, se montrait insistant.



  • Pourquoi ça ?

  • Parce que ce n'est pas un inconnu sur qui je vais pointer une lame, mais un ami.
  • Je n'en pense pas moins de toi, mais si cela peut t'aider à progresser, je n'hésiterais pas un instant à te rentrer dedans, à moins que tu ne préfères arrêter ici.


Lirinah resta un moment sous le choc de se rendre face à un Kendraff hypocrite, lui aussi gêné à l'idée de blesser Lirinah. Il était le plus déterminé des deux, refusant de se résigner, pas après tout les risques qu'il avait pris pour la former. Et pourtant, ce n'était pas simple pour lui de garder la tête froide, l'uniforme de Lirinah n'était plus adapté à ses mensurations désormais : sa tunique trop petite pour elle lui moulait la poitrine, qui sautait clairement aux yeux du jeune homme en âge d'y prêter attention, ainsi que ses jambes entièrement visibles.


Et voilà pourquoi je n'avais pas besoin d'intervenir, la princesse avait suffisamment de ressource pour réussir par elle-même.


Encore fallait-il qu'elle en ait conscience, et qu'elle assume ses sentiments pour jouer de ses charmes.


Pas la peine qu'elle s'abaisse à cela, car n'était pas le problème. Il se surprenait souvent à regarder Lirinah, mais se refusait juste toute proximité avec elle, conscient des conséquences du moindre rapprochement charnel ou sentimental. Cela lui coûterait bien plus cher que les sanctions internes de son clan pour avoir entraîné Lirinah.

 

Et encore, là ils avaient bénéficié d'une aide extérieure de notre confrère en charge de leur destin.

 

Certes, certes, mais concernant leurs rendez-vous nocturnes, pas leur relation. Pour cela, il aurait fallu qu'ils soient, l'un comme l'autre, réellement conscients du changement entre eux. Lirinah finie par rompre le silence présent, depuis chacun se perdait dans ses pensées :



  • Je crois qu'on ferait mieux de rentrer maintenant. Si on reste trop longtemps ici, on aura des ennuis.

  • Tu as peur des ennuis ? C'est nouveau ça.

  • Je n'ai pas peur, mais je préfère éviter les problèmes si je le peux !

  • Pourtant, tu as toujours eu le don pour t'en attirer.

  • Quand j'avais onze ans peut-être, mais j'en ai seize.et je suis beaucoup plus mature.

  • Je veux bien te croire, mais ça me surprend quand même.

  • Dans ce cas-là, on va en rester là.

  • Oui, mais sache une chose. Si lors de notre prochain entraînement, tu n'es pas décidé à m'affronter, je mettrais fin à ta formation.


Cette nuit-là, Lirinah ne trouva pas le sommeil : elle ne faisait que repenser à la scène où elle eût tant de mal à l’appeler ami, à sa difficulté de le voir comme avant. Tandis qu'elle s'interrogeait elle-même, dans son esprit une tout autre image s'implanta soudainement : celle de leurs deux corps nus enlacés dans un flottement de flou blanc.


Dans son esprit ? Elle a pensé d'elle-même à cette situation ?

 

Promis, ce n'est pas moi mais les hormones de Lirinah. Et pour preuve, elle ressentit alors une forte bouffée de chaleur.

 

Sauf qu'immédiatement après, elle se mit à paniquer, n'ayant jamais ressenti ce sentiment : elle avait peur de ce qui lui arrivait. Le pire, fut qu'elle ne pouvait ni en parler à sa mère, ni à Eldah sans compromettre Kendraff. Elle finit par trouver une réponse d'elle-même, une conclusion qu'elle aurait aisément réfutée et exclue il y'a quelques années : elle le désirait, car elle en était tombée amoureuse.

 

Tant de temps à tourner en rond, et pourquoi ? Pour un scénario pourtant si prévisible...



Et je ne m'en suis pas mêlée ! Je tiens à le rappeler...


Certes, certes mais vous oubliez le principal problème, celui qui aurait bien mérité votre aide. Cette relation leur serait impossible même si Lirinah se refusait à l'entendre. Après tout, ils avaient réussi pendant des années à se cacher de tous, alors s'ils restaient dans le secret, ils pourraient vivre leur amour. Mais pour ça, elle devrait convaincre Kendraff de cette possibilité, lui qui ne prenait jamais le moindre risque concernant les règles. Et cela serait peut-être plus difficile que de le séduire, même si elle n'avait aucune garantie d'y parvenir, contrairement à nous. Tout comme il y a deux ans, la jeune femme comprit qu'elle allait une fois de plus livrer une bataille de volonté avec Kendraff.

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