Chapitre 5: Un duel et une princesse ivre.

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Lirinah attrapa Kendraff par la tunique, enfin elle essaya. Il la suivit vers les tables les plus proches des tonneaux de boissons, mais aussi les plus éloignées de celles des adultes. Une fois, que la princesse eut posé deux coupes de bois devant eux, elle lui expliqua le principe du duel.

  • Voilà ce qu'on va faire, c'est un simple concours d'hydromel.

  • Et quel en est le but ?

  • Quoi ? Mais enfin c'est très facile à comprendre. On va juste boire, et celui qui ne sera plus capable de continuer aura perdu.

  • Je m'en doutais mais j'espérais que tu aurais quand même pu trouver autre chose. C'est encore une idée à s'attirer des ennuis mais bon, de ta part ça ne me surprend pas.

  • J'ai juste choisi un défi, que j'estimais équilibré. Comme ça, le résultat en sera incontestable, même si ça va forcément nous créer des problèmes, ça en vaudra la peine.

Alors, sur le papier ça semblait une bonne idée, surtout si elle avait vu juste et que le jeune homme n'avait jamais bu. La victoire lui serait assurée, sauf que notre chère princesse avait négligé un détail : Kendraff avait bien grandi en trois ans. Avec une carrure de guerrier, il avait de fortes chances d'absorber l'alcool bien mieux qu'elle. Mais Lirinah n'allait sûrement pas manquer une occasion pareille, et s'empressa de poser deux coupes, ainsi que plusieurs pichets d'hydromel, qu'elle avait rempli d'avance. Tout en servant les deux contenants, elle provoquait son adversaire du regard, espérant que cela le dissuaderait de se défiler.

  • Prêt à m'affronter ?

  • Plus que jamais, même si je reste certain que nous finirons par le regretter !

  • Alors, lançons les hostilités.

Attendait, on arrive.

Vous allez bien nous faire une petite place pour nous régaler du spectacle.

C'est pas un jeu ni un spectacle. Veuillez faire silence et me laisser conter cette partie... heu... Importante de l'histoire.

Ha non ! On va rester. Même si on sait ce qui va arriver, on tient quand même à en profiter.

Merde ! Circulez, y'a rien à voir.

Mais si ! On va bien rigoler, surtout le passage où...

Mais chut ! Profitez, d'accord mais en silence !

Quel rabat-joie!

Au moins on peut regarder...

Oui, mais vous me laissez raconter ! Donc commençons avec la première coupe ingurgitée. Ils devinrent légèrement rouges, la chaleur âpre du nectar coulant dans leur gorge, sensation de l'alcool visible, surtout pour une princesse devant «soi-disant» y être plus habituée que son adversaire. Ils burent une seconde, puis une troisième. Si la demoiselle semblait tenir le coup lorsque la quatrième fut absorbée, Kendraff montra qu’il n’avait clairement pas l'expérience de cette frivolité, tout en encaissant bien le choc quand même.


Les deux adolescents commençaient à s’empourprer de ces quelques coupes d’hydromel ingurgité. Kendraff buvait à toute vitesse et Lirinah, à l’inverse, prenait son temps, profitant du fait qu’aucune règle ne fut établie en termes de rapidité. Kendraff en était déjà rendu à trois de plus que Lirinah: son visage avait une teinte rouge et air complètement désorienté.

Lirinah commença à montrer des signes de doute à sa septième coupe : après avoir rattrapé Kendraff, sa lucidité s’éclipsait un peu plus à chaque nouvelle gorgée, mais ne pouvait pas se résigner à abandonner si près du but. À cet instant, seule sa volonté l’aidait à conserver un minimum de raison, après avoir échoué à tricher, en se penchant et exhibant son décolleté dans l’optique de jouer de ses charmes.

Comme quoi, mes conseils n'étaient pas si mauvais que ça.

Mais taisez-vous !

Ouais surtout qu'elle n'avait ni l'âge ni les atouts pour ça...

Ça c'est à moi de le raconter ! Alors on fait silence, et on me laisse faire mon travail. Mais en effet, sa tentative pour frauder le duel fut un échec, surtout que son adversaire était bien trop saoul pour faire attention à elle. À la huitième coupe, Lirinah changea d’idée et essaya de converser avec Kendraff.

  • À... alors.... *hic* toujours forme ?

  • C'est plutôt moi *hic* devrais poser *hic* question.

  • Moi .... vais très bien.

  • Comme si *hic* croire pa ! Toi venses enrore grager ?

  • Bien sûr, moi boire *hic* triple de ça si... veux. Contrairement à toi, moi sais mieux alcool.

Kendraff attaqua la neuvième coupe et Lirinah la huitième. Tous deux montrèrent des signes de faiblesse, qu'aucun ne pouvait cacher à l'autre, indiquant que le duel arrivait à son terme : tout se jouait désormais sur la volonté des deux adversaires. Ce fut finalement Kendraff qui céda le premier : il devrait donc lui apprendre tout ce qu'il savait de l'art du combat. Pendant qu'elle en avait encore la force, Lirinah se mit à sourire fièrement de son triomphe face à Kendraff. Pourtant, sa victoire restait tout de même chanceuse.

Chanceuse, faut le dire vite. Ça pue l'intervention de quelqu'un vu qu'en plus, ils ont réussi à faire durer leur duel jusqu'à la fin sans être pris.

Ha non, ce coup-ci j'ai rien fait !

Comment ça, «ce coup-ci» ?

Heu...Je parlais d'une autre destiné sur laquelle j'avais un droit d'intervention indirecte...

Oui, effectivement, ce n'était pas à vous de veiller la destinée de Lirinah. On ne peut qu'accuser qu'une seule personne pour ça, qui semble toujours vouloir garder le silence.

Surtout que Lirinah s'écroula sur la table peu de temps après Kendraff. Moi, je lui aurais laissé une plus jolie victoire....

Il reste encore des choses à raconter, car Lirinah en avait oublié sa condition de princesse, et leur duel avait fini par se faire remarquer malgré l'intervention de notre confrère.

Si Eldah et Kilvar s'amusaient de cette situation, ce n'était pas le cas des parents de Lirinah, ainsi que ceux de Kendraff, furieux de leur comportement. Tandis qu'ils furent réveillés par des hurlements de rages, ils peinaient encore à réaliser qu'ils n'échapperaient pas aux conséquences de leur petit défi. Mais Lirinah était bien incapable d'entendre la colère de ses parents, ne réussissant qu'à vomir tout son hydromel à leurs pieds.


Ils durent donc attendre que chacun des deux adolescents ait un peu plus les idées claires, même s'ils tentaient de se justifier comme ils pouvaient, bafouillant chacun sur les mots et faisant sentir leur haleine chargée d'alcool à leurs interlocuteurs. Arkar finit par perdre patience, car cette fois-ci, il ressentait une colère qu'il n'avait jamais éprouvée envers son fils : il avait été humilié devant tous ses hommes par son propre sang.

  • Je te pensais plus sage que ça ! Je ne comprends pas ton comportement. Mais qu'est-ce que j'ai fait pour que tu me fasses subir ça !

  • Bas justement, pour une fois qu'on s'amuse dans ce village ! répondit Kendraff avec insolence. C'est pas souvent que ça arrive avec toi !

Si Kendraff ne raisonnait plus du tout à cause de l'alcool, il avait quand même réussi à exprimer sa pensée clairement, comme s'il se libérait d'un poids, révélant ce qu'il ressentait au fond de lui. Kendraff l'ayant ouvertement, et bêtement défié, Arkar attrapa son fils par le cou, ivre de colère, et l'écrasa brutalement contre la table, sa main serrant avec force la gorge de son cadet. Kilvar et Eldah durent intervenir en sa faveur ainsi que celle de Lirinah, faisant lâcher prise à Arkar tout en essayant de le calmer. Les nouveaux époux usèrent de la raison pour cela, rappelant qu'ils étaient en public, et qu'ils devraient éviter de se donner en spectacles.


Demandé comme cadeau de mariage. Kendraff et Lirinah furent autorisés à rester jusqu'à la fin des festivités, mais sous la surveillance d'Eldah et Kilvar. Les quatre jeunes gens se lancèrent dans une discussion animée, Lirinah et Kendraff gardant des difficultés à être concentrés et à parler :

  • Vous auriez pu nous inviter à participer à votre petite plaisanterie, ironisa Kilvar.

  • On pouvait pas, c'était duel nous deux, répondit Kendraff.

  • Un défi ? Quel en était l'enjeu ? demanda Eldah les yeux fixés sur Lirinah.

  • Pas pouvoir dire.

  • Et pourquoi ça ? insista Eldah.

  • C'est secret entre nous.

  • Et qui a gagné ?

  • Moi ! se vanta joyeusement Lirinah.

  • Pffff, la chance ! Grogna Kendraff avachi sur la table. T'as failli écroulé avant moi.

  • Sois bon joueur. T'as fait promesse, tu la tenir, hein?

  • Bien sûr, j'ai qu'une parole.

  • Vous semblez être devenus très amis tous les deux, constata Eldah.

  • Exagère pas, répondit Kendraff, qui n'appréciait guère d'être considéré comme proche de Lirinah.

  • Ça plutôt à moi dire, on s'entend peu mieux les deux, expliqua Lirinah vexée par la réaction de Kendraff.

  • Ça, on avait remarqué, ironisa Kilvar.

  • Pas besoin insister sur sujet alors !

  • Pourtant, il y a de quoi quand on sait que deux personnes ici, s'envoient régulièrement des messages, et cela depuis trois ans maintenant.

Kilvar avait insisté sur ce point, non pas comme un reproche adressé à son frère mais juste pour l'embêter. Cependant, le ton de sa voix indiquait tout de même qu'il n’appréciait guère que Kendraff se rapproche de Lirinah. Il craignait qu'il ne s'attire des ennuis, ainsi que sur sa famille et le clan.

  • Bah z’écris souvent à Eldah, béh faut pas insister ça, répondit Lirinah, en essayant de changer de sujet.

  • On parle de ceux que vous vous envoyez avec Kendraff, répliqua Eldah amusée par Lirinah et son manque d'idée pour esquiver la question.

Lirinah et Kendraff tentèrent alors de faire semblant de ne pas comprendre mais en vain. Leurs communications régulières, de ces dernières années, n'étaient pas passées inaperçues. L'alcool ne les aidait vraiment pas à trouver d'échappatoire à la curiosité de leurs interlocuteurs. Cependant, voyant qu'ils n'avaient pas envie d'en parler, Kilvar et Eldah n'insistèrent pas plus. De plus, certains invités commencèrent à partir, et l'étiquette voulait que les jeunes mariés aillent les saluer une dernière fois. Lirinah et Kendraff se retrouvèrent à nouveau seuls, et Lirinah en profita pour discuter de leur accord :

  • Alors ? Toi organiser l'entraînement.

  • Oui, mais toi détester ça. Car ça va faire mal.

  • M'en doute, suis une Lirinah pas bête.

  • Ze dis pas contraire, mais toi, tu sais pas ce qui t'attend.

  • Peut-être, mais je ne renoncerais pas. J'ai eu trop de mal à te convaincre pour ça, sans parler des ennuis que je vais avoir pour notre duel.

  • Très bien, bah ze t'envoies la bestiole à plume quand je zerais prêt.

Ils n'eurent pas l'occasion d'en discuter plus longtemps, car les parents de Lirinah étaient décidés à partir, et elle devait les suivre. Après s'être dit au revoir, Lirinah félicita une dernière fois les jeunes mariés et cette fois-ci, elle ne chercha pas à rester davantage, car elle savait qu'elle le reverrait bientôt.

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