Chapitre 2: Fiançailles et enlèvement.

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Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis que Lirinah avait fait la connaissance de Kendraff au cours de son escapade. Elle avait appris que ses parents étaient allés voir Arkar, afin de lui passer commande d'équipements pour les gardes du palais. Toujours troublée par sa rencontre avec Kendraff, et la facilité avec laquelle le "destin" les avait amenés à se trouver seuls dans ce bosquet, elle comptait bien comprendre par elle-même comment cela avait pu arriver. Enfin plutôt essayer, on n’allait quand même pas lui donner toutes les réponses.



Nous n'en avions surtout pas le droit, et cela ne l'aurait pas aidé. Notre tâche se limite à surveiller et conter.


Et à les guider partiellement en fonction de nos intérêts.

 

Mais cela, ce n'est pas nécessaire d'en parler. On n'a pas vraiment fait dans la discrétion et la subtilité. Alors, continuons, car ce n'était pas sa seule raison de vouloir revoir Kendraff. Ce dernier n'avait pas été tendre avec elle. Il l'avait prise de haut, et surtout ouvertement provoquée, elle, une princesse. Elle ne pouvait pas le laisser s'en tirer aussi facilement, mais pour ça, encore fallait-il qu'elle sorte de ses pensées. Heureusement que sa mère avait décidé de la surveiller plus sévèrement.


  • Lirinah, dépêche-toi il est temps de partir.

 

Elle se prépara rapidement, enfilant grossièrement sa robe turquoise, attachant ses fins cheveux blonds en arrière, et quitta enfin de sa chambre pour rejoindre sa mère qui l'attendait avec un visage froid et sévère démontrant son impatience devant la lenteur de sa fille, et s'adressa à elle d'un ton autoritaire :


  • Et cette fois, pas question de disparaître dans notre dos. Tu m'as bien comprise ?

  • Mais oui, ça va je t'ai entendu.

 

Lirinah savait bien qu'elle devait faire profil bas. Elle était sauvage, têtue, aventureuse, mais pas stupide. Enfin si par moment, mais ce n'était ni plus ni moins que les actes ou les paroles irréfléchies d'une enfant. Elle suivit ses parents, et le paiement, direction du village d'Arkar, mais elle était si absorbée dans ses pensées qu'elle n'eut même pas conscience du trajet quand elle se retrouva face aux premières habitations. Ses yeux parcoururent alors le village à mesure qu'ils arpentaient les rues, un ensemble de maisons agencé de façon désordonnée. À croire, que chacun s'était installé, où ,et comme il le voulait, du moment qu'il a le droit d'avoir sa baraque à lui. 


Une fois à la demeure d'Arkar, Lirinah observa un bâtiment construit autour d'une grande salle de réception de plain-pied, éclairée par une ouverture dans le toit, et des torches. Pourquoi un toit ouvert ? Le caprice d'un chef, j'imagine, car ça ne doit pas être pratique le jour de pluie ou de forte neige.  

 

Ce détail n'est pas utile. Après tout, ce n'est pas l'histoire d'Arkar qui est racontée ici, mais bien celle de Lirinah.


Mais ça en fait partie, non ?

 

C'est vrai, et il était important d'en parler un peu. Mais pas trop non plus, puisque notre brave princesse risque de ne pas y rester très longtemps. En effet, Lirinah s'ennuyait déjà de cette réunion, faisant la moue, car elle n'avait pas trouvée le garçon qu'elle cherchait. Détail qui n'échappa à une femme d'âge mûr aux cheveux de feu, souriant de s'amuser étant la seule à s'apercevoir de son comportement, même si elle n'en dit pas un mot. Lirinah, elle, remarqua enfin cette femme, et comprit qu'elle était la mère de Kendraff, et de qui il tenait sa chevelure si particulière. Mais elle ne s'y intéressa pas plus : c'était "lui" qu'elle voulait voir, car elle souhaitait vraiment s'excuser de la situation délicate dans laquelle sa dernière escapade l'avait mis. 

 

Elle devait donc partir à sa recherche pour le faire, mais la politique semblait lui faire barrage, quand la délégation d'un autre clan arriva, accompagnée d'une adolescente rousse qui boudait elle aussi de cette réunion. Et il n'était pas difficile de comprendre pourquoi, en voyant un garçon blond de son âge avoir la même réaction: l'un comme l'autre semblait clairement conscient de s'être fait arnaquer.


  • Arkar, Kilvar ton fils aîné est-il prêt pour ce qui l'attend ? Nous avons déjà tout expliqué à notre fille Eldah, elle était déçue de ne pas choisir son futur fiancé.

  • Effectivement, l'accord a fini d'être rédigé pour vous, Hosdarn et dame Meldia. Il ne reste plus qu'à le signer, si vous le voulez bien, dit Arkar. On s'en serait bien passé, mais notre bon roi insiste, car il considère l'événement très important.

  • Vous n'aviez pas le droit de conclure un tel arrangement dans mon dos ! S'emporta Boldiv. Il me semble que ça me concerne aussi. C'est sur mon territoire que résident vos deux clans.

  • Justement non ! répliqua Meldia furieuse de subir la crise autoritaire du seigneur de l'Ouest. C'est le Roi qui régit nos clans.

 

Alors ça, ce n'était pas vraiment à lui d'en décider, mais bien plus à nous. Même si cette question nous avait également déchirés en ce temps-là.


Ce qui se comprend aisément, car cette union faisait passer tout un clan de la tutelle d'une déesse qui en avait toujours eu la charge, sous la coupe d'un autre, qui avait déjà le bénéfice d'avoir des légendes dans ses administrés.


Certes, certes, mais n'oublions pas que ces clans avaient leur indépendance, même si le Roi gardait une certaine autorité sur eux. Il n'était donc pas de notre ressort d'intervenir dans cette affaire. Laissons la politique à ceux qu'elle concerne, si vous le voulez bien, car de mémoire, ils avaient bien finir par régler ce différent d'eux-mêmes. Par contre, comme vous pouvez le voir, cela ne s'était pas fait sans une bonne dose de décibel.

 

  • Je me dois d'insister sur la question ! répondit Boldiv d'une voix forte. Vos intentions semblent suspectes quant à votre volonté de vouloir unir les deux clans les plus puissants et les plus prestigieux de l'Ouest.

  • Et peut-on savoir ce que vous insinuez ? demanda Arkar dont la colère grandissait.

  • À travers ce mariage, on pourrait croire que vous cherchez à unir vos forces respectives, afin d'imposer votre pouvoir sur la région, déclara Boldiv.

  • Mais c'est complètement faux cette accusation ! s'indigna Hosdarn. Nos deux clans ont toujours été proches et liés l'un à l'autre. Ce n'est qu'une suite logique, et vous savez comme nous qu'un tel scénario est impossible.

Les deux chefs n'hésitèrent pas à rappeler au seigneur de l'Ouest le passé de leurs clans respectifs. Un millier de démons de givre avaient déferlé des glaciers au nord de la capitale. Le royaume privé de ses défenseurs se retrouva incapable d'arrêter cette force nouvellement arrivée. En ce temps-là, les crocs de la lune ne comptaient à peine qu'une cinquantaine de membres actifs, et les enchanteurs de l'Ouest juste une dizaine. Le prince de cette époque, qui avait la régence du royaume n'avait le temps d'organiser sa défense qu'avec eux, et par miracles...



Et surtout nos bénédictions !



Il est vrai, certes, donc par miracles dus en partie à nous, les démons furent stoppés au terme d'une sanglante bataille, dont le tournant se joua au matin du troisième jour, lorsqu'un groupe d’archées menées par le prince, arrivant en renfort. Les flèches ensorcelées par les enchanteurs eurent leur effet, et les ennemis furent vaincus. Les défenseurs avaient remonté la piste des démons jusqu'à un grand glacier tout au Nord du royaume près de la mer de Barents. Lorsqu'ils firent leur rapport au prince, ce dernier fit condamner le passage par prudence, et surveiller par deux tours de guet et une garnison de cinquante hommes, afin de s'assurer de ne plus jamais être pris au dépourvu. Et dans les grandes forges de Fenrir fut créée une immense plaque d'argent pure, ce métal étant réputé pour avoir la capacité de repousser les démons et de les blesser. 

 

Bien que cette histoire releva plus du fantasme que de la réalité, elle se transmettait de génération en génération. Elle racontait que, le son dégageait par la fabrication de l'ouvrage, ressemblait à un hurlement, comme si la tête de loup rocheuse abritant la forge avait vécu l'incarnation du dieu Fenrir lui-même pendant la création de l'œuvre.  Les deux clans gagnèrent leur réputation, et leur lien particulier avec la capitale duquel ils jouissaient de nombreux avantages, dont celui de composer la garde royale et la garantie de son autonomie. C'est qui avait nourri la méfiance et la paranoïa de Boldiv durant tout son règne sur l'Ouest.

 

Lirinah, elle apprécia cette discussion stérile, car elle lui permit de se faire complètement oublier. Elle put alors filer en douce sachant que ses parents mettraient des heures avant de se soucier de sa disparition. La princesse entra dans les bois en floraison à la recherche du bosquet, mais elle avait l'étrange impression d'avoir été suivie. Elle marqua une pause, et une fois rassurée, elle reprit sa route d'un rythme plus soutenu, ses cheveux blonds flottant à travers la cime des arbres. 

 

Lirinah repensa alors à la première fois qu'elle était venue dans ces bois, et se rappela avoir pris un tout autre chemin sur lequel se situait une petite clairière. Malheureusement, elle n'eut même pas le temps d'aller vérifier son idée, car une bande de brigands, masqués et encapuchonnés, s'était réfugiée dans ce bosquet. L'un d’eux empoigna cette dernière, tandis que les autres débattaient de son sort : vente, esclavage ou simple mise à mort ? Mais ce fut durant leurs discussions qu'un son de branche ayant craqué se fit entendre.


  • Qui va là ?

 

Personne ne répondit, mais les bruits de pas se faisaient de plus en plus proches. Un jeune garçon aux cheveux rouges sortit soudain de l'ombre des arbres, se jetant sur le balourd hirsute qui gardait Lirinah, et lui mordit le bras avec lequel il la tenait. Elle fut à la fois surprise et heureuse de le voir voler à son secours. Mais son espoir s’évanouit rapidement. Le brigand qu'affrontait courageusement Kendraff perdit patience lorsqu'une des attaques du jeune garçon le toucha au genou. Il attrapa violemment Kendraff par sa tunique et le plaqua contre le sol. Les autres éclatèrent de rire à nouveau, se moquant de ses efforts ratés. 


La situation semblait bien catastrophique aux yeux de Lirinah lorsque soudain, les rires s’évanouirent d'un coup. Une flèche était sortie des bois, sifflant à travers le bosquet pour aller directement se loger dans la gorge du brigand qui maintenait Kendraff au sol, tandis que d'autres guerriers surgirent avec une grande vitesse des arbres, menés par Arkar et accompagnés des parents de Lirinah ainsi que ceux d'Eldah.


  • Mais enfin, d'où sortent tous ces guerriers ?

  • Une Lune dans une mâchoire ! L'emblème d'Arkar ! Chef, je crois qu'on est sur son territoire.

  • On s'en va ! Ça ne sert plus à rien de rester dans le coin !

 

Les quelques survivants prirent la fuite sans demander leurs restes. Lirinah fut sauvée après un combat aussi rapide que facile, enfin pour les vrais guerriers. Cependant, elle s'était à nouveau volatilisée sans prévenir ses parents, et savait très bien ce qui allait se passer. Mais son premier réflexe fut de se jeter dans les bras de sa mère, soulagés. Dalna, furieuse, serrait tout de même son enfant contre elle, n'ayant jamais eu aussi peur pour sa fille. Mais elle ne se privait pas de la sermonner :


  • Tu avais promis de ne pas partir en douce, tu nous as menti ! hurla Dalna le visage pâle.

  • Tu te rends compte que tu aurais pu te faire tuer ! Ajouta Boldiv furieux, mais dont la voix tremblait encore.

  • Oui, je suis vraiment désolée, s'excusa sincèrement Lirinah en pleurs. Mais je voulais me balader et je n'en pouvais plus de vous entendre vous hurler dessus.

  • C'est aussi de votre faute !


Et peut-être de la nôtre, pour servir nos intérêts.




Ça, ce n'est pas vrai, enfin pas entièrement. Mais l'important, c'est que l'adolescente marquait un bon point, mais personne ne semblait comprendre son propos. Tous regardaient Eldah d'un air surpris, y compris Lirinah. Comme pour provoquer ceux qui avaient décidé de son avenir sans son consentement, elle s'exprima sans peur devant les puissants seigneurs du domaine et les chefs de clan :


  • À cause de votre dispute inutile, vous avez complètement oublié de surveiller votre fille, alors que finalement vous n'aviez aucun motif valable à vous mêler de nos affaires.

Lirinah comprenait de moins en moins ce qui se passait, car lorsqu'elle s'était évaporée, la situation entre son père et les chefs de clan était à la limite d'exploser. Mais elle ignorait qu'après son départ, il ne fallut pas longtemps à Arkar pour être informé de sa disparition et la rechercher. Cependant, bien qu'Eldah soit intervenue pour calmer les esprits, les parents de Lirinah n'en avaient toujours pas fini de sermonner leur fille, mais avant, Dalna rappela l'adolescente qui l'avait défié à l'ordre afin de ne pas perdre la face :


  • Même s'il y a une part de vérité dans tes propos, jeune fille, cela ne vous donne pas le droit de nous parler ainsi.

  • De plus, ça n'excuse pas entièrement la disparition de Lirinah!

Boldiv se tournant vers sa fille pour lui tirer les vers du nez, il l'interrogea à nouveau sur sa présence dans les bois :


  • Je te le redemande, pourquoi es-tu parti ainsi sans rien dire ! Si tu en avais assez, tu pouvais très bien rester dans le village, pas te sauver dans la forêt !

  • J'étais partie à la recherche de Kendraff, car je souhaitais m'excuser de la situation embarrassante, dans laquelle il s'était retrouvé à cause de moi, et aussi profiter de la beauté du printemps. Mais je ne le trouvais pas chez lui ni dans le village. Donc j'ai pensé qu'il serait peut-être ici.

 

Cependant, à peine la jeune fille eut fini de s'expliquer qu'elle regretta d'en avoir trop dit. Kendraff s'en voulait de ne pas avoir pu protéger Lirinah. Lui qui cette fois-ci avait même pris de gros risques pour essayer de la sauver, il n'avait pas relevé que Lirinah avait à nouveau redirigé les foudres de son père sur lui, tant ce dernier semblait déconnecté de la discussion. Arkar le ramena bien vite à la réalité de sa voix forte et autoritaire :


  • Et toi peut-on savoir pourquoi tu n'étais pas à la maison ?

  • J'étais en balade, et j'ai mis plus de temps que prévu à revenir, répondit-il , timide et peureux. Et quand, j'ai vu Lirinah partir en direction des bois, j'ai décidé de la suivre. Je craignais qu'il ne lui arrive des problèmes.

  • Espèce d'idiot ! hurla Arkar ivre de colère. Il ne t’est donc pas venu à l'esprit, qu'il aurait été plus utile de nous prévenir de sa disparition, plutôt que de la suivre sans rien dire ?

 


Sage reproche que celui de ce brave Arkar, mais s'il l'avait fait, il n'aurait pas tiré la moindre expérience de cette situation. Expérience qui le pousserait désormais à devenir plus fort.



En effet, ce qui n'empêcha pas Kendraff de garder le silence, et rougir de honte pour avoir agi de façon aussi stupide. Cependant, Arkar n'insista pas davantage, estimant que sans le comportement imprudent de Lirinah, son fils n'aurait pas eu à payer les conséquences de cette situation. Boldiv, lui, ne semblait pas en avoir fini, avec les reproches qu'il souhaitait adresser à Kendraff et Lirinah, mais Hannah lui fit comprendre à lui et à son époux que le lieu n'était pas idéal pour poursuivre la discussion.

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