À la faveur de l'aurore

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— Maman, pourquoi la Saint Valentin c’est pour les amoureux ?

Lucy soupira, écarta la boucle brune de sa fille avec délicatesse.

Leia était en âge de poser des questions et en la matière, elle n’avait rien à envier aux autres enfants ! Chaque jour, chaque chose qui trouvait grâce à ses yeux l’emmenait dans un inextricable tourbillon d’interrogations auxquelles elle devait absolument obtenir une réponse.

Comment lui en vouloir ? Lucy l’incitait tout le temps à la curiosité et à l’émerveillement, et Leia s’y pliait avec un tel plaisir qu’elle ne pouvait la laisser ignorante.

Mais là, un problème se posait : elle n’en avait aucune idée. Lucy se rappela les paroles de sa mère : "Trouve-moi un enfant qui n’a pas de questions compliquées et je l’adopte dans la seconde !".

Leia ramena les couvertures sous ses épaules, son regard insistant rivé sur Lucy. Maman, toi qui sais tout, dis-moi ! semblait-elle supplier. Il aurait été facile de répliquer "je ne sais pas", mais ce n’était pas ce que la fillette attendait.

Elle voulait une histoire, un conte, une belle légende pour s’endormir. Alors Lucy décida d’improviser, parce que Leia adorait cela. Elle se cala sur l’oreiller et enroula un bras autour de la tête de sa fille afin de caresser sa joue du bout des doigts. D’une voix suave, elle raconta :

— Il y a très longtemps, un homme qui s’appelait Valentin vivait avec sa fiancée Aurore. Ils étaient très heureux ensemble, plus heureux encore que le plus heureux des couples. Ils s’occupaient d’une petite ferme dans un village où le chant des oiseaux accompagnait leur réveil, rempli de fleurs de toutes les couleurs. Valentin et Aurore voulaient se marier et avoir des enfants, ils ne pouvaient exister l’un sans l’autre.

« Mais le monde était en guerre et Valentin devait partir au combat, laissant seule sa femme avec la rudesse de l’hiver à venir. Ils pleurèrent beaucoup, puis Valentin s’en alla au front.

— Le front de qui ? l’interrompit Leia.

— C’est une expression pour dire qu’il allait se battre.

— Oh !

— Bon, où en étais-je ? Ah oui. Tous les jours il pensait à Aurore et lui écrivait des lettres d’amours. Il lui promettait qu’au retour de la guerre, ils organiseraient le plus beau des mariages avec la plus somptueuse des robes. Valentin était vaillant et courageux : l’envie de revoir sa fiancée lui octroyait une résistance féroce et une force de titan ! Mais un matin, le quatorze février, il reçut un terrible message : Aurore était tombée malade et n’avait pas de médicaments pour se soigner. Heureusement, l’armée en possédait. Aussitôt, il quitta le champ de bataille en évitant les boulets de canon qui fusaient de chaque côté et il courut à perdre haleine, sans s’arrêter, jusqu’à la ferme.

« Mais Aurore ne survécut pas. Il venait à peine de franchir le seuil de sa maison que sa fiancée mourut dans ses bras, après lui avoir dit une dernière fois "je t’aime". Quelques secondes plus tard, épuisé par sa course effrénée et anéanti de vivre sans son âme sœur, il décéda aussi.

« Le village aimait le jeune couple et leur mort leur fit beaucoup de peine. Alors, chaque année, le quatorze février, ils décidèrent de fêter leur amour en leur mémoire en offrant des fleurs ou un bon moment avec ceux qu’ils aimaient, et appelèrent ça la Saint Valentin. Voilà.

Leia resta silencieuse un instant, comme abasourdie par la révélation. Ses paupières clignèrent avec frénésie, tels les battements d’ailes d’un papillon, puis elle couina :

— C’est triste...

— Je sais ma chérie. C’est pour ça qu’il faut toujours dire "je t’aime", surtout à sa maman.

Bon d’accord, elle profitait de la situation, mais cela ne parut pas déranger Leia. Elle tendit ses minuscules bras en direction de sa mère, un sourire éclatant aux lèvres. Lucy l’enlaça avec douceur, en caressant les cheveux de son enfant.

— Allez, il faut dormir maintenant. Bonne nuit mon cœur.

— Bonne nuit maman !

Elles échangèrent un baiser sur la joue, puis Lucy sortit de la chambre en refermant lentement la porte.

Elle avait le chic pour les histoires totalement improvisées. Celle-ci, malgré sa fin tragique, semblait avoir beaucoup plut à Leia. Une pointe de fierté la fit sourire.

— Je devrais l’écrire, tiens, gloussa-t-elle avant de s’éloigner d’un pas feutré.

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