La cérémonie d’ouverture

4 minutes de lecture

– Décidément, Jean-Patrick, cette cérémonie d’ouverture n’en finit pas de nous éblouir avec ses prouesses scribotechniques, ses cascades grammatico-poétiques, ses tableaux fulgurants de lettres et de mots, non vraiment, c’est du grand art ParaOulipique ! Qu’en dites-vous ?

– Ah, tout à fait, Raoul-Gonzague, et l’ambiance dans l’arène des défis confine à l’orgasme lexicographique de la foule en délecture, je vous le dis ! Personnellement, je ne me remets toujours pas de cette évocation conceptuelle en méta-alexandrins de la bibliothèque de Babel…

– Ah, la fameuse œuvre de Jorge Luis Borgès, qui décrivit une bibliothèque contenant tous les livres possibles et imaginables, un nombre certes fini, mais plus grand que le nombre d’atomes dans l’univers… Moi aussi j’ai été subjugué par le spectacle, Jean-Patrick, mais rappelons que nous devons cette mise en scène incroyable à la fille adoptive cachée de Philippe Starck et de George Perec, Philorge StarTrek qui a réussi à nous mettre des étoiles plein les yeux, il faut le dire ! Mesdemoiselles, mesdames, messieurs, si vous nous rejoignez à l’instant dans les studios ParaOulipiques de Scribay, nous sommes en direct de cette cérémonie d’ouverture époustouflante, Jean-Patrick Maurice-Bernard et moi-même Raoul-Gonzague Paul-Hervé, pour suivre ce grand moment d’écriture sportive en votre compagnie. Pour l’instant, la tension semble se relâcher un peu avant le grand final et le défilé des athlettres.

– Oui Raoul-Gonzague, il semble que nous ayons droit à un charmant rondeau de syllabes qui se tiennent par la rime, qui tourbillonnent au son d’allitérations en « pique » majeur. Le ballet des pieds, le miroir des hémistiches, la sarabande des césures, j’en ai la métrique, Raoul-Gonzague, c’est sublime !

– Je ne vous le fais pas dire, Jean-Patrique ! J’en ai moi-même le « e » muet alors que se termine le dernier vers. Mais attendez, attendez Jean-Patrick, regardez bien…

– Quoi donc ?

– Hé bien, si je ne m’abuse on dirait bien… mais oui, observez ce poème, c’est un épithalame de « ParaOulipique » !

– Comment ? Vous voulez dire que cette poésie n’est écrite qu’avec les lettres du mot « ParaOulipique », c’est cela ?

– Tout à fait, c’est superbe. Quelle soirée, mais quelle soirée ! J’espère que vous aussi derrière vos rétines vous vous régalez de ce spectacle, de ces phonèmes d’amour et de ces diphtongues pleines de soleil ! Si vous avez manqué le début de la cérémonie, sachez qu’elle a commencé tout en douceur avec un petit garsonnet d’à peine six pieds, venu allumer la flamme ParaOulipique, avec des étincelles dans les yeux. Il y avait de l’hémotion dans les veines, je vous le dis. Et puis bien sûr, il y a eu le feu dentifrice, qui sera sûrement dans toutes les bouches demain, avec ses couleurs fluorescentes et ses volutes cosmitiques, suivis de tableaux épiques des grands classiques revisités, le Misanthrope de Bergerac, Le rouge et le Loir, Les misères arables, la compresse de Ségur et j’en passe, sans oublier, la prestation comico-erotique inoubliable de notre cunilingugusse national, Jean-Philippe Herbien, avec son sketch de l’analphabète et de l’osso-bucco génital qu’on ne se lassera pas de revoir encore et encore.

– Oh oui, Raoul-Gonzague, ces petites cochoncetés font toujours du bien par où elles passent, brillamment mises en musique saphonique, par Fabienne Leslik, qui nous a gratifiés d’un solo d’enkulélé impressionnant, cet instrument local Parawaien qui fait si bien vibrer les corps spongieux de nos écrivathlètes.

– Mais il y a aussi eu des moments sérieux, Jean-Patrick, car tout n’est pas rose au royaume de l’écriture et cette année, c’est Shaoline Renaud qui est venue pousser son cri, un banzaï bien senti sur la condition des petits écrivains inconnus qui tentent de percer, tous autant qu’ils sont, parmi des milliers d’auteurs, tous réduits aux mêmes affres de l’autopromotion, sans parler des maladies cérébrales comme le syndrome de la page blanche et la crise de logodiarrhée à laquelle tout auteur a succombé, au moins une fois dans sa vie. Nous savons que ce n’est pas facile et il était bon de leur rendre hommage.

– Oui, Raoul-Gonzague, mais revenons maintenant à la lecture, je crois que le grand final se prépare. Tous les figurants ont pris place au centre du stade. Une cascade de violons se fait entendre alors qu’ils se mettent tous à tomber les uns sur les autres ! Que se passe-t-il ? On se croirait au championnat de dominos.

– Mais oui, c’est bien cela Jean-Patrick, ils tombent tous comme des dominos… Mais où les dominos forment des lettres ! Oh c’est magnifique, je crois que toutes les lettres de l’alphabet vont apparaître devant nos yeux, alors que l’orchestre du Grand Robert entame son ode au Bescherelle dans la joie.

– Ce n’est pas tout, Raoul-Gonzague ! Ce ne sont pas juste des lettres : si chaque figurant est une lettre, ils dessinent tous ensemble un autre phonème et je crois y lire OU…

– LI…

– PO !!

– L’OULIPO, Jean-Patrick, c’est extraordinaire, avec ce gigantesque « O » vermeil. Mais… Le « O » semble s’ouvrir alors que je vous parle.

– On dirait qu’un missile ou qu’une fusée s’apprête à en sortir.

– Non Jean-Patrick, ce n’est pas une fusée, c’est un monumental stylo plume, vous comprenez, comme dans le logo de Scribay !

– Je n’y crois pas !

– Mais si Jean-Patrick ! C’est le stylo plume Scribay qui jaillit depuis l’Orifice de l’Oulipo ! Et cette musique, et ces lettres en délires, c’est, c’est…

– Raoul-Gonzague ! Regardez, le stylo, il gicle, il gicle !

– Oh cher public, c’est une apothéose, au son du grand orgue asthmatique le stylo Scribay décharge des petits jets d’encre de toutes les couleurs sur le visage des figurants et sur la foule, dans un tonnerre d’applaujouissement. 

– Je crois que j’ai besoin d’un mouchoir…

– J’en ai moi aussi la chair qui coule, Jean-Patrick… C’est ça la magie des jeux ParaOulipiques ! Et voilà maintenant que la grande porte du stade s’ouvre et que les écrivathlètes s’apprêtent à défiler sous les cris et les « hourras » de la foule. Quelle soirée, mais quelle soirée !

https://www.scribay.com/communities/community/124/les-jeux-paraoulipiques-de-scribay/talk/4939/la-ceremonie-d-ouverture--en-direct--

Annotations

Vous aimez lire essaime ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0