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Je décide de changer de sujet et d'essayer de combler quelques trous.

– Je peux te poser des questions ? Personnelles ?

– Euh ... oui. Mais le médecin...

– Je me moque du médecin. Je vais pas attendre que ça revienne et si ça revient pas, je vais me reconstruire une mémoire vite fait. Parce que ... si ma vie ressemble à ma mère, je préfère ne pas m'en rappeler, figure-toi.

Elle me regarde interloquée. Le fait est que mon cerveau me dit que je devrais être paniquée et désespérée mais ce n'est pas le cas. Alors je ne vais pas me poser de questions inutiles et je vais avancer. L'important, c'est de reprendre le contrôle. Rien d'autre. Enfin... si ... je dois faire attention à ce que Angelina me suive et à ne pas la blesser. Voilà ! Deux objectifs simples et rapidement atteignables.

– Que veux-tu savoir ?

Je vais commencer par le plus simple. Enfin, le plus simple pour elle.

– Je ressemble à quoi ?

Son sourire inonde ses yeux bleus d'une lumière envoutante. Elle fouille dans son sac et en retire un petit miroir. Puis elle hésite.

– Je suis si moche que ça ?

– Tu es la plus belle femme que je connaisse. Mais, on va dire que tu n'es pas au mieux de ta forme, tu sais.

– La plus belle, hein ?

Elle rougit violemment et me tend le miroir sans ajouter un mot. Je le prends en m'attardant volontairement sur ses doigts, mon regard bien ancré dans le sien. Elle se pince la lèvre et se remet à respirer en récupérant sa main. La voir réagir ainsi me rend toute bizarre. Et j'aime ça. J'aime l'idée d'être capable de lui procurer des émotions, des sensations. Son air à présent légèrement moqueur me fait réaliser que je ne suis pas de bois : j'ai chaud et mon rythme cardiaque est légèrement accéléré. 

Avant de me perdre dans le bleu de ses yeux, je reprends contenance en utilisant le miroir. Aïe ! J'ai quand même une sale tête. Pâle, des cernes noirs, les joues creusées, je me donne l'impression d'avoir enchaîné des marathons. Mais ce n'est pas le pire. Je ne me reconnais pas. Mon visage ne me dit absolument rien et cela commence quand même à m'inquiéter. Je relève le regard et lui fais part de mon problème :

– Je ne me reconnais pas.

– Ce n'est pas grave. Cela reviendra. Et puis, tu n'as pas ta tête habituelle, tu sais.

– Dis tout de suite que j'ai une sale tête !

– Non, je n'oserais pas.

Ma plaisanterie est tombée à plat. Elle semble stressée et inquiète de ma réaction. Je me sens obligée de la rassurer.

– Tout va bien, Angie. C'était juste une plaisanterie.

– Euh... d'accord. C'est que tu ne supportes pas la moindre petite imperfection dans ta tenue ou ton allure. Et tu ne plaisantes jamais là-dessus.

– Ah... Je ne suis pas loin de penser que je suis genre ... imbuvable ?

– Non, non, pas du tout.

Hum... Son regard me fuit. Elle ne me dit pas la vérité sur ce coup là. J'en viens donc à la question qui me poursuit sans relâche :

– Notre dispute avant l'accident, c'était une rupture ?

Elle me regarde avec un effroi non dissimulé. Littéralement paniquée. Elle a pâli et aborde un air, sans conteste, coupable. Je tends une main vers elle et je lui souris.

– Viens. Approche-toi, ma belle.

Elle hésite mais glisse lentement sa main dans la mienne et je l'attire un peu vers moi. A cet instant, j'aimerais pouvoir me lever et la prendre dans mes bras. Mais je me sens trop faible pour ça. Mes paupières sont lourdes malgré l'instant crucial.

– De par ces quelques instants que nous avons partagés depuis mon réveil, je ne doute pas que tu m'aimes encore. Alors pourquoi ?

Ses lèvres pincées me font douter d'obtenir une réponse. Je caresse doucement sa main de mon pouce et j'essaie de la rassurer. Elle finit par prendre la parole, sans me regarder :

– Vivre ensemble, c'était devenu compliqué.

– Pourquoi ?

– Plein de choses.

– Mais encore ?

– Je n'ai pas envie de parler du passé. J'ai envie de voir ce qu'il peut advenir de ce présent. Qui tu es maintenant.

Elle me confirme, sans en avoir conscience, que le problème c'était moi. Je l'ai fait souffrir. Pourquoi ? Comment ?

– Ma relation avec ma mère, c'était le problème ?

– Entre autres...

– Tu dois m'en dire plus, Angie.

– Non. Je ne veux pas. Je vais rentrer, il se fait tard, tu dois te reposer. Je reviendrai demain.

– Tu ne travailles pas ?

– Non, ce sont les vacances d'été. On est le 28 Juin.

– D'accord. Je t'attendrai avec impatience.

Son regard n'est plus fuyant et elle répond à mon demi-sourire. Elle s'avance pour poser un baiser sur ma joue et j'en profite pour la serrer contre moi. Elle me rend mon étreinte avant de partir sans se retourner.

Je me retrouve seule avec mes pensées. La situation se complique. Je pensais pouvoir compter sur elle mais on a rompu. Pourtant, elle est toujours là. Elle prend soin de moi. Elle a dit qu'on allait rentrer chez nous. Je sens une forte angoisse m'envahir. Si elle me rejette, je suis désespérément seule, je n'ai pas besoin de ma mémoire pour le savoir. Ce sentiment de solitude est ancré en moi, dans mes tripes, dans mon cerveau. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais rien à rien. Mais la solitude est ma compagne, c'est une certitude.

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