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 Il me retourne comme un sac de farine. Je suis prise de vertiges ignobles quand il râcle la lame dentée contre mon genou. Mes yeux voilés distinguent son corps infernal, d’une blancheur cadavérique. II n’a plus de plaies, juste des cicatrices. Il me semble qu’il en a de nouvelles, là où je l’ai entaillé, et peut-être certaines correspondant à des impacts de balles, je ne sais pas trop. Ses pupilles folles sont si dilatées que la couleur de ses iris n’est plus visible. Il n’a plus aucun point en commun avec moi. Son sourire semble enfin franc, véritable uniquement quand son désir sadique est assouvi. Et toujours cette liane immonde qui ondule à chacun des coups qu’il me porte. Il passe à mon autre jambe, me laissant un moment de répit.

— Mais qu’est-ce que tu es ? je demande entre deux cris.

— Ton frère, mais j’aurais pu être tellement plus.

— Je ne comprends rien…

— L’autre black a dit que j’étais le Diable. Non, je ne le suis pas. Mais je l’ai déjà rencontré. C’est lui qui m’a permis de subsister dans ce monde. Mais à quel prix ?

— Quoi ?

 Il fronce les sourcils et plonge le couteau d’un coup sec juste au-dessus de mon genou. Mes yeux se révulsent. J’ai l’impression de m’être évanouie un instant. Je sors du noir complet quand il remue la lame pour l’extraire de moi. Il prend tout son temps et parle en même temps :

— Tu vois… j’aurais dû renaître… J’arpentais… ce monde… en attendant de pouvoir me réincarner… Mais voilà… Nos parents n’ont pas refait d’enfants… Et tu n’en as pas voulu non plus.

— Je suis désolée, tellement désolée… S’il te plait, laisse-moi tranquille !

— C’est trop tard. Et je n’en ai pas envie. Tout est ta faute, en fait.

 Il charcute à nouveau ma cuisse. Ma géhenne s’amplifie en même temps que son sourire. Il dévoile ses canines, semblables à des crocs avides de sang. Je désespère. Même si quelqu’un venait me sauver là, tout de suite, je ne pourrais plus jamais marcher. Il ne me reste plus rien. Tout ce que je veux, c’est que cette souffrance s’arrête, et comprendre au moins pourquoi elle m’est infligée.

— Explique-moi au moins. Pourquoi tu me fais ça ? Qu’ai-je fait de mal ? J’ai jamais eu conscience de ton existence… Comment j’aurais pu … ?

— Ouais. Tu veux que je t’explique tout…

— Oui.

 Il se lève, va chercher un truc tout en s’exprimant :

— Au moins tu comprendras pourquoi notamment papa et maman sont devenus fous quand je les ai rencontrés. Tu mérites au moins de savoir tout le mal dont tu es responsable. Et je mérite que mon histoire soit partagée.

 Il revient avec le marteau dans sa main. Il le fait s’agiter devant mes yeux.

— Je peux pas me permettre de continuer à te trancher si je veux que tu restes en vie encore un peu. Je vais plutôt te briser les os dispensables. Bon. Je te l’ai dit, on est nés par césarienne. C’est parce qu’on était collés l’un à l’autre. Ça arrive, parfois, chez les jumeaux. Il faut les séparer. Mais voilà, nous, on était collés…

 Il me tient le poignet droit d’une main, et de l’autre il écrase mes doigts. Il les pulvérise, coups après coups. C’est insoutenable. Entre chaque heurt, il reprend son histoire.

— … au niveau du crâne. Et la médecine de l’époque ne pouvait pas couper en plein milieu sans risquer de nous tuer tous les deux... Il fallait faire un choix... C’est toi qui a été choisi. On saura jamais pourquoi... C’était le hasard, c’est tout... Et il a mal fait les choses. Nan mais, tu t’es vu ?

— Et toi alors, tu t’es vu ?

— Ferme-la, salope ! Je te suis supérieur en tous points ! Putain, tu crois vraiment que t’es en position de faire la maline ?

 Il abat son outil dans le creux de ma paume. Je ne souhaite plus qu’une chose ; qu’il me tue, qu’il en finisse. C’est insupportable. Jamais je n’imaginais possible un calvaire aussi intense, aussi puissant, aussi immonde

— Ouais, face à toi, je vaudrais toujours plus. Vas-y, bute-moi, sous-race.

— Bien tenté, mais non, tu vas rester encore un peu.

 Le nourrisson adulte affiche un rictus insolent avant de commencer à broyer mon avant-bras.

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