Chapitre 4

4 minutes de lecture

 Vous savez, cette sensation de perdre le contrôle, dans nos rêves ? Sentir le sol s’effondrer, où la gravité changeante nous donne l’impression que la fin de notre histoire est proche et imminente ? Où l’on se réveille en sursaut, au moment de la collision, finalement soulagé de sentir le matelas sous notre corps ?

 Tomber dans le vide. Intéressant.

 Sigmund Freud a déclaré un jour, que tomber dans le vide, c’est aussi tomber dans la vie. Car tomber, en soit, c’est ne plus être en accord avec nous-même, et c'est le synonyme le plus récurrent de l’insécurité.

 Souvent, rêver transpose nos doutes, nos peurs, nos joies, et les rêves sont comme des livres ouverts, dans lequels nous pouvons découvrir des indices que l’hôte ne connaît pas consciemment.

 « Dans mon rêve, je marche dans une forêt, commence Lyna, en souriant. En fait, quand j’étais petite, j’allais souvent en forêt me promener avec mes grands-parents. Surtout à la période du muguet, où on partait assez tôt, pour en cueillir des sauvages, et ramener un bouquet pour ma mère.

 Je sens le déclic chez cette jeune femme qui commence à réellement parler, même si celle-ci regarde ses mains qu’elle ne cesse de bouger, posées sur ses cuisses. Elle parle, mais cela lui demande un certain effort. Il est possible que parler d’elle ne soit pas quelque chose d’habituel.

Mais je sens que plus elle parle, plus la confiance envers moi s’installe, petit à petit.

 « À chaque rêve, je vois cette forêt dont les feuilles mortes sont à terre, créant une sorte de tapis sous mes pieds, continue-t-elle, en divaguant, les yeux dans le vide.

 Je crois même apercevoir un très léger sourire sur les commissures de ses lèvres. Elle relate ici un bon souvenir, qui apparemment, se mélange à ses troubles du sommeil.

- Vous voulez dire que vous faites ce rêve régulièrement ?

 Je veille à noter ses réactions, ses mots, le ton qu’elle emploie pour les prononcer, la façon dont ses yeux se baladent entre ses mains et moi.

 Pour toute réponse, elle hoche la tête, avant de continuer son récit.

- Je fais ce que je faisais avec mes grand-parents. Il y a étonnament beaucoup de plants de muguets, et plus j’avance, plus ces plants changent de variétés. Avec des coquelicots, des pensées et une multitude d’autres fleurs.

 Là, elle sourit réellement.

- C’est étrange, mais dans mon rêve, je crois que j’ai l’âge que j’avais quand j’étais petite, et je suis consciente de mon âge réel, mais de temps en temps, j’ai des saut d’émotions, comme un enfant, où quand je vois d’autres fleurs, je ris et cours pour en ramasser encore plus.

 Je lui souris légèrement à mon tour et lui affirme que cela est tout à fait normal vu que c’est un souvenir de son point de vue. Et à l’époque, elle n’était qu’une enfant donc ce souvenir lui est transcrit à la manière dont elle le voyait, quand elle était petite.

- Oui, c’est vrai… Admet-elle, en baissant le regard. Plus je cours, heureuse, en voyant toutes ces fleurs, plus je me rend compte que les plants se font rares. Mais je ne peux pas retourner en arrière. J’ai l’impression de faire du surplace, et qu’on défile un film autour de moi.

 Je lui affirme que là aussi, cette sensation est normale. Car concrètement, lorsque l’on rêve, on dort. Donc on est allongé, et on ne bouge pas. Notre cerveau est extrêmement doué pour créer l’illusion de la réalité dans nos rêves mais il y a des failles. Il ne peut pas vraiment créer la sensation de déplacement, tout comme celle du toucher. De temps en temps, on a cette impression du touché, mais souvent, c’est que sans s’en rendre compte, notre corps endormi effectue le même geste.

 Je me souviens que moi, une fois, à la fin d’un rêve, j’allais boire un verre d’eau, et je me suis réveillé au moment où l’eau allait toucher mes lèvres et ma main formait un « C », comme si j’avais le verre, alors que rien ne s’y trouvait.

- Du coup… Commence-t-elle, en effaçant tout sourire. Les fleurs disparaissent… Et en plein milieu de la forêt, je vois une rose. Cette rose est déjà coupée à la tige, et c’est comme si quelqu’un l’avait enfoncé dans la terre, exprès…

 Je plisse légèrement les yeux. Ce qu’elle me raconte me fait rapidement penser à l’article que j’ai lu la semaine dernière, dans le journal. Mais très vite, j’essaye d’oublier cette histoire. Car il n’y a aucun rapport entre l’affaire, et son histoire à elle.

- J’attrape la rose, particulièrement rouge, et très jolie. Ses pétales n’ont aucun défaut…

 Cela me fait aussi penser à l’histoire de la Belle et la Bête, où la rose est l’événement déclencheur des problèmes de Belle et son père.

-... et lorsqu’elle quitte la terre, je sens le sol trembler… Et c’est à ce moment que je tombe. »

 Intéressant. Très intéressant. Je suis impressionnée par les détails qu’elle m’apporte de son rêve. En général, on a des brides de l’histoire. Mais ce rêve s’est tellement répété pour elle qu’elle récupère des informations nouvelles à chaque fois.

 Mais j’avoue que la rose coupée, planté dans le sol m’intrigue.

 « Est-ce que je peux vous demander, d’après vous, d’où vient cette histoire de rose ?

 Je pense avoir touché dans le mille. Lyna s’immobilise, panique, et ses yeux écarquillés ne savent plus où se poser. Sa respiration est rapide, et voyant qu’elle n'est pas loin de faire une crise d’angoisse, je me lève de ma chaise de bureau, récupère la seconde chaise noire que je place à coté d’elle, et la calme un peu. Assez pour qu’elle évite une quelconque crise.

- Je… J’ai vu à la télé l’affaire du livreur de rose… Qui tuait ces femmes après leur avoir fait un cadeau… Et la semaine dernière, j’ai reçu un cadeau... »

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