Chapitre 3

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 La plupart des gens pensent que les psychologues sont un peu comme des machines. Que nous sommes des personnes pures, à qui on demande de l'aide pour se libérer de nos soucis, et que nous stockons ces informations aisément dans l’énorme disque dur qu’est notre tête.

 Chez Psychal, l’idée serait d’être ce genre de psychologue. Des sortes d’anges gardiens. Des magiciens. Malheureusement, je ne suis pas de cet avis, et surtout, je ne suis pas ce genre de thérapeute.

 En fait, je serais plus de ces gens que l’on appelle « êtres humains déguisés en psychologues ». En effet, je ne suis pas capable de m’occuper de cas trop graves. Mon mental ne supporterait pas l’atrocité de leur situation, et mis à part me faire du mal, je n’aurais pas les capacités pour aider mon patient.

 Pour tout vous dire, je suis à la limite de me faire mettre à la porte par mon supérieur. C’est ce que m’a prouvé mon rendez-vous avec lui, il y a quelques minutes, où je me suis fais sermonner sur mon incompétence thérapeutique.

 Apparemment, le compagnon de la jeune femme s’est plaint à l’accueil. Mais ce n’est pas pour autant qu’il l’a retiré du programme ! Il veut qu’elle en fasse partie, qu’elle aille mieux. Surtout que Psychal est situé dans les prix les moins chers sur une séance, par rapport à une consultation classique. Je dois donc changer ma façon d’aborder cette jeune femme, et ne plus attendre qu’elle parle.

 Quoi qu’il en soit, je me retrouve exactement comme à la dernière séance avec Lyna, dans une ambiance pesante, calme, où l’analyse de mon environnement devient ma principale activité.

Je bloque. Comment aborder cette étrangère autrement qu’en lui parlant de son problème, en sachant qu’elle va rester muette ?

 Je repense à cette fameuse chaise noire sur laquelle elle s’est rassise. Et je me rends compte que dans mon bureau, il y en a une deuxième, au fond, près de la porte. Je me lève, remarquant la légère prise d’attention de la jeune femme à mes moindres gestes, et saisit la chaise par le dossier. Je me retrouve dans une proximité beaucoup moins importante qu’il y a quelques secondes, ce qui la fait réagir. Elle commence à gigoter.

 Je débute le dialogue en lui demandant son nom. Pour seule réponse, la jeune femme me jette un bref coup d’œil, et recommence à regarder le tableau en face d’elle. Je m’affale sur ma chaise, comme elle, et tente un ton détendu en avouant que ma question est débile, en sachant que j’ai lu son dossier.

 De temps en temps, au fur et à mesure de ma tirade, je gagne quelques coups d’œils en plus de sa part. Assez méfiants et peureux, mais je sens une légère progression. Même si son principal attrait est le fameux tableau.

 Je me souviens que la formation que j’ai suivie chez Psychal pour y entrer contenait des cours d’Histoire de l’Art, car son importance y est primordiale, et à cet instant, je me surprend à les remercier intérieurement, et commence un nouveau sujet de conversation.

 Je pose enfin mon regard sur le point culminant de l’attention de Lyna. C’est le fameux « Cri », de Edvard Munch, un tableau expressionniste, répandu mondialement.

 Il est vrai que ce tableau est étrange et que des âmes corrompues, ou en désaccord avec eux-mêmes pourraient y trouver des similitudes entre leur personne et l’oeuvre. L’artiste, lui-même, a puisé son inspiration dans sa vie personnelle, son ressenti, et l’a transposé en peinture. L’œuvre représente un personnage criard, dans des proportions exagérés, et dont la forme rend mal à l’aise. Sans parler de son environnement, principalement bleu et orange, qui a l’air d’enfouir son visage, de l’enfermer.

 Je me retourne vers la jeune femme, qui n’a pas bougé d’un poil. Je lui demande pourquoi elle regarde ce tableau, et la jeune femme me regarde dans les yeux, cette fois indécise. Elle ne sait pas et surtout, selon elle, elle ne le regardait pas vraiment.

 Je me redresse sur ma chaise, mes avant-bras sur les genoux et regarde Lyna dans les yeux. Je lui explique que dans l’art en général, que se soit en littérature, en musique, ou en peinture, on affectionne certaines œuvres plus que d’autres selon nos caractéristiques d’identification. Est-ce qu’elle se retrouve dans ce tableau ?

 À ces mots, Lyna fronce les sourcils, et baisse le regard. Elle ne sait toujours pas.

 « Pourquoi êtes-vous venu me voir ? Je tente, le tout pour le tout. »

 Lyna me regarde dans les yeux, qui commencent à briller. Elle lâche sa tête dans ses mains, et je vois des larmes perler entre ses doigts alors que quelques sanglots étouffés par ses paumes s’échappent. Je lui demande de m’expliquer ses problèmes de sommeils, raison de sa venue, écrite noir sur blanc sur son dossier.

 Lyna récupère un mouchoir de la boite posée sur la table, exprès, et se mouche discrètement, avant de respirer un grand coup.

 « Je tombe dans le vide… Commence-t-elle, d’une voix que je ne connaissais pas encore. »

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