Deuxième pas : Savoir que le monde n'obéit pas à mes désirs

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« Assumer son âge c'est, somme toute, du bon sens, mais après , quel est le deuxième pas ? »


Ta remarque est étrange, ami lecteur, car toi et moi nous évoluons dans le vide.

L'écriture invente un espace irréel, vierge ou saturé. Nous pourrions être dans un appartement parisien , dans le métro, sur mars, sur la banquise, dans une église, dans ….



« J'ai compris : Quel est le deuxième pas ? »


J 'y viens !

Si sortir de l'enfance est le premier pas, alors savoir que le monde n'obéit pas à mes désirs est le deuxième pas vers le bonheur .


Descartes a vu le problème :


« Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu'ils auraient été, si nous avions eu l'usage entier de notre raison des le point de notre naissance, et que nous n'eussions jamais été conduits que par elle «


Cette enfance est celle d'un préjugé, d'un désir : être le maître absolu, voir le monde, voir les hommes obéir à mes désirs.

Bien sûr, cela ne peut conduire qu'à des désillusions, des rancœurs, des haines : tout échec, toute confrontation avec le réel devient, totalement, insupportable.

La rage, le désespoir , l'amertume détruisent le bonheur , et la solution devient évidente:retrouver le bonheur du petit enfant qui, en toute bonne foi, croit que le monde obéit à ses désirs !



« Mais seule une minorité voit le monde ainsi ! »


Que nenni, ami lecteur, que nenni .

Des milliards d'hommes voient le monde ainsi, ils vivent dans l'illusion, leurs désirs transforment le réel , le déforme.

Cette illusion Freud lui donne un nom : l'illusion religieuse.


« Les idées religieuses, qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. «


L'enfant perdu dans un monde qu'il ne comprend pas, qu 'il ne maîtrise pas , se réfugie derrière un père protecteur.

Dieu créera un monde, après la mort conforme à nos désirs , un monde sans douleur, sans injustice, sans peur, et durant toute cette vie, il nous accordera sa protection divine.

Nombreux sont les hommes qui, grâce à la religion, vivent dans un monde merveilleux, un monde qui obéit à leurs désirs !


« Donc, pour vous, le bonheur passe par l'abandon de la religion ? »


Jeune, j'aurais répondu »oui » , et j'aurais proposé un ersatz : l'amour, la révolution.

Maintenant,je ne sais plus.


En effet, la perspective bouddhiste est intéressante : notre monde, celui que nous partageons, ami lecteur, serait lui même une illusion , le fruit de nos désirs.

Cela expliquerait l'absence de bonheur, la souffrance, la douleur , la haine, l'ignorance.

C' est assez crédible : un désir qui crée un monde, somme toute c'est l'idée même de Matrix, un monde imaginaire qui nous maintient, en vie par le désir .

Et même les machines finissent par désirer ( un lointain écho de Deleuze?) …



« Tuer le désir pour être heureux ? »


Et atteindre ainsi le Nirvana ?

Non, ce n'est pas du tout ma perspective, le désir est, bel et bien , l'essence de l'homme : nier, détruire cette essence est inhumain .


Mais ce désir n'est pas tout puissant : s'inventer un monde où le désir est roi, c'est rester un petit enfant.

Alors la vie ne peut être que souffrances et désillusions.

Je pense que, sincèrement, le désir adulte peut conduire un bonheur , un bonheur qui accepte de sortir de l'enfance, qui sait que le monde n'obéit pas à ses désirs, un bonheur adulte .



« Un bonheur triste ? »


Pas du tout, cher ami ! Ce qui est triste c'est de ne pouvoir être heureux qu'en déformant ,grossièrement, le monde autour de soi, qu'en refusant d'être ce que l'on est : un adulte.

Non , c'est plus le bonheur du sage spinoziste :


« C'est d'un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., dont chacun peut user sans faire tort à autrui. «


La tristesse , c'est au contraire, refuser ces plaisirs, ce bonheur simple, au nom d'un ascétisme , qui n'aime pas la vie !

Ce qui rend triste c'est de voir se fracasser toutes ses illusions contre un monde qui , à juste titre, ignore superbement nos désirs.



« Un bonheur lucide ? «


Exactement, un bonheur qui accepte de voir en face ce que l'on ne voit jamais en face : le soleil et la mort.

Pourtant, ce bonheur est loin , très loin d'être inaccessible, il demande , simplement , de changer son rapport aux hommes et au monde .

Mais nous devons , ensemble, encore avancer de quelques pas dans l'espace virtuel de nos pensées, avant de l 'évoquer …


Je suis désir

Tu es désir

Je le sais


Tu le sais

Mais ce désir

N est point réalité


Notre monde

Beau ou immonde

Ne nous obéit point


Ni aujourd hui

Ni demain

Nul enfer ni paradis


Juste cette vie

Et un bonheur lucide

Point de voyance


Extra lucide

Point de souffrances

Ni d illusions


Juste le frisson

De cette vie si douce

Si douce






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