Une mise à mort

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Éleuthère arrive dans les environs du village. La voyant revenir de la Cuve du diable, vacillante et courbée sur son bâton noueux, les quelques couche-tard qui la pensent sorcière et restent convaincus qu’elle se rend tout là-bas les soirs de pleine lune, pour jeter quelques sorts et implorer Satan de tourmenter les âmes ou de les emporter, se questionnent sur ses pratiques occultes. La peur au ventre et la rage au cœur, ils se demandent quelles personnes, quelles familles, quels voisins elle a bien pu maudire de sa bouche fielleuse, et redoutent d’être sa prochaine proie.

Beaucoup dans la bourgade sont de même pensée. Pour eux, Éleuthère est une mauvaise femme, jalouse, aigrie et diabolique. Ils la rendent responsable de leurs difficultés, mais selon qui ils sont et les épreuves vécues, ils la craignent comme la peste, l’évitent ou se moquent d’elle.

Éleuthère est fatiguée. Ce trajet à l’aveugle l’a éreintée. Les épaules cintrées et le dos arrondi, elle atteint sa chaumière et tourne la poignée. De sa main tremblotante, elle ouvre l’antique porte rongée d’intempéries, puis se cloître dans l’ombre jusqu’au lendemain soir.

À l’aube du jour d’après, au petit matin frileux, la maison d’Éleuthère s’éclaire d’une étrange clarté. Les lève-tôt lsont témoins du phénomène. Une surprenante lumière blanche enveloppe toute la masure et embrase les pièces. L’illumination ne dure guère plus de cinq minutes, mais le bruit que la sorcière préparerait quelque chose d’anormal se diffuse partout dans le village, comme une traînée de poudre.

Éleuthère est désignée coupable de sorcellerie. Sans qu’elle le sache, elle est condamnée à mort par les villageois réunis en comité spécial. Ils veulent l’empêcher de nuire une bonne fois pour toute et réfléchissent par quel moyen y parvenir. L’inquisition étant passée depuis longtemps, le bûcher n’est plus envisageable. À l’unanimité, ils décident donc d’imputer son décès à cette terre assassine, dénommée Cuve du diable.

Ainsi, à l’heure du souper, quatre hommes choisis par la communauté, laissent partir la vieille femme sur sa canne de bois. Puis, armés de leurs fourches pour pouvoir l’embrocher, ils prennent le même chemin un bon quart d’heure plus tard. Sur les lieux, ils se dissimulent derrière l’arbre chanteur qui sifflote en rafale un air de brise légère et attendent le moment propice pour passer à l’attaque.

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