31- Jusqu'au dernier

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Concentré, je ramasse toutes les armes qui peuvent m’être utiles avant de me hisser sur les toits des containers pour profiter d’une vue d’ensemble.

Je veux tenir ce dernier serment fait à moi-même, je resterai digne et fidèle à mes valeurs. Je resterai humain jusqu’au bout même si ce n’est important que pour moi, même si ça ne changera rien.

Quand je m’approche du bord, je découvre, sans surprise, l’équipe Océanie en mauvaise posture. Les deux titans les ont bloqués au bord du vide et se disputent des bouts de corps sanguinolents, tout en les empêchant de se dégager. Eva et un jeune homme ont dû se réfugier sur une poutre. À quelques mètres de là, j’aperçois les membres de l’équipe d’América, à l’entrée de leur container. L’air impavide, ils assistent à cela sans bouger un sourcil. Leur lâcheté et leur obéissance servile éveillent en moi des pulsions meurtrières, un désir d’extinction de ma propre espèce.

Ci-gît l’humanité !

Le hurlement et l’attaque désespérés de Wallis s’avançant bravement vers une mort certaine me ramène à ceux qui se battent encore.

Auraient-ils la même attitude qu’América, dans la situation inverse ?

Traversé par ces sombres réflexions, je vois un des monstres lâcher la jambe en charpie qu’il dégustait et se tourner vers Wallis. Dans un sifflement, il ouvre grand sa gueule.

Non ! Pas question que je laisse faire ça !

« Couche toi ! crié-je en sautant sur le dos de la bête. Je croise le regard jaune du prédateur avant de me trouver face au fourneau de sa gueule. Il souffle. J’échappe en partie à ses effluves meurtrières en me déportant sur le côté. Accroché à mon couteau planté dans son cuir, j'ignore la sensation d'embrasement de mon bras et réussis à à ne pas être désarçonner.

Pas envie d’encore jouer à la roulette russe avec les pattes d’un de ses monstres !

Je me redresse. Le monstre s’agite en tous sens pour me déloger. Les combattants d’Océanie n’ont pas bougé.

Qu’est-ce qu’ils foutent ?

Alors que, furieux, je donne de la voix pour qu’ils bougent, deux silhouettes planent au-dessus de moi. Ella, Feng et Ariel, synchrones, atterrissent de part et d’autre du monstre. Distrait, il cesse quelques secondes ses soubresauts infernaux. Il pousse un cri de douleur puis agite convulsivement son arrière-train. Jetant un coup d’œil, je découvre Yugo et William tailladant ses pattes arrière, à grands coups d’épée. Leur arrivée me réchauffe le cœur et me procure un regain de force.

Le monstre tourne la tête pour repérer ses assaillants. Je n’aurai pas deux fois une telle occasion. Plus déterminé que jamais, je bondis et plante mon couteau dans son oeil. Un liquide visqueux me coule sur les doigts tandis qu’il hurle et m’envoie valser d’un coup de museau. Je heurte le sol, le souffle coupé. Je me relève aussitôt pour y retourner. Yugo jette un regard alarmé derrière mon épaule.

  • Atten…

Je me retourne et ma plus longue lame finit sa course dans la gueule grande ouverte du monstre. Il laisse échapper un borborygme alors que je cours droit sur lui. Arrivé près de sa tête, je me laisse glisser sur le sol baigné de sang pour passer entre ses pattes. Au passage, j'en taillade une sur le point de m’écraser. J’enfonce mon poing dans sa zone sensible qui explose déversant une gerbe de sang jaunâtre. Je roule sur le côté et me relève aussitôt en dégainant une nouvelle lame. C’est inutile. L’œil du monstre agonisant se tourne vers moi. Nous échangeons un dernier regard. Il s’écroule, nouvelle victime de ce cirque macabre.

Un cri terrible fend l'atmosphère. Eva est debout, hébétée, telle une statue dont cascade un torrent de sang, tandis que le dernier monstre crache son bras comme un vulgaire cure-dents. Elle tombe, le visage face au ciel. Un œil fixé sur les combattants faisant cercle autour de lui, le prédateur lève la patte et écrase le corps de sa conquête. Un son plaintif et insoutenable emplit l’atmosphère alors que des craquements sinistres et spongieux accompagnent les chairs écrasées et les os broyés.

Il n’y a qu’une chose à faire. La plus difficile.

Je regarde mon arme et mon bras.

Je prends une grande inspiration et vise, en plein dans la carotide de la suppliciée. Ses yeux se révulsent. Elle ne bouge plus. Son calvaire est terminé.

Pas le nôtre.

Dans un bruit sourd, Yugo s’écroule, inanimé.

  • Yugo ! l’appelé-je en me précipitant vers lui.

Le dernier monstre m'a entendu et me suit des yeux. Wallis en profite et bondit sur lui en poussant un cri sauvage. Presque allongé sur son encolure, il l'étreint. Ses muscles bandés à l'extrême, il réussit à l’immobiliser quelques secondes. Cela suffit à Ariel pour passer dessous et lui porter, j’espère, le coup fatal. Le géant, dans un sursaut, projette Wallis dans les airs. Il atterrit à plat ventre au bord de la fosse, les jambes dans le vide. William le rejoint aussitôt et l'empêche de basculer.

Le dernier géant s'écroule. C'est fini.

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