16 - Cauchemar

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Depuis quelques semaines, j’avais un travail monstre. Un nouveau projet très ambitieux et de nombreux déplacements occupaient toutes mes journées. Cela m’avait permis de m’éloigner de l’irrésistible Quentin et de ses désirs toujours plus délirants.

Cependant, lui ne souhaitait pas se faire oublier. Il m’inondait de messages et de mails qui défilaient toute la journée sous forme de notifications sur mon mobile. Même, si j’avais renoncé peu à peu à les ouvrir, les titres de ses missives étaient suffisamment évocateurs pour que je me doute de leur contenu. Lui et encore lui. Dans des positions soumises dans la majorité des cas. Lui nu dans des lieux improbables. Lui toujours plus prêt à tout pour que je lui donne un peu de mon attention.

Quentin savait que sa soumission me rendait folle. « Je t’appartiens » me criait-il à longueur de SMS ou de messages vocaux. J’envisageais de bloquer son numéro, mais je me ravisai. Cela le rendrait encore plus dément qu’il ne l’était déjà. Après mes semaines de boulot épuisantes, j’essayais de récupérer le week end, mais Quentin revenait toujours à la charge et me suppliait de le revoir.

A bout de nerf, je le convoquai un dimanche dans un lieu public. Il arriva tout joyeux et toujours admirablement beau, même si je notai quelques cernes sous ses jolis yeux. Il attaqua tout de go, à peine assis :

- Julia, tu ne peux pas me repousser comme ça ! Je sais que tu m’aimes. Je suis à toi. Je ferai tout ce que tu voudras. Laisse moi juste passer un moment près de toi.

A l’instant, il se jeta à mes pieds, perdant toute notion de l’endroit où il était. Perdant toute dignité.

- Lève toi ! N’as-tu pas la moindre fierté ? Lui soufflai-je d’une voix étouffée.

Il se releva et je plongeai mon regard sombre dans ses sublimes yeux de chien battu. J’enchainai avec fermeté :

- Tu ne peux pas me harceler comme tu le fais !

Je le voyais nerveux, tentant de se justifier :

- Je ne dors plus depuis des jours. Je ne pense qu’à toi. Je n’arrive plus à travailler. Mon boss m’a menacé de me virer si je ne me reprends pas. Axel ne répond plus à mes messages non plus. Je me sens sombrer de plus en plus chaque jour sans toi. Je t’en supplie. Fais de moi ce que tu veux! Frappe moi, humilie moi, je t’appartiens corps et âme.

- Quentin, tu dois te faire aider. Ce jeu de domination tourne à la folie pour toi. Nous sommes toxiques l’un pour l’autre. Il faut arrêter ça à tout prix ! Lui murmurai-je d’un ton plus doux.

- Non! Me rétorqua-t-il à haute voix.

Ce qui fit se retourner les clients du bar. Puis, il continua à voix basse :

- Je sais ce que tu veux. Viens chez moi et tu l’auras !

Je me levai et réglai l’addition :

- Je ne veux plus rien de toi. Si ce n’est que tu me laisses tranquille !

Je tournai alors les talons et sortis du bar, bientôt rejointe par mon pot de colle de soumis :

- Ok, ok. Alors, juste une dernière fois. Pour nos adieux.

Tout d’un coup, il avait comme l’air d’avoir repris ses esprits. Je hochai la tête en signe d’accord, même si je le regrettai la seconde d’après. Mais, il fallait que je solde cette relation. Et, comme à mon habitude, j’étais plus que mauvaise dans les ruptures.

Je le suivis jusqu’à son appartement qui se trouvait à deux pas. Là, j’hésitai avant d’entrer, mais je ne pouvais plus reculer. Il me fit m’installer dans le salon avant de me servir un verre de vin et de s'exclipser. Les lieux étaient agréables et climatisés, ce qui tranchait avec la chaleur insoutenable de l’extérieur. Bientôt, il revint totalement nu accompagné d’un homme inconnu tout aussi dénudé.

- Voici Lucas, un ami rencontré sur internet. Il est d’accord pour me baiser comme une grosse chienne !

Je me pris la tête songeant qu’il avait totalement perdu la sienne. Mais, J’espérais que cette épreuve serait la dernière. Je lui fis signe de s'exécuter.

Il tomba aux pieds de l’inconnu et commença à le prendre dans la bouche. Le type, un trentenaire au crâne rasé, n’était pas franchement beau, mais il avait un joli corps plutôt bien musclé. Ce dernier soupirait de plaisir tout en me jetant des coups d’oeil de coin. Je voyais bien que la situation l’excitait. Et, il était bien le seul dans la pièce. Peu après, alors que son membre était suffisamment ferme, il poussa brutalement Quentin contre le dossier d’un fauteuil, le bâillonna et lui attacha les mains dans le dos. Puis, tout en lui tirant les cheveux en arrière, il le pénétra sans ménagement. J’étais partagée entre l’admiration de la beauté de ces deux corps en mouvement et la culpabilité de penser que c’était à cause de moi qu’il faisait tout ça. L’homme haletait entre deux injures et frappes sur les fesses de la chose qu’il avait à sa merci. Quentin, quant à lui, se tordait de douleur et je voyais des larmes couler sur ses joues pendant qu’il me lançait des regards désespérés.

Tandis que l’inconnu labourait toujours plus violemment mon soumis, je me levai et m’approchai de ce dernier. Je pris sa tête en sueur entre mes mains et y déposai un baiser sur son front humide :

- Merci pour ce spectacle sublime, mais je dois y aller. Adieu !

Je m’éloignai laissant l’homme terminer son ouvrage sous les cris étouffés de Quentin. Ce dernier avait définitivement sombré du côté obscur, mais je n’avais pas l’intention de l’y accompagner.

Alors que j’étais en bas de l’immeuble, une fenêtre s’ouvrit soudain et j'entendis la voix de Quentin hurler :

- Julia ! Je t’appartiens, je t’appartiens !

Dans la torpeur dominicale, ses cris résonnèrent dans tout le quartier engourdi. Ce cri, comme primal dans son intensité, me donna des frissons. Mais, je poursuivis mon chemin sans me retourner. Tremblante sur mes jambes, je tournai dans la première rue croisée avant de m’adosser contre un mur. Le jeu de l’ombre avait tourné au cauchemar et je ne savais plus comment en sortir.

Arrivée chez moi, je bloquai immédiatement le numéro de Quentin et fourrai quelques vêtements dans un grand sac. Je décidai de disparaître quelque temps, espérant que Quentin abandonne. Je constatais qu'il n’était pas aussi facile de se débarrasser de quelqu’un dans la réalité que dans le virtuel. Puis, je contactai Axel pour lui demander d’aider son ami à décrocher de son addiction pour moi. Le jeune homme commença par m’injurier copieusement avant de me promettre de s’occuper en urgence de son meilleur ami.

Il était vrai que j’avais fichu un bazar incroyable dans la vie de ces deux garçons. Seulement, je n’étais pas douée pour les relations humaines, ni pour les relations tout court. J’étais nuisible. Voilà tout. Une période de solitude uniquement concentrée sur mon travail m’éloignerait de toute tentation néfaste pour autrui. Il fallait que je chasse le monstre en moi en l’affamant au lieu de l’alimenter en permanence. Cependant, comme dans tout régime, je savais que l’abandon de l’abstinence risquait un jour de produire l’effet contraire. Mais, je devais tenter l'expérience. Je n’avais plus le choix.

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