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Mai 1976

« Le cauchemar continue. » L’expression barbote sur toutes les bouches.

En public, on murmure, ou l’on se tait, car il y a la peur, la peur qui s’installe, sournoise et épaisse. La méfiance aussi. Que se passe-t-il ? Le Beau Thierry a disparu. Un dimanche soir, une des premières douces journées de mai. Fais ce qu’il te plaît. Chantal Faure l’attendait chez ses parents vers dix-sept heures pour rentrer sur Bruxelles. Le covoiturage habituel. Ils s’étaient quittés la veille après une agréable soirée au café. Pour une fois, personne n’avait envie d’aller en discothèque. Ils avaient tous joué aux cartes, s’étaient dit que ce n’était pas plus mal. Le Docteur Francis et sa jeune épouse Bernadette n’étaient pas venus. De jeunes mariés ont besoin d’intimité, répétait-on en ricanant. Cela faisait fort rire d’imaginer ces deux-là au lit.

Chantal est nettement plus ébranlée par cette disparition que par les deux précédentes. Le nombre, mais pas seulement. Elle se rappelle le trajet de l’avant-veille, vendredi. Avec un air mi-sérieux, mi-moqueur, le jeune candidat sous-officier gendarme lui avait annoncé, tenir sa petite idée sur qui pourrait être derrière tout cela, mais avait ajouté qu’il préférait la garder pour lui, pour le moment, pour être sûr. Chantal ne peut rien rapporter de plus aux policiers chargés de l’enquête. La voiture est retrouvée rapidement, deux jours plus tard, le mardi, en Belgique, pas loin de Baulà. Cela change.

Pour la première fois, Chantal est inquiète. Vraiment inquiète. Complètement inquiète. Cela lui va d’ailleurs bien, les cernes noirs sous ses yeux trop bleus. Elle reste toute la semaine chez ses parents. La journée, elle rejoint Francis, Bernadette, Fernand, le Gros Michel et d’autres qui enfilent les heures et les bières entre supputations et effroi, une bonne dose de colère, des larmes, super cocktail. On soupçonne de plus en plus la bande des Algériens de Revin, des bougnouls prêts à tout pour venger leur soi-disant honneur, des profiteurs, des charognes, des tueurs. C’est vrai que l’on s’était bien foutu de leur gueule l’été passé. C’est n’importe quoi, s’insurge Chantal. Mais Bernadette est convaincue, elle le répète, c’est par là qu’on a retrouvé les voitures les deux premières fois, ces gens-là ne raisonnent pas comme nous, ce sont des. Francis lui dit de se calmer, on a aucune preuve. Elle pince la bouche, la pince fort, encore plus fort, puis se tait.

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