De Cette à Toulouse (4ème partie)

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De Cette à Toulouse

4ème partie

Ces jours à saint chiant

Comme les jours précédents, le soleil frappe fort. Nous sommes début septembre. Les vendanges, heureusement, ont eu lieu une semaine plus tôt juste avant le désastre.

Comme nous traversons un relief plus accidenté nous affrontons des routes traversée par des coulées de boue. Quelques vignes, que mon père qualifie de centenaires sont souillées par le limon. De nombreuse branches, arrachées par le vent et emportées par la pluie torrentielle, sont échouées, là, contre le flanc de la colline ou là, en contrebas de la route, encombrant les ravins que nous suivons maintenant. La route s'élève et la douleur dans les jambes redevient lancinante.

Mon père me traîne, une fois de plus il me demande si je veux qu’il me prenne sur ses épaules une fois de plus je refuse. Au bout de quelques kilomètres, il insiste, argumentant qu’il faut éviter la nuit était.

Des bruits de sabots résonnent derrière nous. Un vieux cheval de trait tire une charrette chargée de barriques qui ballotent au gré des trous qui jonchent la route et font le bruit de cloches fendues.

Un homme hors d’âge semble s’ennuyer énormément assis sur une planche qui lui sert de siège.

L’attelage nous dépasse, puis s’arrête un peu plus loin, sur un replat qu’offre la côte, sans doute pour faire reposer la pauvre bête qui devait ne plus en pouvoir.

Nous le dépassons, le conducteur interpelle mon père.

- Vous allez loin ?

- Saint-Chinian. Répond mon père

- C’est là que je vais. répond l’ancien. Vous semblez costaud. Si vous voulais bien m’aider à décharger, je vous conduis jusque-là.

- Affaire conclue.

Je me retrouvais coincé entre mon père et le vieux bonhomme qui transpire le vin.

On arrive en haut de ce que l’on pourrait appeler un col, le monde change.

Plus de garrigue mais des arbustes aux feuilles vertes tendre, les d’arbres rabougris font place à des chênes magnifiques. Le ciel paraît moins lumineux mais les collines au loin ravissent le regard, le dessin des sommets faisait penser à une femme couchée, en bas dans la vallée le clocher d’une église.

- Saint-Chinian. Dit le vieux

- Vous nous faites gagner beaucoup de temps et épargner bien de la fatigue. Dit mon père.

- Pour le temps je te contrarie pas, quant à la fatigue attends d’avoir rempli ta part du marché pour être aussi affirmatif.

- Je parlais pour le petit. Rétorque mon père en lui rendant son rire.

Plus nous descendons, mieux nous découvrons la vallée. Le village que nous surplombons est cerné par les vignes dans lesquelles de nombreux vendangeurs, cassés en deux, sécatent les grappes.

- Les vendanges ne sont pas terminées ?

-Il y a toujours une ou deux semaines d'écart avec le bord de mer.

- Vous n’avez pas été touché par la tempête ici ?

- Un peu quand même, de grosses pluie et des bourrasques de vent mais tout va bien. Pas comme il y a deux ans où tout avait été noyé.

- Vous faites souvent le voyage pour aller chercher les tonneaux ?

- Trop souvent, mais je ne vais pas les chercher. Je les ramène, Y faut bien vendre.

- Je comprends que ce ne doit pas être facile. La pauvre bête avait l’air à bout de force en haut du passage.

- Il est brave mais il est comme moi il se fait vieux.

La brise dans les arbres, le chant des cigales et le bruit des sabots du vieux cheval nous accompagnent jusqu’au village.

Le bourg est en effervescence, les vendanges battent leur plein et j’ai l’impression que les gens courent dans tous les sens, affolés par je ne sais quel démon. Ce qui ne les empêchent pas de nous regarder comme des bête curieuses.

- Pourquoi les gens nous regardent ainsi ? demande mon père au vieil homme.

- La plupart d’entre eux ne sont jamais sortis de leur village, à peine qu’ils se rendent à la fête du village voisin. T’as vu la route qui vient de Bézier ?

- Oui !

- Pas facile, comme tu dis.

- En effet.

- Et bien, en allant vers l’Ouest, il y a Saint-Pons. Et Saint-Pons à deux inconvénients.

Silence…

Mon père fixe un endroit de la rue.

Le vieux à l'air vexé

- Tu veux pas savoir lesquels ?

- SI, si, bien sûr. Excusez-moi ! J’étais un peu distrait.

Le vieux regarde dans la même direction, j’en fais autant.

Rien ne me parait anormal.

Une jeune femme, bien habillée, un panier sur le bras laissant apparaître quelques fleurs, sourit à mon père.

“Je ne savais pas que papa aimait les fleurs.”

Je la regarde plus attentivement, elle ressemble à ma mère. Je ne peux détacher mon regard

- Vous disiez ? Demande mon père.

- Rien je vois que ma conversation t’ennuis et que tu préfères te consacrer à la première donzelle qui passe. Saches, au cas où tu la croiserais de nouveau, que c’est la femme du maire qui est également mon patron.

- Encore désolé, vous vous méprenez. Elle me rappelle juste quelqu’un. Vous me parliez de Saint-Pons.

Comme je me contorsionne toujours pour ne pas perdre de vue la jeune femme. Le bonhomme me dit

- Les fantômes n’existent que dans les rêves. Il y en a des gentils et des méchants. Chasses les méchants, bénis les gentils mais n’essaye pas de les rendre vivants ou plus jamais tu ne seras heureux.

À ses regards, le message s’adresse à nous deux.

- Bon où est-ce que j’en était. Continue-t-il. Ah oui ! Saint-Pons, les deux défauts. Le premier c’est la route Pentue et inquiétante. Certain prétende qu’il y aurait des loups, D’autres qu’un peuple étrange enlèverait ceux qui oserait s’y aventurer la nuit. Ce ne sont que balourdises (sauf pour les loups peut-être). La deuxième, C’est que même si c’est encore l’Hérault, ils ne vivent pas comme nous, ils sont jaloux de nos vignes, chez eux il fait froid, chez eux il n’y a que les vaches qui poussent. La plupart sont t huguenots, Bref ils nous aiment pas.

- Et vous leurs rendez bien. Ironise mon père

Sans doute courroucé, il ne nous adresse plus la parole

On arrive dans une propriété magnifique.

Nous venons de passer une haute porte en fer forgé, le vieux s'est arrêtée près d'un bâtiment qui doit être le chais, des dizaines de tonneaux sont alignés.

Sans rien se dire les deux hommes se mettent au déchargement des fûts et les font rouler pour qu'ils rejoignent les autres.

Moi, je suis resté assis,d'abord pour ne pas gêner ensuite pour mieux regarder.

La demeure semble immense. Elle est dominée par une tour carrée percée d'innombrables fenêtres. La bâtisse par elle même n'a pas pas de fioriture mais est agrémentée de dix porte-fenêtres donnant sur la terrasse qui pourrait contenir mille invités. À chaque coin de celle-ci dans de gigantesques pots, des oliviers centenaires. Une cour couverte de gravier d'un blanc éblouissant duquel aucune herbe dépasse. Des statues venues de l'antiquité de Sparte ou de Rome, Quelques fleurs, non ! Beaucoup de fleurs de toute sorte de toutes les couleurs et bien sûr le plus beau d'un pourpre des plus profond pareil à Roméo suspendu au balcon, le bougainvillier. Je reste un peu troublé à regarder une grâce dénudée.

Mon père m'interpelle en riant :

- Arrête de te rincer l'oeil, c'est pas de ton âge. Descends plutôt pour nous rejoindre. Le propriétaire m'a proposé un travail pour quelques jours. Il se trouve que c'est la personne à qui la vieille dame m'a dit de m'adresser. T'as d'la chance, il veut bien de toi. Je commence demain, rejoignons les dortoirs, il y a de quoi se laver et assez de place pour pouvoir s'y reposer avant le repas de ce soir.

Nous nous rendons dans un bâtiment proche.

Une immense pièce où s'alignent des lits, une autre plus petite qui sert de salle à manger et de cuisine à côté du dortoir une dernière avec quelques pierres pour se laver et une pompe pour prendre de l’eau.

nous trouvons deux lits qui semblent n’attendre personne, on s’y allonge, je m'endors.

Des bruits joyeux me réveillent, ceux sont les saisonniers qui reviennent de la vigne.-t-il

Je vois mon père qui fait connaissance et qui parfois me désigne de la tête.

  • Vas donc voir si tu ne peux pas te rendre utile dehors, me lance-t-il. Les femmes préparent des grillades.
  • J’y v ais !

Je saute du lit et je sors.

Le feu crépite, les vendangeuses n'adoptent. Pendant le repas je voyage de genoux en genoux.

Les hommes veulent que je goûte au vin, mon père refuse.

On m’en donne en cachette.

La soirée se dirige vers des rires et des chansons, je m’écroule sur un banc pour échapper aux murs qui veulent me broyer et aux lampions qui tournent autour de moi. Quand mon père me réveille, des farfadets, déchaînés, continuent à prendre ma tête pour la place du village une nuit de Saint Patrick.

- Ça va ? Me demande-t-il.

- Tout va bien !

Je sais qu’il n’en croit pas un mot.

Mon père travaille dans la vigne.

Pendant ce temps, je coure à travers les rangées de ceps, toujours une grappe de raisin dans la main, le visage et les mains colorés par le jus des grains généreux.

Le jour de notre départ, toutes les femmes qui se trouvent là m’embrassent.

Je jette un dernier coup d’oeil à ma statue préférée et nous partons

La veille, mon père a été chaleureusement remercié pour le travail accompli entre autre par la femme du maire.... Avec qui je l’ai vu se retirer je ne sais où alors que le patron, bien éméché, finissait de fêter des vendanges exceptionnelles en compagnie des ouvriers.

Les histoires de loups et de monstres me travaillent.

Une boule au ventre que je m’accroche à la main du paternel pour faire la route jusqu’à Saint- Pons entre gorges et surplombs.

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