LA FOURBERIE DU MARIN

D’abord, gentiment, il joue avec les vagues, invitant à danser la tranquille demoiselle qui depuis de longs mois s’ennuyait de l’attendre.

Délicatement, il lui offre la chaleur de son souffle.

Coquette, elle feint de l’ignorer, elle fait celle qui boude d’avoir été abandonnée.

A force de caresse l’objection s’évanesce.

Celui qui vient de l’Est augmente la cadence.

Sentant qu’elle perd la tête, il se fait plus brutal.

La belle bleue est conquise, alors elle lui cède.

Gagnée par la folie, elle s’offre à lui comme le ferait l’ingénue.

Le marin la soulève.

Terminé les mots sucrés et la danse chaloupée.

Il la prend, la balance contre les terres.

La belle insoumise se relève, l’embrasse, se liane autour de lui.

leurs corps se font tornade, ouragan, tsunami.

Le ciel bleu, son ami, a battu en retraite devant les noirs alliés que le monstre a amenés.

Les fleuves nourriciers, sous les coups de boutoir, reculent dans les terres.

Les nuages se gavent des vapeurs qui naissent des ébats amoureux avant d’aller vomir, dans un bruit de tonnerre, sur la montagne noire.

Et puis, ils recommencent encore et encore jusqu’à ce que leur maître, épuisé ou lassé, s’en aille voir ailleurs sans même se retourner.

Le calme revenu, les flots reprennent leurs esprits.

Un léger vent du nord chasse la horde qui laisse derrière elle des terres dévastées

que les hommes mettront des mois à redresser.

Au passage le furieux affamé se nourrit de quelques naufragés.

Il faut être étranger pour vouloir comparer celle qui s’impatiente à une mare aux canards.