16. La recherche (Kol')

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Kolrarid se retrouvait dans un souterrain des plus froides, les mains attachées dans le dos, ainsi que la vue complètement occultée par un bandeau posé sur son visage. Il connaissait pourtant parfaitement les lieux. Les autres croyaient quoi ? Qu’il avait oublié où il avait vécu la plus grande partie de sa vie ? Quels crétins.

Se laissant guider, on finit par le forcer à se mettre à genoux par terre. Il détestait tellement ce geste de soumission qu’il ne put s’empêcher de grimacer face à ce cérémonial trop pompeux. C’était quelque chose que les anges et les démons avaient en commun, la cérémonie…

— Ah… Tu es enfin de retour. Je suis tellement heureux, lança une voix qui le fit frémir d’un seul coup.

Il connaissait parfaitement cette voix. Comme tous démons qui se respectent. La voix de leur père. Lucifer. L’étoile du matin, devenu déchu après avoir trahi son créateur. Son bandeau tomba, sentant alors une caresse des plus douce sur son visage. Un doigt glissant sous son menton pour l’obliger à le relever. Il pouvait alors voir devant lui le souverain des enfers. Lucifer, avait de longs cheveux roux feu lui tombant dans le dos, des yeux d’un gris perle ainsi que deux grandes ailes noir onyx dans son dos. Des ailes aussi noires que celles de Camille.

— Kolrarid… Tu m’as tellement manqué. Comment se porte mon préféré ? minauda alors le souverain.

— Tu parles comme ses anges… Je croyais que tu n’étais pas ton père. Tu nommes officiellement que je suis ton préféré ?

Kol' avait volontairement répondu sans aucune forme de docilité. Ce qui solda son acte par une gifle si puissante qu’elle le fit tomber à la renverse, un filet de sang coulant au coin de sa bouche. Alors, le déchu millénaire l’attrapa par la gorge pour venir lécher le sang d’un air malicieux.

— Huhu… Tu étais bien plus docile autrefois, mon mignon… Mais bon, on va avoir le temps de refaire ton éducation…

Il le lâcha et des démons vinrent le prendre par les bras.

— Comment ça ? demanda le démon aux yeux rouges, l’air totalement ahuri soudainement. Tu ne vas ni m’emprisonner, ni me torturer ou même me tuer ?…

— Tu me crois si cruel ? Pourtant… J’aime mes enfants et puis… On m’a dit que j’avais interdiction de te tuer. Même si je n’ai aucun ordre à recevoir de ses remplumés d’anges à la noix…

Il s’approcha à nouveau de lui, passant un ongle acéré sur la gorge du brun, un sourire pervers sur ses lèvres fines.

— Non… Tu vas avoir la punition que tu redoutais tant… Tu vas devenir mon petit chien… Tu resteras attaché dans mes appartements et tu m’obéiras au doigt et à l’œil… Je t’assure… On a tout notre temps pour refaire ton éducation…

Lucifer gloussa et en un claquement de doigts, Kolrarid se retrouva traîné dans les souterrains pour être amené dans les appartements du souverain de tous les démons.

**

Des bruits de pas et d’autres appareils lourds roulant sur le sol se firent entendre. Kolrarid se passa une main dans les cheveux inconsciemment en gémissant.

**

Il était enfermé dans cette chambre depuis on ne sait combien de temps. Depuis Ténébrays, il avait complètement perdu la notion du temps. Et il fallait le dire, devenir le toutou chéri de Lucifer n’aidait en rien. Justement, c’était encore pire. Autant sur la Terre, il avait les levers de soleil pour se dire qu’il était en journée. En enfer… Il n’y avait aucune fenêtre, seulement des souterrains.

Kolrarid était alors assis sur le confortable et aussi touffu qu’une plume de son nouveau maître, un collier large en cuir autour du cou et celui-ci relié à une longue chaîne fine en métal. Il aurait pu facilement la briser, si des démons ne venaient pas régulièrement lui injecter des doses d’eau bénite… Pas aussi importante qu’avec son ancien ami, car il fallait qu’il soit conscient, mais assez pour qu’il soit un tout petit peu dans le brouillard et sans aucune force réelle. Il était vêtu d’un vêtement fluide et transparent, lui donnant l’air attirant au possible. Oui, il était littéralement la pute de Lucifer.

Et ce n’était pas une position des plus enviables en réalité. Même le sexe. Le sexe avec Lucifer était une véritable torture. Une souffrance perpétuelle. Il n’était qu’un enfant trop gâté et prétentieux. Alors pendant l’acte, Kolrarid ne pouvait s’empêcher de hurler sous les coups et les lacérations qu’il lui faisait avec ses ongles, qui n’étaient en aucun cas des petites griffures… Il mettait bien plusieurs heures à se régénérer.

Il y avait aussi une autre forme de torture. Une qu’il détestait. Le rouquin appelait cela son « dressage ». Il faisait amener des nouvelles âmes humaines fraîchement débarquées en enfer, elles n’avaient toujours pas été jugées aptes à devenir des démons ou bien à servir de repas au souverain. C’était alors la tâche de Kolrarid. Déterminé si cette âme humaine, qui était sans doute le prix à payer pour avoir passé un pacte avec un démon sur Terre, allait renaître en démon ou bien être dévorée. Surtout que le fait d’être dévoré ne promettait pas une mort des plus douce. Au contraire, elle était atrocement douloureuse.

C’était ce qu’il détestait le plus. Un travail de démon. Autant, la passation de contrat, ça pouvait aller… Autant ça… C’était une véritable torture… Se servir de son pouvoir de lire dans les pensées des humains pour découvrir leurs plus noirs secrets… C’était impossible pour lui. Sauf… Qu’il n’avait plus aucun choix. Lucifer était toujours assis dans son dos dans ces moments-là. Il le tenait à la gorge, et enfonçait petit à petit ses ongles dans sa gorge pour lui ôter la possibilité de respirer convenablement. À d’autres moments, il changeait de méthodes, en lui arrachant simplement les ongles, ou bien en passant sa main dans sa poitrine, sans frémir et en serrant son cœur pour qu’il soit à la limite de s’arrêter.

Kolrarid savait bien que même si les anges refusaient qu’il meure, Lucifer était des plus instables et pouvait clairement le tuer par pur plaisir ou déception. Alors, le brun, résigné et les yeux bas, fermait les yeux et activait son pouvoir. Cela n’était douloureux pour personne. Sauf pour lui, qui souffrait de pénétrer ainsi dans l’intimité des autres, alors qu’autour de lui, tous trouvaient cela des plus délectable et amusant…

**

— Monsieur ? Monsieur ? Réveillez-vous… Vous m’entendez ?… Votre montre sonne… Monsieur ?… Disait alors une voix lointaine, qui se rapprochait de plus en plus.

Soudainement, Kolrarid s’éveilla en sursaut. Se redressant violemment, en hurlant presque, les yeux écarquillés, regardant autour de lui pour se rendre compte d’où il était. L’homme près de lui, voyant qu’il était enfin réveillé, le laissa. Il mit quelques longues secondes à calmer le rythme cardiaque effréné de son cœur. Venant de faire un cauchemar, un affreux cauchemar. Sur son passé.

Kolrarid était resté onze ans en enfer. Ce n’était pas rien, cela laissait pas mal de séquelles, surtout quand on était sous le joug direct du souverain démoniaque, qui même s’il disait aimer le démon aux yeux rouges, ne pouvait s’empêcher de s’amuser à le voir souffrir. Ce n’était pas ça l’amour. Ce que ressentait Lucifer était malsain. L’amour… C’était quelque chose de pur, comme Camille pouvait l’avoir été avec lui. Mais tout ceci était loin à présent, très loin. Même si pour Kol' c’était comme si c’était hier.

Il n’y avait à peine quelques moins qu’il avait pu s’échapper de l’enfer, avec l’aide d’un de ses amis avec qui il avait grandi. Heureusement qu’il avait toujours quelques camarades fidèles en bas. Depuis son retour sur Terre, il n’avait pas chômé. Il se cachait des autres démons. Ayant gardé son ancien appartement, sans y habiter, car on l’aurait tout de suite cherché là-bas. Cependant, il y allait de temps à autre, pour changer de planque. Au cas où. Il avait aussi trouvé un emploi d’archiviste aux archives nationales de la ville. Emploi des plus utiles pour la tâche qu’il avait entrepris.

Il fallait absolument qu’il retrouve Camille. Son ange, la seconde partie de son cœur et de son âme. Celui qui le complétait. Comme il savait qu’il avait recommencé un cycle humain, il cherchait dans les archives des naissances et même de la ville tout entière. Mais n’avait rien trouvé. Alors, il avait fini par faire une liste de chaque ville de la Terre entière. C’était ambitieux, mais il lui fallait un plan après tout. Il ne savait pas vraiment ou avait pu recommencer le cycle de son ange… Et alors, il cherchait ville par ville. Heureusement, être archiviste lui donnait des contacts et des facilités que l’humain lambda n’avait pas. Pourtant, il n’avait toujours rien trouvé.

Il avait fini par s’endormir de fatigue. Et sa montre avait sonné. Dix-huit heures. La fin de son service. Le soir, il n’y avait jamais grand monde qui avait besoin d’aide, alors il reprenait ses propres recherches. Sauf qu’il avait fini par sombrer. Cauchemardant, comme toutes les nuits depuis son retour… Les bras de Camille lui manquaient tellement…

Il se leva pour finir de ranger et ferma le bâtiment, il s’arrêta devant le miroir du hall d’entrée. Son reflet renvoyant alors l’image d’un garçon fin et séduisant, aux yeux rouges et aux cheveux d’un blanc neige. Il s’était décoloré pour être moins simple à reconnaître par les autres démons en ville. De plus, en mettant des vêtements trop grands et un nombre de couches supplémentaires, en plus de lunettes noires, il pouvait clairement se faire passer pour un petit papy se rendant aux archives ou au parc pour donner à manger aux oiseaux… Un petit plus, non négligeable. Sauf ce soir, il était vêtu d’un pantalon gris élimé et d’un haut en résille, avec une veste en cuir. Il n’allait pas non plus passer pour un petit vieux tous les jours de la semaine…

Rentrant, il avait les mains dans les poches, regardant le ciel déclinant petit à petit. C’était un des jours où il allait se rendre dans son ancien appartement. Prenant une cigarette noire à la cerise qu’il glissa entre ses lèvres, il l’alluma et fini par montée les escaliers de son immeuble. Arrivant à son étage, il vit des pieds près de sa porte d’entrée, vu qu’il regardait par terre. Grognant doucement, ayant peur qu’il s’agisse d’un groupe de démon patrouilleurs, il fit comme si de rien n’était.

— Poussez-vous les mecs ! Dégagez, c’est chez moi ici ! Je veux pas d’aspirateur ni même votre bible de merde ! Allez faire du porte-à-porte ailleurs !

Passant devant eux, il ouvrit sa porte hâtivement pour se retourner et leur claquer la porte au nez une fois chez lui. Sauf que quelque chose d’étrange se passa. Il s’était arrêté net, la main tenant toujours la poignée de la porte fermement. L’un des garçons… Il ne l’avait pas vraiment bien vu… Mais… Cette sensation… C’était comme si… comme ce que dégageait Camille en tant qu’ange… Ce n’était pas possible, il fallait qu’il en ait le cœur net. Rouvrant alors la porte, les garçons n’avaient même pas eu le temps de bouger.

— Euh… Excusez-moi, mais vous avez dit que vous vous appeliez comment déjà ?

Tactique pour les faire parler… Alors, il posa ses yeux rouges sur les deux. Mais était étrangement plus attiré par celui avec les cheveux et les yeux châtain. Il ne ressemblait pas à Camille, enfin… Sauf cette couleur si particulière qu’il avait dans les yeux et qui colorait ses cheveux. C’était si troublant, car il voyait un inconnu, mais… Il aurait juré qu’il s’agissait de Camille…

— Vous vouliez me parler de quelque chose en particulier ?… Vous pouvez entrer, je peux aller faire… Du café… Ou du thé, si vous préférez…

Il fallait absolument qu’il retienne les deux garçons et qu’il obtienne le nom de celui qui l’intéressait… Absolument.

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