14.L'eau bénite(Kol')

8 minutes de lecture

Le démon aux yeux jaunes ne put s’empêcher d’afficher un sourire sadique et victorieux face à son ancien ami inconscient sur le canapé. Il avait enfin eu ce qu’il voulait depuis tant d’années. La victoire sur Kolrarid après ce qu’il lui avait fait. La trahison qu’il avait provoquée. Cela pouvait semblait insignifiant pour beaucoup, mais pas pour Ténébrays. Celui-ci était aussi vaniteux que Lucifer et cherchait presque à le détrôner. Pour cela, il aimait être pris en modèle, qu’on soit à son service… Comme l’avait été Kolrarid, mais il avait fini par le quitter, sans même une explication.

Cette pensée le fit d’ailleurs grogner d’indignation. Alors, son crâne se mit à onduler doucement pour faire apparaître des cornes, ressemblant à celles d’un bélier, sur sa tête. Il s’agissait en partie de son apparence démoniaque. Contrairement à son prisonnier, il pouvait, comme tous les autres démons, modifier son apparence à volonté. Cela étant fait pour terroriser les humains…

L’inconscient fut transporté dans sa chambre, puis il finit par s’allonger à ses côtés. Lui caressant avec une douceur étrange, le visage et les cheveux, il n’avait pas fait ça depuis si longtemps… C’est alors que son nouveau jouet ouvrit les yeux, papillonnants et gémissants de douleur. Le coup que Pierre lui avait porté avait été très violent.

— Hum…

— Tu as très mal, mon petit Kol' adoré ? demanda Ténébrays, la voix mielleuse.

— Mouais… Pierre m’a fracassé… Mais toi… Tu vas bien Camille ?

À ses mots, le bourreau ne put qu’éclater d’un rire froid et diabolique alors que Kolrarid ouvrait les yeux, choqué d’entendre cette voix et surtout… Se rappelant d’un seul coup la scène qui s’était déroulée devant ses yeux auparavant.

— Camille…

Il choisit de se lever avec violence, malheureusement, son corps était dans un piteux état après son combat, il tomba à terre, essoufflé. Ténébrays regardant la scène, le sourire toujours collé sur ses lèvres. Se levant, il arriva près de lui, pour enfin se baisser à son niveau, prendre son menton dans ses doigts, histoire qu’il le regarde bien dans les yeux.

— Non, non mon tout beau… Tu vas rester ici, avec moi… Tu ne reverras jamais celui qui semblait… Faire vibrer ton cœur… Hahaha… Lucifer a été informé de ta capture, il souhaite que tu sois rapatrié pour ton châtiment. En me laissant, bien sûr… Quelque temps pour me faire plaisir avant…

En entendant cela, les yeux de Kol' se mirent à trembler violemment. Il n’allait jamais revoir Camille, c’était certain. De plus… Il savait ce qui l’attendait… Les tortures de Ténébrays étaient des plus affreuses. Il avait toujours été sans foi ni loi, pour n’importe qui. Même pour ceux qu’il appelait « frères ». Et puis… Il pouvait voir la rage qu’il nourrissait à son encontre dans le fond de ses jaunes.

Malgré tout, il ne perdit pas l’espoir. L’espoir qu’un jour, il allait réussir à échapper à tout ça, pour revenir sur Terre et pouvoir chercher activement Camille. Il le savait, il avait une vie entière pour le chercher. Au moins soixante ans, ce qui était déjà beaucoup. Se débattant alors, il fut tout de même facilement maîtrisé par les sbires de son ancien camarade, et attaché au mur de la chambre par des chaînes. Se disant alors qu’il pouvait facilement les briser.

Il avait pensé trop vite. Car Ténébrays, brillant démon qu’il était, avait absolument tout prévu. S’approchant de lui avec une petite tablette roulante où étaient alors posés des poches de perfusions et tout le nécessaire pour poser un cathéter.

— Tu me crois idiot ? Même si tu ne contrôles plus ton côté démoniaque… Tu restes tout de même un démon, Kol'. De ce fait… L’eau bénite te fait mal et t’affaiblit. Héhé…

— Q… quoi ? Attends… Tu n’es pas sérieux ? Tu ne vas pas… S’il te plaît… Ténébrays ! commença alors à paniquer le démon.

L’eau bénite était la chose que tous démons ne supportaient aucunement. Ils fuyaient comme la peste ce truc, même s’ils pouvaient entrer dans les églises, faisant en sorte de rester loin des bénitiers. Et même si Kol' n’avait pas facilement peur, ça, c’était quelque chose de redoutable. Commençant alors à bouger ses bras dans tous les sens et à se débattre pour empêcher le rouquin de le piquer. Malheureusement, il ne résista pas longtemps et l’aiguille perça sa peau. S’ensuivirent alors des hurlements à en percer les tympans.

Kolrarid sentait l’eau bénite glisser petit à petit dans chacune de ses veines. Provoquant alors une réaction incontrôlable et une douleur des plus affreuses. C’était comme si son sang était en train de bouillir au contact de ce liquide sacré. Tout en lui, chaque cellule, chaque organe de son corps crier au secours face à tant de douleur.

Bien évidemment, ceci était simplement fait pour maîtriser son tatouage et sa forme démoniaque, car les tortures de Ténébrays n’avaient pas encore commencé.

C’est quelques jours plus que le brun aux yeux rouges repris quelque peu contenance. Il avait mal, mais ne hurlait plus. On avait stoppé sa poche d’eau bénite, et son tortionnaire avait arrêté ses manipulations. Posant ses yeux sur son corps nu, il vit que celui-ci était recouvert de sang. Ne se rappelant presque pas ce qu’il avait subi. Sans doute le démon l’avait petit à petit dépiauté par endroit. Mais la condition de démon aidant, il se régénérait doucement juste derrière.

— Eh ? Eh, le démon ? Tu m’entends ?

Quelqu’un semblait passer une main devant ses yeux. Claquant des doigts pour attirer son attention et le faire émerger de son semblant de coma. Relevant le regard pour tomber sur un visage qu’il connaissait, qu’il connaissait, mais… Ah si ! C’était Pierre ! Un des anges guerriers. Soudainement, la rage émergea de son corps, son tatouage ondula doucement, mais rien ne se passa, les doses d’eau bénite qu’il avait reçue étaient bien trop forte, son corps n’avait pas encore tout éliminé.

— Où est Camille ?! Qu’avez-vous fait de lui ?!! s’écria-t-il, la voix cassée à cause de ses trop nombreux cris.

— Il est en haut sauf… Qu’il ne l’est plus pour longtemps.

— Q… Quoi ?! Vous allez le tuer ?!

— Mais non, abruti ! Tu ne te rappelles pas ? Il va être réincarné en humain !

Pierre semblait assez agacé. Kolrarid était complètement dans le brouillard, ne se rappelant que peu de choses. La douleur lui faisait absolument tout oublié. Mais il avait raison, il devait le chercher, quand il pourrait… S’enfuir.

— J’ai un message de sa part pour toi. Il te demande de le trouver, et qu’il t’aimera, même en tant que simple humain. Pff… Que c’est absurde.

— Absurde ?… Mais… Pourquoi ?

— Haha… Tu penses vraiment arriver à le trouver ? Parmi… Pierre s’arrêta pour compter sur ses doigts, sept milliards d’humains ?

— Oui… Oui, je le trouverais. Sois-en sûr, ange de peu de foi…

Pierre, se sentant humilié, gifla violemment Kolrarid, qui cracha alors un mollard de sang au sol. Puis, sans autre forme de procès, il sortit de la pièce en claquant la porte. Retrouvant Ignas qui l’attendait dans le couloir sans lumières. Les démons de l’appartement ne semblaient même pas faire attention à eux, alors quand ils arrivèrent sur le salon, ils tombèrent sur une conversation des plus intéressantes :

— Si Lucifer croit que je vais lui amener gentiment Kol', il se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

— Mais tu sais bien qu’il est son préféré.

— Pff, foutaise, il trouvera bien un nouveau chouchou. Non… Kol' est à moi, personne d’autre ne l’aura. Quand je serai rassasié, je compte bien le tuer de mes propres mains… Lui arracher le cœur, et le briser avec la force de ma main… Pour voir ses yeux rouges impertinents s’éteindre sans résistance et emplis de peur…

Ignas grimaça d’énervement. Si seulement ce subordonné à Lucifer faisait ce qu’on lui demandait… Mais non, il voulait tuer Kolrarid, ce qui faisait qu’il ne pouvait pas repartir tout de suite.

— Ahh, nos colombes adorées sont de retour, alors ? Tout s’est bien passé ? demanda le roux avec un sourire lubrique.

— Tais-toi. Tu n’as pas à savoir. Par contre… Je vais devoir demander audience à Lucifer, attaqua directement Pierre.

— Et je peux savoir pourquoi ?

— Parce que tu comptes tuer ce déchet. Sauf que nous avons des ordres contraires. Il doit vivre, participa Ignas, après l’intervention plus dure, de Pierre.

Entendant cela, Ténébrays tiqua. S’approchant d’Ignas, il vint lui caresser le bout de ses cheveux, plantant ses yeux jaunes dans les siens.

— Et… C’est toi qui m’empêcherais de le tuer ?

— Oui, si je dois camper ici, je le ferais, même si l’idée m’exècre. Ce sont les ordres. Et en prime, juste pour te mettre une épine dans le pied, j’irais prévenir d’une quelconque façon votre petit chefounet de Lucifer. Comment tu crois qu’il réagira en apprenant que tu veux trucider son petit chéri ?

Touché. Tellement profond que Ténébrays ne put pas retenir son grognement. Ce qui redonna le sourire à l’ange.

— Bien… Et tu transmettras cette information à ton souverain. Que Kolrarid doit rester en vie.

— Ouais, ouais… J’ai compris maman, maintenant barrez-vous ! hurla Ténébrays en montrant la porte-fenêtre donnant sur le petit balcon.

Les anges guerriers ne se firent pas prier et s’envolèrent. Et le temps passa. Tellement que Kol' en perdit la notion. Se faisant réveiller par Ténébrays, étrangement doucement.

— Kol'… Kol'… Mon petit Kol' ? Il est temps pour toi de retrouver notre Père à tous… murmura le rouquin, un sourire tendre aux lèvres.

— Tu… Je… Je… Tu me ramènes en Enfer ?…

— Oui… Lucifer t’attend pour ton châtiment… Tu es le démon le plus recherché sur Terre, je te rappelle. Et puis… Lucifer s’impatiente… Il m’a seulement donné sept ans pour m’amuser avec toi…

Ce fut alors le choc pour lui. Sept ans ? Kolrarid avait été prisonnier sept ans des griffes de Ténébrays, dans cet appartement ? Le garçon ne se sentait pas bien. Son cœur se mit à le serrer douloureusement et des larmes se mirent à couler sur ses joues sales. Sept ans… Sans chercher Camille… Il devait avoir cet âge, sept ans… Et bien que cette constatation lui vrillait le cœur, en même temps, le chercher alors qu’il était encore un petit enfant n’avait aucun intérêt. Enfin, non… Il aurait pu se faire passer pour un baby-sitter ou devenir ami avec la famille… Dans l’espoir de se rapprocher de lui, une fois qu’il l’aurait trouvé… Sept ans de perdu…

— Eh bien ? Pourquoi tu pleures ? Tu n’es pas content ? Lucifer t’attend avec grande impatience… On va te faire tout beau pour lui.

— Je… D’accord…

Avec le temps, son corps avait clairement fini par le lâcher. L’eau bénite était un fléau pour les démons, il en avait fait l’expérience, il lui faudrait bien le même temps pour que son corps se draine des effets de ce poison. Il laissa Ténébrays le laver dans la baignoire, pourtant, cela lui donnait la nausée. Fermant les yeux, il pensait à Camille, au souvenir qu’il avait de lui. Des yeux et des cheveux longs de la même couleur. Même si ses yeux semblaient pailletés d’or… Et des ailes noires, magnifiant le tableau. Il se le promettait, il allait le retrouver.

C’est à trois heures du matin, ce jour-là, qu’il se rendit avec la troupe de son bourreau, jusqu’à un entrepôt abandonné où se trouvait l’un des passages vers les Enfers. Il allait devoir affronter un autre démon qu’il tentait de fuir à tout prix. Lucifer. Bien que contrairement à précédemment, sa torture sera moins physique, bien plus… Psychologique.

Après tout, Lucifer était épris de lui. Et cherchait par tous les moyens de le faire revenir auprès de lui, pour le garder comme son petit chien, à ses pieds.

Annotations

Vous aimez lire Lydasa ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0