10.Retrouvaille douloureuse (Kol')

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Ténébrays. C’était lui, ça ne faisait aucun doute. Kolrarid pouvait reconnaître sa face de rat à des kilomètres à la ronde, même après des années sans le voir. Contrairement à lui, les autres démons, ceux n’ayant pas coupé leur lien psychique avec l’Enfer pouvaient modeler leur transformation à volonté. Apparaître entièrement humain, semi-humain, complètement démon ou bien juste avec quelques caractéristiques, comme la couleur des yeux ou certains attributs.

Bien sûr, avec l’époque actuelle, personne n’était choqué dans la rue de voir un homme avec des ailes. Les passants prendraient le démon pour un cosplayer… Mais quand un humain était seul avec un démon qui se changeait devant lui… Là, la panique pouvait survenir. De ce fait, l’interlocuteur de Kol' avait les yeux jaune criard, ainsi que les pupilles fendus, comme un chat. Ses cheveux roux étaient mi-longs, ceux-ci semblant crépiter sous l’excitation. Cela faisait bien des années qu’il ne l’avait pas revu. Son meilleur ami.

Oui, le démon qui le narguait était son ancien meilleur ami. Ils étaient inséparables quand ils vivaient encore tous les deux ensemble en bas. C’était ce qu’avait pensé Kol' pendant des siècles, sauf qu’un beau jour, il avait fini par se rendre compte qu’en réalité, Ténébrays n’était pas son ami. Il se servait de lui. Et de son pouvoir démoniaque. En effet, le démon aux yeux rouges avait la capacité de lire dans l’esprit des humains. Il était manipulé pour amener les louanges sur l’être perfide qui se prétendait son ami.

Doucement, celui-ci s’avança vers le garçon aux cheveux noirs, pour lui caresser la joue, tout en souriant presque tendrement.

— Tu n’as pas changé d’un pouce Kolrarid… Toujours aussi mignon… Dommage que l’on ne vive plus ensemble… J’aimais bien te sentir couiner contre moi en pleine nuit.

À cette tirade, Kol' ne put que reculer d’un pas en repoussant la main du démon. Celui-ci le dégoûtait, mais il avait aussi remarqué que comme toujours, Ténébrays était le chef d’un groupe, officiel ou non auprès de la hiérarchie démoniaque. De ce fait, le démon qui tenait Camille avec un couteau contre sa gorge ne faisait rien sans l’aval du rouquin. Parfait. Il allait pouvoir faire perdre du temps pour pouvoir trouver une solution.

Quant au démon aux yeux jaunes, il ne put que rire sadiquement, à gorge déployée, la langue sortie, celle-ci étant coupée en deux, à la manière de celle d’un serpent. Tout en ce démon le rebutait. Lui rappelant d’affreux souvenirs du temps où il était des plus manipulable. Car même si Kolrarid était né démon, il n’avait jamais ressenti la joie d’un démon pouvait avoir à s’en prendre aux autres, sauf en ce qui concernait la douleur physique pendant le sexe… Mais c’était une autre histoire.

C’est un beau jour que Ténébrays l’avait trouvé en train de se cacher pour pleurer. Un démon ne pleurait pas après tout. Il lui avait dit qu’il garderait le secret et que s’il rejoignait son groupe, il pourrait mener une vie tranquille, sans avoir à être obligé d’établir des contrats avec les humains. Il avait accepté, la proposition était trop belle. Bien trop belle. Mais c’était vrai, il n’avait jamais plus fait signer de contrat. Au contraire, il donnait simplement des informations à son ami sur les pensées des humains. Malheureusement, avec du recul, Kolrarid s’était rendu compte de la manipulation. Alors il avait mis fin à tout ça en brisant son lien avec l’Enfer. Il s’était poignardé avec la lance de Lucifer. Celle qui servait à faire devenir un véritable démon à un jeune tout juste né. Elle établissait ce lien, en fixant la partie démoniaque de l’enveloppe qui lui servait de corps. De sorte que l’essence démoniaque ne soit pas incontrôlable et s’emballe. C’était de ce fait pour cela que Kol' pouvait perdre complètement la raison à cause de la colère. Mais il en fallait beaucoup.

— Eh bien ? Tu ne dis plus rien ? Le plumé t’a coupé la langue ?

— Ta gueule Ténébrays ! Ne touche pas un cheveu de Camille !, cria-t-il. Il aurait voulu sauter sur son ancien ami, mais c’était bien trop risqué.

— Oh… Je suis peiné, moi qui pensais que j’étais ton meilleur ami…

— Tu n’es rien pour moi ! ABSOLUMENT RIEN !!

Il avait à nouveau hurlé, et c’est là que son tatouage commença à s’agiter, s’étendant un tout petit peu sur sa peau. Ce qui fit éclater de rire les deux démons.

— Ahaha… Même plus capable de nous faire voir ta vraie nature… Tu es bien pathétique comme démon. Tellement pathétique que je vais te faire regretter l’erreur de m’avoir quitté à l’époque !

C’est alors que d’un signe de tête de sa part et l’autre démon relâcha Camille. Qui regardait la scène interloquée, ne sachant que faire, que penser. Alors ce démon aux yeux jaunes était le meilleur ami de Kol' ? Pourtant, ils n’avaient plus l’air proches. En aucune façon. Ce qu’il savait en revanche, c’est qu’il était un ennemi pour les deux colocataires.

Les deux démons s’approchèrent de Kolrarid, l’entourant, pour finir par lui sauter dessus. Le rouant de coups en tout genre. Le barman put esquiver quelques coups de son ex-ami, car il connaissait ses parades par cœur, mais pas pour l’autre. Qui est-il en passant, avait rangé son poignard.

— Kol' ! Arrêtez ! Laissez-le ! Il n’a fait que m’aider ! C’est tout ! Je suis un ange déchu !… Cria le pauvre ange, qui ne savait que faire. Ce disant qu’il n’était plus complètement céleste allait sans doute aider Kolrarid.

Le subalterne attrapa le barman par les bras dans son dos, pour le tenir, alors que Ténébrays se mit en place pour frapper. Tout en parlant à Camille.

— Oh, mais tu n’étais pas encore un déchu quand tu es tombé ! Et il ne t’a ni tué ni capturé ! C’est un traître !

— À… alors… Tue-moi… Tue-moi… Je n’en peux plus… De cette vie… Qui me rappelle ce que je déteste le plus…

Ténébrays frappa à nouveau, dans le ventre de Kol', qui avait de nombreuses plaies saignantes, ainsi que des bleus qui apparaissaient petit à petit. L’agresseur riant encore, gorge déployée, tel un fou furieux.

— Te tuer ? Oh non ! Je ne vais pas te tuer ! Je vais te faire souffrir… Jusqu’à ce que tu perdes l’esprit… Pour que tu comprennes que tu as fait une erreur en t’éloignant de moi…

Camille, voyant cela, eut une sorte d’élan héroïque malgré sa faiblesse d’humain avec des ailes. Il se rua sur Ténébrays, essayant de le frapper, mais le démon n’eut qu’à faire un simplement mouvement du bras, tout de même violent pour mettre le brun au sol. Kol', quant à lui, planta ses yeux vides, voilés, résignés, dans ceux, bleus et inquiets de son ami.

— Fuis… Sauve ta vie pauvre idiote… Ne reste pas là pour moi… Ils finiront par te tuer…, murmura-t-il. Mais c’était assez fort pour que l’ange puisse le comprendre.

Il ne voulait pas le laisser, mais une idée germa dans sa tête. Il n’était pas si loin de la salle de concert. S’il allait demander de l’aide… Peut-être pourrait-il faire fuir les démons et sauver Kolrarid ? Sans rien dire, il se leva et courut le plus vite possible en essayant de ne pas se tromper dans les rues. Mais il avait bien retenu le chemin pour se rendre à la salle. Déboulant en bas, telle une furie, complètement paniquée.

— Kol' ! Kol' ! Aidez-moi ! Kolrarid a besoin d’aide !

Le patron et un des barmans qui étaient présents s’approchèrent. Demandant des précisions à Camille, puis, ils décidèrent de ne pas attendre plus longtemps et de le suivre pour porter secours à leur collègue. Les deux pensaient clairement que Kol' sortait avec Camille. De plus, l’ange avait bien fait attention à ne pas dire que le brun était attaqué par des démons…

Quant au démon aux yeux rouges, la douleur continuée, insupportable. Il avait sans doute une côte touchée, vu la douleur quand il respirait, tout en sifflant.

— Tu vas toujours me dire que tu ne t’es pas entiché du cupidon ? Hein, mon petit Kol' ?

— Quoi ?… Qu’est-ce que tu… Raconte…, essaya-t-il d’articuler.

— Non, mais sérieux ! Même pas capable de voir que tu as de l’affection pour ce putain de pigeon ! Avant tu aurais pensé à ta vie avant lui ! Même pour les humains, tu ne les laisserais pas passer avant toi !…

C’est à ce moment-là que son patron et un de ses collègues arrivèrent. Tous deux armés d’une barre de fer. Il y en avait quelques-unes sous le bar en cas de grabuge. Pour maîtriser les cons trop prétentieux qui tâtaient des poings. Même armés d’un couteau, cela ne faisait pas le poids, alors les deux démons s’en allèrent, la queue entre les jambes. Toutefois, Ténébrays lui murmura à l’oreille qu’il n’allait pas s’en tirer comme ça. Qu’il allait revenir pour lui infliger mille tourments !

Kol' n’en pouvait plus. Tellement plus qu’il s’évanouit alors. Lui contrairement à Camille pouvait se régénérer, mais avec lenteur. Toutes ses blessures auront disparu, sans laisser une seule cicatrice, dans quelques jours. Il fut ramené dans son appartement, avec toute la troupe, qui vire le bordel. Camille leur expliqua que quand il était rentré saoul, Kol' avait eu une crise de colère. Ce qui n’était… Pas complètement faux. Ils le soignèrent et l’allongèrent sur le lit, torse nu. Au niveau de son cœur, une cicatrice boursouflée trônait face à ce torse lisse et parfait. C’est une fois sûr que Camille n’avait besoin de rien, qu’ils le laissèrent seul avec le démon évanoui.

Celui-ci se réveilla le soir, alors que la lune était déjà haute. Avec un mal de crâne brutal, et des douleurs atroces dans les côtes. Il pensait être seul dans la chambre, mais non. Camille le fixait, assit près de la baie vitrée qui donnait sur le balcon. Tout de suite, alors qu’il croisa son regard, le démon se détourna, en grimaçant face à la douleur. Ne pouvant que ressasser ce que Ténébrays lui avait dit. Il était vraiment amoureux de Camille ? Pourtant… Un démon ne pouvait pas ressentir de l’amour… Sauf si… Le fait d’avoir brisé son lien avec l’enfer avait eu une incidence… Il sera alors réellement à semi-humain ? Et il aimait Camille… Cette pensée semblait si douce, qu’elle l’emplit d’une chaleur réconfortante. Même si… Il se disait qu’à cause de cela, ils allaient être en danger. Tant pis, il allait le protéger au péril de sa propre vie.

Pendant ce temps, au fin fond de la ville, dans l’appartement luxueux d’un building du quartier des affaires, Ténébrays venait de rentrer. Il était crevé, mais heureux de la plus malsaine des façons. Il avait revu le démon qui emplissait toutes ses pensées. Kolrarid, qu’il pensait mort. Il s’était trouvé un objectif. Ce nouveau jouet allait lui procurer tellement de plaisir. Mais pour cela… Il allait devoir pactiser avec le clan ennemi.

Arrivant dans une des chambres, complètement vide, des chaînes au mur. Et sur ce mur… Un ange y était attaché. Dominique. Un ange qui n’était plus un apprenti depuis bien longtemps et qui de ce fait avec le pouvoir de communiquer avec ses camarades par télépathie. Pratique pour éviter de remonter au Paradis pour transmettre des messages courts.

— Je veux que tu contactes tes frères.

— P… pourquoi ?

— J’ai sans doute quelque chose qui les intéresserait… Et j’ai besoin d’eux pour atteindre mon objectif…

— Okay… Mais libère-moi ensuite.

Le démon aux yeux jaunes sourit, perfidement. Acquiesçant. L’ange contacta ses supérieurs. Le résultat du message fut qu’ils allaient prochainement lui envoyer deux anges pour des pour parler. C’était parfait. Mais, tout en sortant de la chambre, après avoir claqué des doigts, deux de ses sbires entrèrent dans la chambre en fermant la porte-derrière eut. Comme convenu… Il allait être libéré. Mais si les autres décidés de le tuer… Ce n’était absolument pas de son ressort après tout.

Il avait eu un pressentiment. Se disant qu’un ange même déchu, qui vivait une relation sentimentale avec un démon ne passerait jamais auprès des instances du Paradis. Il allait leur promettre de leur remettre l’ange, en contrepartie d’une aide physique. Le destin de l’ange lui importait peu. Mais il était certain, par contre, que voir ce Camille contrait de subir un châtiment par ses paires allait anéantir Kolrarid, qui ne pourrait pas l’aider. Vu qu’il serait entre les mains des démons. Lui aussi subirait le courroux de son propre peuple.

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