Ainsi soit-il [1/3]

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  Après une longue heure de repos, Astralia se nourrissait tranquillement pendant que Fonaï lui racontait les anecdotes les plus drôles de l'histoire, quand il s’immobilisa soudainement. Ses pages se mirent à tourner sans fin à une vitesse affolante, laissant apparaître un visage en papier.

 « Sainte Astralia de Fluvie voici mon message : Hors du sanctuaire, pars à la recherche de la Reine-Dragon. Trouve-la avant que le Déchu ne se mette en marche. Suis le chemin de la Jonquille et persévère. »

  Fonaï retomba lourdement une fois la couverture refermée à la fin du message. Il se redressa ensuite en se secouant et râla haut et fort :

 « Je déteste quand ils font ça ! »

  Astralia ne l’entendit pas. Elle se remémora les paroles avant de se lever. La fatigue se faisait sentir mais elle était supportable.

 « Mange un peu plus avant de partir à l’aventure. Tu t'es surpassée tout à l'heure, belle Sainte. Il faut que tu récupères.

 — Ce n’est pas une aventure.

 — Ah non ? Pourtant ton cœur s’emballe, tu es excitée.

 — J’ai peur, c'est différent.

 — C’est normal d’avoir peur. Tu viens de recevoir ton premier ordre d’en haut. Ce n’est pas rien. Et puis, si j’étais toi, je me dépêcherais. Les dieux ont souvent un temps de retard à cause du décalage horaire. »

  Astralia se rappela que les jours se changeaient en heures entre les deux dimensions et empocha deux figues avant de filer. Une fois dans la cour, elle tourna sur elle-même. Elle regarda le portail et se dit que ce serait trop dangereux de passer par là. De plus, elle percevait des intentions belliqueuses hors du Templion. Il ne serait donc pas très judicieux d'aller se jeter dans la gueule du loup. La jonquille était une fleur. Temple de Taïdane ? Un narcisse jaune. Temple d'Ogani ? Jaune comme le soleil ? Astralia fit face au temple du dieu-Père qui avait fusionné avec celui de Guran. À quoi correspondait le chemin de la jonquille ? Elle ne pouvait pas fouiller tous les temples.

 « En l’occurrence, la Jonquille n’est pas une fleur.

 — Pardon ?

 — C’est le nom d’un bateau, annonça Fonaï du fond de sa poche.

 — Un bateau ? »

  Astralia se dirigea sans plus tarder vers le temple de Nébuline et y pénétra. Les religieuses qui y priaient se redressèrent et la saluèrent. La Sainte ne leur accorda qu’un salut bref et tapota sa poche.

 « Si tu as autre chose à dire, c’est le moment.

 — Moi ? Je n’ai plus rien à te dire.

 — Tu n’es pas sérieux ? »

  Elle sentit sa poche s’alléger. Fonaï s’en était allé. Astralia se figea incapable de savoir où chercher. Elle leva la tête vers la statue de la déesse des mers et des océans à la recherche d'un indice.

 « Où comptez-vous aller au juste ? Vous avez fait un malaise il n'y a pas si longtemps. »

  Astralia sursauta et fit face au jeune homme qui l’avait interpellée. Igurantori s’approchait avec grâce et légèreté. Est-ce que Fonaï l’avait abandonnée parce qu’il savait qu’elle ne serait pas seule ?

 « Je vous sens confuse. Est-ce que tout va bien ? Ne devriez-vous pas prendre du repos ?

 — Je ne peux pas.

 — Que craignez-vous ? »

  Au même moment, Maître Intillalta contacta son petit-fils. Le maître de Spirit renseigna le jeune arguenne sur les mouvements de la milice et lui conseilla de fuir. Igurantori fit le lien avec les pensées de la Sainte et l’attrapa aussitôt pour la faire descendre sous le temple de la Déesse-Fleuve. Dans une salle décorée de mosaïques se trouvait une fontaine. Astralia tourna sur elle-même à la recherche d'une issue puis entendit des altercations à la surface. Il fallait vite trouver le passage et aller retrouver la Reine-Dragon.

   Astralia sonda les lieux et perçut ce qui pouvait être une porte derrière la fontaine. Elle croisa le regard du télépathe. Il sourit et inclina la tête. Igurantori accepta en silence de chercher le mécanisme. Lorsqu'il l'eut trouvé, il exerça une poussée mentale. Les pierres se mirent à bouger, à s'écarter. Des marches apparurent. Astralia gravit l'escalier qui s'était ouvert et s'engagea dans l'étroit couloir. Igurantori la suivit.

  Après quelques mètres, le sol s'inclina puis se transforma en un long escalier en colimaçon. Dans la pénombre de cet espace étroit, sans lumière, Astralia posa sa main sur le mur et s'en servit de guide pour descendre toujours plus profondément sous la surface, au point de ne plus percevoir ce qu'il s'y passait. Une gigantesque source d'énergie détourna l'attention de la Sainte et monopolisa toute sa concentration. Plus elle descendait et plus elle entendait distinctement une voix qui l'incitait à la rejoindre.


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  À la surface, Setsuan fit fermer le portail quand un prêtre sonna l’alarme à la vue des soldats. La Milice se posta sur les bâtiments tout autour du Templion et face à l’entrée principale. Les religieux se rassemblèrent dans le sanctuaire renforcé par la Sainte et attendirent en priant. Ils n’étaient pas des combattants.

  Les assauts magiques affaiblirent le sort de protection de l'enceinte du Templion, assez pour le briser. Après cela, les soldats se dispersèrent à la recherche de l’envoyée divine et de ses protecteurs. Certains fouillèrent les temples de fond en comble, quand d’autres furent bloqués à l’extérieur de celui de la Lune.

   Le lieutenant Roman, les yeux noirs, totalement sous le contrôle de Luménor, donna l’ordre de brûler tous les édifices. Fidèles pantins, les miliciens obéirent et propagèrent un violent incendie. Des jets de feu entamèrent les toits, les murs et les sols. Aucune alarme ne signala l’incident. Aucun habitant de l'île ne fut attiré par la fumée. Le Gardien prit soin d’éloigner les esprits curieux et d’occuper les élèves de la classe spéciale.

  Parmi le groupe d’intervention, Talin resta immobile au milieu de la cour. Il réalisa avec horreur jusqu’où le Gardien était prêt à aller pour obtenir ce qu’il voulait. Roman le rappela à l’ordre. L’assassin se secoua et donna le change. Il sonda les temples, sentit un espace protégé et s’en sentit soulagé avant de percevoir que la protection n’isolait pas la zone de confinement des fumées noires.

   Rapidement, les religieux commencèrent à s’asphyxier. Xaan fixa le temple puis son supérieur. Il aurait voulu se téléporter à l’intérieur et les évacuer, mais il n’était jamais entré à l’intérieur. Il se trouvait physiquement incapable de faire quoi que ce soit devant cette flagrante injustice. Cette impuissance réveilla une vieille rage en lui. Pour une seule personne, le Gardien en punissait une quinzaine. Quel message tenait-il à faire passer ?

  Roman créa un dôme couvrant le Templion afin que les émanations demeurent plus longtemps sur la zone, puis il ordonna le retrait des troupes. Le lieutenant mobilisa une équipe à l’extérieur du quartier saint afin de s’assurer que personne ne s’en sortait vivant.

  Quand les religieux quittèrent le sanctuaire dans l'espoir de trouver de l'air respirable après le départ des soldats, soit ils périrent dans les flammes, soit ils moururent privés d'oxygène. Devant le tableau qui se jouait devant lui, Talin fut chargé de comptabiliser les morts une fois le feu éteint.

 « Tu verras, l’odeur de chair brûlée est exquise. »

  Roman se délectait du macabre spectacle et il n'était plus sous le contrôle du Gardien. Il avait retrouvé ses yeux céruléens et son sourire arrogant. Son attitude horripila Xaan au-delà de tout. Si Hevlaska ne lui avait pas clairement ordonné de ne pas tuer le lieutenant, l'assassin l’aurait fait sur-le-champ.


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