Horoscopes [1/3]

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 « Mais je ne veux pas venir avec vous ! Lâchez-moi !

 — Arrête de t’agiter ou je t’attache ! »

  Suna, la main ferme, tirait Mora à la suite de Lola et Arya. Les deux jeunes filles se questionnaient toujours à propos de la moralité de leur acte. La guerrière ne s’en préoccupait pas le moins du monde. La fluvienne était sous le sort du Gardien, il fallait l’en libérer. Elle l’emmenait contre son gré, mais c’était un mal nécessaire.

  Une fois dans le Temple de Sighna, elles furent accueillies par deux prêtres qui les purifièrent en les éclaboussant d'eau bénite. Mora avait cessé de s’agiter dès qu’elles avaient passé le portail du Templion. Néanmoins, Suna ne la lâcha qu’une fois assise en face de la Sainte. Lola et Arya furent priées d’attendre dans une autre pièce afin de garantir une certaine intimité à leur amie. La Sainte avait besoin d’espace. Suna les rejoignit dans un second temps. La cadette sourit et joignit les mains en prière.

 « Gagnons du temps et préparons-nous à la rencontre avec la voyante.

 — Ce n’est pas qu’une simple voyante, Lola, soupira Suna.

 — Ah non ? Qu’est-ce qu’elle sait faire d’autre ? »

  Suna soupira de nouveau et lui rappela les devoirs d’une religieuse. Lola hocha la tête reconnaissant qu’elle n’avait pas tort. D'un autre côté, Arya sentit que Suna ne disait pas tout. Elle leur cachait quelque chose. La princesse relégua cette pensée au fond de son esprit et imita Lola, priant pour trouver la paix intérieure, ce dont elle avait grand besoin. Suna soupira et sortit du bâtiment pour attendre dans la cour et faire le guet.


Ж


  Face à la fluvienne, Astralia garda un instant le silence puis elle prit les mains de la jeune femme et les serra doucement. Il n’y eut aucune réaction de sa part. Son regard était éteint. La Sainte voyait là une nouvelle victime de Luménor et prit une profonde respiration avant de se connecter à l’esprit de la jeune femme. Astralia repéra ce qui avait été coupé et ramena Mora Alayne avec douceur. Elle lui montra son fils et son clan, lui rappela à quel point tout cela était important pour elle. En rouvrant les yeux dans la réalité, Astralia croisa un regard larmoyant. Mora avait beau se frotter les yeux, elle n’arrêtait pas de pleurer.

 « Inutile de vous en vouloir, Mora. Vous n’y êtes pour rien. Soyez en paix. Accrochez-vous à ces souvenirs aussi fort que vous le pouvez et plus personne n’aura d’emprise sur vous.

 — C’est dur d’être loin d’eux.

 — Je le sais. Votre petit garçon vous manque, vous aimeriez rentrer le plus vite possible chez vous. Vous êtes venu à Saltar apprendre l’art de soigner et l'on vous a soumise à de rudes épreuves sans vous garantir cet enseignement vital pour votre tribu. Soyez sans crainte, votre mère a repris la tête de la tribu en votre absence et veille sur votre fils. Vous la pensez trop âgée pour diriger mais rassurez-vous, elle s’en sort à merveille.

 — Vous croyez ?

 — Je le sais. »

  Astralia prit une vasque et la remplit d’eau. Elle plongea les mains dans le liquide transparent et montra à Mora ce qu’il se passait en Fluvie en cet instant. L’eau s’opacifia et des images apparurent.

 « Le mois prochain, Erwan aura cinq ans et vous vous demandez comment faire pour lui souhaiter un bon anniversaire sans être près de lui, parce que vous n’imaginiez pas parvenir un jour à intégrer l’Université. Mais vous y êtes parvenue et vous pouvez être fière de vous. Cependant, votre voyage ne s’arrête pas ici. Il vous faudra rejoindre une autre école et apprendre l’art de la guérison. Je peux leur transmettre un message. Voulez-vous que je fasse cela ? »

  Jusqu’alors, Mora était restée coite. Elle cessa enfin de pleurer en voyant son fils apprendre à nager avec les pêcheurs. Elle porta la main à sa bouche en voyant sa mère secondée par toutes les femmes du clan. Son départ avait apparemment rapproché tout le monde. Mora prenait pleinement conscience de la confiance qu’ils avaient en elle.

  Astralia attendit la réponse de Mora avant d’entonner un chant qui troubla la surface de l’eau. L’image disparut. L’eau devint lumineuse, dorée comme un rayon de soleil au lever du jour. Mora se surprit à remercier les dieux pour ce présent. La Sainte acheva le processus puis releva les yeux pour observer sa visiteuse.

 « Vous devez quitter Saltar et vous rendre au Panthéon de Fluvie pour suivre votre apprentissage. Il n’y a rien de bon pour vous ici. Je vais vous donner une lettre de recommandation et vous n’aurez pas à entrer dans les Ordres pour mener à bien vos études. »

  D’abord surprise, Mora comprit le sens profond de son conseil. Elle avait perdu une part d’elle-même. Si elle voulait garder son intégrité, elle devait s’en aller. La fluvienne se leva, la lettre en poche, et s’inclina avec respect devant la Sainte.

 « Je vous remercie infiniment. Que votre vie soit longue.

 — Soyez bénie. Allez en paix. »

  Mora sortit et aperçut ses colocataires, elle eut honte de son comportement et vint les prendre individuellement dans ses bras. Elle leur répéta à quel point elle était désolée jusqu’à ce qu’un prêtre leur annonce que la Sainte était prête à recevoir une autre personne. Lola se dévoua et salua la fluvienne. En tête à tête avec Arya, Mora ne trouva pas ses mots.

 « Tu n’as pas à t’excuser. Tu n’étais plus toi-même. Je suis heureuse que tu ailles mieux.

 — J’espère qu’elle saura éclairer ton chemin comme elle a éclairé le mien. Je vais faire mes valises et quitter Saltar. J’espère que nous nous reverrons un jour.

 — Ce sera avec grand plaisir. »

 Arya serra fort Mora dans ses bras puis elle la regarda partir. Mora salua Suna en quittant le temple puis elle fit ses adieux à l’Université. Sans savoir comment cela fut possible sans autorisation, on lui ouvrit un portail de lumière pour la ramener en Fluvie et avant la fin de la journée, elle était accueillie par le Grand Mestre Jorangu du Panthéon de son pays natal.


Ж


  Lola était entrée au cœur du temple avec sa vivacité habituelle. Cependant, en croisant le regard émeraude de la Sainte, elle se calma aussitôt et s’installa en gardant un silence respectueux. Astralia la suivit du regard, intriguée par ce qu’elle percevait de la jeune fille. Suna l’avait prévenue qu’elle venait avec plusieurs personnes, sans spécifier leur nombre ni leur identité. Aucune vision ne lui était venue à ce propos. Ce qui était plutôt étrange étant donné ce qu’il s’était produit ces derniers jours. L'île avait été secouée par des vagues d'énergie brûlante. Mais cela n'avait rien à voir avec la jeune fille en face d'elle. Son esprit s’égarait. Astralia sourit à la léovienne et lui tendit les mains.

  En ayant un contact direct avec les personnes qui venaient la voir, et elles étaient de plus en plus nombreuses à mesure qu'elle libérait les habitants de l'île, la Sainte se fatiguait moins. Même si elle avait gagné en endurance, cela ne la dispensait pas de se ménager.

 « Vous ne vous montrez pas sous votre vrai visage. »

  Ce fut la première chose qu’Astralia exprima tandis que tout le potentiel de la jeune fille lui apparaissait. Lola Thouve en fut piquée au vif et voulut retirer ses mains. La Sainte l’en empêcha. Elle serra ses mains, la rassura. Elle était trop heureuse de rencontrer une nouvelle Descendante pour gâcher ce moment.

 « Je ne suis pas là pour vous juger. Je constate simplement que vous vous entourez de distractions pour ne pas voir ce qu’il y a en vous. Cela vous fait peur.

 — Je n’ai pas peur...

 — Alors, pourquoi ne pas avouer votre véritable identité à vos amis ? Ne méritent-ils pas de vous connaître ?

 — Un nom ne change pas qui je suis vraiment, avoua simplement la jeune fille en baissant la tête. C’est même plutôt l’inverse. Quand je suis Lola, je peux être moi-même. Je ne veux pas changer cela.

 — Je comprends. Dans ce cas, pourquoi ne développez-vous pas le Don qui vous a été donné à la naissance ? Cela n’a rien à voir avec votre identité.

 — Je n’ai aucun don, se braqua Lola en se raidissant.

 — Vous êtes porteuse d’un pouvoir très rare, Cécile. Sa portée vous effraie alors vous le cachez encore plus profondément que votre filiation.

 — Je… Ne m'appelez pas comme cela, s'il vous plaît. Je me sens bien ici en étant juste Lola. »

  Lâchant les mains de la jeune fille, Astralia plongea la main dans l’eau de la vasque devant elle. Elle créa une bulle qui les enveloppa toutes les deux en les isolant du monde extérieur. En un battement de paupière, Lola se retrouva debout aux côtés de la Sainte, dans une sorte de plaine remplie de cristaux géants.

 « Qu’est-ce que vous m’avez fait ? Où sommes-nous ?

 — Nous sommes dans ton esprit. Je veux juste te montrer que tu n’as rien à craindre de tes pouvoirs.

 — Comment ? »

  Lentement, Astralia se déplaça entre les cristaux de toutes couleurs puis s’arrêta devant l’un d’eux, d'une pureté totale. Lola la suivit puis s’immobilisa à côté d’elle. Pour une fois, elle ne s’épanchait pas en discussion futile. Elle observait en silence, tâchant de comprendre où la religieuse voulait en venir. La Sainte tendit la main à l'intérieur du cristal et en ressortit un diamant qui remplissait le creux de sa main. Elle l'offrit à Lola qui le prit sans comprendre. Astralia la guida avec sagesse :

 « Tu es comme cette pierre. Incroyablement résistante. Mais ce n’est pas la nature de ton Don, fille de Céfalon. Quel est le pouvoir qui te rend différente ?

 — Je l’ignore.

 — Vraiment ? »

  Astralia remonta la mémoire de Lola à la recherche des premiers signes. Chaque Descendant faisait preuve de talents magiques bien avant l'éveil de leur lignée, et bien souvent avant l'âge requis. La Sainte chercha les souvenirs les plus marquants pour les lui montrer. Lola fut touchée par les réminiscences. La sérénité de la dimension dans laquelle elles se trouvaient ne retirait rien à la douleur des mauvais moments qui continuaient de hanter la léovienne.

 « Arrêtez ! Je ne veux pas en voir plus. J’ai fait du mal ! J’ai blessé des gens en… en...

 — En les forçant à faire ce qu’ils ne voulaient pas ? Ce n’était pas volontaire. Vous étiez jeune et vous découvriez votre Don. Il est normal que tout ne se passe pas comme prévu quand on apprend par soi-même. C’est un chemin difficile.

 — Je déteste cette part de moi. Allons-nous-en.

 — C’est bien normal d’avoir peur. C’est une grande responsabilité. Mais vous êtes une bonne personne, Lola. Ayez confiance en vous. Apprenez à vous maîtriser et vous serez en mesure d’aider n’importe qui, quand bon vous semblera.»

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