Bienvenue chez vous [2/5]

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  Dès qu’Arya passa la porte de l’appartement, elle s’immobilisa. Suna, Lola et Mora étaient réunies dans le salon et la fixaient. Apparemment, elle était attendue.

 « Qu’est-ce qu’il se passe ? »

  Mora caressa le dos de Lola pour l’encourager. Le joli bonbon rose se leva, prit une grande inspiration puis s’excusa pour sa conduite du matin. Elle promit de ne plus recommencer et pour se faire pardonner, elle tendit une petite boite à Arya. Cette dernière accepta poliment le présent puis l’ouvrit. Il y avait une bague à l’intérieur. Un anneau doré serti de pierres rouges qui n’était pas sans rappeler son bracelet de noblesse. Lola s’expliqua avant qu’Arya n’ouvre la bouche pour refuser le bijou qui semblait fort coûteux.

 « C’est un accessoire mis à la disposition des élèves. Je suis juste allée le chercher à la conciergerie. S’il te plait… accepte. Je t’apprendrais même à t’en servir si tu veux.

 — M’en servir ? Pourquoi ? À quoi ça sert ?

 — C’est génial, Arya ! s’extasia Mora en lui montrant l’anneau argenté qu’elle portait à l’index. Tu peux avoir accès à une carte de l’université à n’importe quel moment ! Et surtout, surtout : c’est une garde-robe autogénérée ! Regarde ! Il suffit de penser à la tenue que tu veux et tu es habillée ! J'adore la technomagie ! »

  Mora lui en fit aussitôt la démonstration. Une veste bleu lagon sur un pantalon gris pour commencer puis une robe violette au décolleté plongeant. Arya sourit à l’enthousiasme de sa camarade de chambre. Elle remercia Lola puis enfila l’anneau à son auriculaire droit. C’était parfaitement la bonne taille. Cela perturba Arya qui fit tourner la bague autour de son axe. Suna sourit en la voyant faire et lança avec bonhomie du canapé où elle était affalée.

 « Ouais ! Moi aussi ça m’a fait bizarre au début, mais après quelques minutes tu ne la sens plus. Franchement, c’est pratique.

 — Merci.

 — Bon, s’écria soudainement Lola en tapant des mains avec enthousiasme, puisque tout est réglé, préparons-nous pour le bal ! »

  La réflexion fit sourire Mora alors que Suna levait les yeux au ciel. Lola tira la langue à la guerrière blasée puis enchaîna les tenues, leur demandant leur avis à chaque fois pendant qu’Arya se douchait. La cadette se fixa finalement sur une volumineuse robe blanche et lilas. La jupe était chargée de nœuds et de rubans roses. Son corsage laissait ses épaules nues tout en remontant sa petite poitrine. Lola avait également un tour de cou en velours noir où pendait un médaillon doré et des gants en soie rose. Même ses cheveux avaient été coiffés : de belles boucles tombaient d’un chignon paré de perles blanches dont le sommet était couronné d’une coiffe décorée d’un dégradé de plumes blanches et roses.

 « Et voilà le travail ! conclut Lola en tournant sur elle-même, fière de sa robe léovienne.

 — Trop exubérant, commenta Suna. Pourquoi t'en fais toujours trop ? Regarde-moi ! »

  Il était certain que la robe de Lola paraissait surchargée à côté de la tenue minimaliste que la guerrière venait de se choisir. Suna avait les bras et le ventre nus. Elle exhibait ainsi sa puissante musculature. Elle ne portait qu’un bandeau pourpre torsadé et une jupe droite de la même couleur. La jupe s’arrêtait à mi-cuisse. Une rose dorée était peinte sur un triangle de tissu beige sur le devant. Pour se chausser, Suna avait choisi des sandales de cuir brun à talons plats, les lacets étaient sertis de topazes et lui montaient jusque sous les genoux. Pour bien faire, elle avait gardé ses tresses de guerrière. Lola ne tarda pas à se planter devant son amie pour la gourmander :

 « Su-Su ! Ils vont encore te demander de te couvrir !

 — Je dirais que ça fait partie des coutumes de mon pays. Qu’ils soient déjà satisfaits que je ne prenne pas mes armes avec moi. Enfin, pas toutes.

 — À mon tour ! s’écria Mora comme une enfant. J’ai déjà une idée. »

  Elle fit quelque pas dans le salon, réfléchissant à ce qu’elle voulait. Sa bague suivait automatiquement ses pensées. Une dizaine de tenues se succédèrent jusqu’à ce que tout s’arrête sur une robe bleue, fluide comme les voiles d’une nymphe. Agrafée aux épaules, la tenue était ceinturée sous la poitrine. Cela soulignait ses attributs féminins. À chaque poignet, elle avait de fins bracelets d’argent qui tintaient quand elle bougeait et elle était chaussée de petits souliers bleu marine. Mora regarda ses pieds puis releva la tête pour leur sourire en étirant les pans de sa jupe, ses cheveux cascadant de chaque côté de son visage radieux. Un simple bijou de tête paraît sa chevelure.

 « On dirait une ondine ! J’adore ! s’extasia Lola en applaudissant joyeusement.

 — Tu es magnifique, commenta calmement Arya qui s’était assise en face de Suna.

 — Merci, ma belle. Allez, à ton tour !

 — D’accord… »

  Après tout, Arya était la seule à ne pas encore être habillée pour le bal. Elle soupira et se leva. Ne sachant pas comment tout cela fonctionnait, elle ferma les yeux. Une image s’imposa d’elle-même. Aussitôt, Arya s’en trouva transformée. Ses cheveux relevés en un chignon complexe étaient couverts d’un voile pailleté d’or. Son buste était maintenu dans un corset pourpre où des d’arabesques étaient brodées au fil doré. Son cou et sa gorge étaient habillés d’un haut col bordé de dentelle d’or. Sa robe était constituée de deux jupes : celle du dessus d’un vert sombre était fendue au milieu et laissait voir la seconde jupe en taffetas, rouge vif. La traîne était conforme à son rang. Les manches du même vert que la première jupe étaient bouffantes aux bras, puis, au coude un ruban doré marquait la séparation entre les manches des deux robes : la rouge était étroite jusqu’au poignet, la verte était évasée et tombait jusqu'aux pieds. Pas un morceau de chair ne dépassait plus que nécessaire.

  Rouvrant les yeux, Arya sourit, mal à l’aise devant les regards ébahis de ses camarades.

 « C’est horrible, c’est ça ?

 — La robe en elle-même est un peu démodée, mais sur toi ça fait bien.

 — Arrête Sue ! Elle est majestueuse ! C’est ça : majestueuse !

 — Sa Majesté Arya ! Vive Sa Majesté ! chantonna Mora en s’inclinant devant elle.

 — Je ne sais pas comment je dois le prendre...»

  Arya s’avança vers le miroir en pied qui se trouvait dans un coin du salon. Elle ne reconnut pas son reflet. Elle paraissait plus âgée et tellement moins maladive. Arya caressa les broderies sur son ventre avant de remarquer que des oiseaux se cachaient dans les détails. D’où lui venait une idée aussi complexe ? Était-ce un souvenir ?

 « Tu sais, si elle ne te plaît pas, tu peux changer ! »

  Arya fit face à Lola et secoua la tête, plus troublée qu’elle ne le pensait.

 « Elle est très bien. Je la trouve très bien.

 — Ah non ! Pas de larmes ! »

  Lola s’approcha et l’enlaça amicalement pour lui apporter un peu de réconfort. Elle s’appliqua à la rassurer jusqu’à être dérangée par un invité mystère qui toqua à la porte. Arya se saisit de cette occasion pour échapper à l’étreinte de la cadette pendant que Mora allait ouvrir. Un cri de joie annonça que trois cavaliers étaient venus les chercher pour les accompagner à la salle de bal. Tobias, Zoann et Ruy furent introduits dans le salon, tous les trois en costume d’apparat, sûrement aux frais du Dauphin, et s’arrêtèrent devant le joli tableau.

 « Que de charme ! Mesdemoiselles, vous êtes ravissantes !

 — Arrête tes palabres, lui rétorqua aussitôt Suna, on se fiche de tes compliments niaiseux. »

  Après cette entrée en matière, Mora fit les présentations. Suna râla dans son coin après que Lola lui ait intimé de faire preuve de gentillesse. La cadette reprit ensuite la parole, heureuse de faire de nouvelles rencontres. La conversation fut animée pendant qu’ils se dirigeaient vers les festivités. Lola, Mora et Ruy échangeaient vivement sur divers sujets en tête de leur cortège. Suna traînait en arrière avec Zoann sans ouvrir la bouche, tandis qu’entre les deux extrémités, Arya avait consenti à prendre le bras du Dauphin.

 « Je vous trouve très élégante, lui glissa-t-il avec un sourire charmant. Cette robe vous va à ravir. J’ose espérer que vous m’accorderez une danse cette fois-ci.

 — Soit, soupira discrètement Arya. Mais une seule.

 — Avec plaisir, salua-t-il avec un sourire de vainqueur. Je saurais m’en contenter.

 — Vous n’aurez pas le temps de me consacrer plus d’une danse de toute manière. Vous avez trop d’admiratrices.

 — En seriez-vous jalouse ?

 — Absolument pas. Ce n’était qu’une constatation. »

  Le prince sourit, amusé. Ils retrouvèrent le bâtiment de la noblesse et accédèrent au premier étage. En passant les portes de la salle de bal, Arya fut étonnée de ne pas ressentir le même malaise que la première fois. Peut-être était-ce dû à la mise en scène, différente du premier soir ? Les gens allaient et venaient librement. Tout semblait moins cérémonieux. Sur une estrade attendait un grand siège vide, probablement la place du Gardien. Un tapis avait été déroulé et menait aux pieds du fauteuil. Quelques buffets étaient dispersés dans la salle et des serveurs en soutane bleue passaient avec des plateaux de boissons et de nourritures. Il y avait déjà beaucoup de monde et le brouhaha de conversation dominait la musique d’ambiance. Lola les mena dans un espace dégagé entre l’estrade, la piste de danse et la sortie. Elle fit signe à un serveur d’approcher et elle distribua les coupes afin de porter un toast.

 « À la nouvelle année et aux nouvelles amitiés ! »

  Ils trinquèrent avec plaisir, engagèrent la conversation. Puis le Dauphin fut rattrapé par sa célébrité. Afin de ne pas déranger ses compagnons, il s’éloigna pour jouer son rôle de prince charmant. Il salua et distribua des sourires et des compliments à toutes celles qui osèrent l’approcher afin de remplir leur carnet de danse.

  Pendant ce temps-là, Lola fut également arrachée au groupe par de nombreuses sollicitations ; à saluer à droite et à gauche, elle s’éloigna rapidement en partageant sa bonne humeur. Après un soupir las, Suna la suivit.

 « Je dois surveiller ce qu’elle boit sinon ça va mal finir.»

  Ne restèrent que Mora, Zoann et Ruy autour d’Arya, qui sentait le malaise revenir. La foule s’épaississait. C’était à coup sûr la source de son mal-être, couplé à la peur de déraper.

 « Ils vont revenir tu crois ? demanda Ruy alors que la fluvienne lui retirait sa coupe de vin pour la boire avant d’attraper un jus de fruits pour le benjamin.

 — Mais oui, ne t’inquiète pas. La soirée ne fait que commencer.»

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