Eveil tournoyant [6/7]

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  Mégane Saltz s'extasia tout en tremblant tandis que les vainqueurs regagnaient leur salon. Elle se tourna vers Xaan qui avait élu domicile contre le mur du fond.

 « Mais elle est trop forte en vrai ! Mal fringuée, mal peignée, mais trop forte ! Je ne veux pas me battre contre elle, elle fait trop peur. Elle disparaît et réapparaît comme ça ! On dirait toi en plus féminin.

 — Qu'est-ce que tu vois quand tu la regardes ? demanda Xaan avec un peu d'espoir.

 — En la regardant ? Euh... Rien. Pourquoi tu me le demandes encore ?

 — Pour être sûr de ton incompétence.

 — Je te demande pardon ? rugit l’offensée.

 — De rien. »

  Xaan ne releva pas la comparaison. Ils n’avaient rien en commun. Al’raï ne se téléportait pas, elle se déplaçait rapidement en jouant avec l’air. Comme un mirage. Mais ce n’était pas ce qu’il désirait entendre de la bouche de Mégane. Il voulait savoir si elle aussi percevait l’aura brûlante de la fille. Cela lui semblait si évident pourtant. Elle dégageait une aura solaire, immense qui recouvrait quasiment l’arène.

  Les écrans affichèrent Maxwell de Solari, Alexandre de Galienta, Margarof Spolidsky et Lily Leyhan après la victoire du loup et de la princesse. Mégane souffla pour retrouver son calme puis commenta avec entrain :

 « Elle par contre, elle impose le respect. Ses cheveux sont bien entretenus et sa robe est…Pourquoi tu rigoles comme ça ?

 — Ce que tu peux être superficielle ! Ce n’est pas l’apparence qui fait ce que la personne est au fond d’elle-même. Et puis les actes parlent souvent beaucoup mieux que les cheveux ou les vêtements. Regarde nos adversaires !

 — Je ne suis pas d’accord. Je peux te dire plein de choses sur toi en observant ta tenue.

 — Vraiment ? demanda-t-il dubitatif.

 — Parfaitement ! Je peux te dire que tu es peu soigneux et pauvre : ta chemise et ton pantalon sont sales et troués, et tes chaussures sont usées. Tu as les cheveux constamment en bataille. Et puis, tu es si pâle que tu n’as pas dû souvent sortir de chez toi. Tu dois avoir la santé fragile sous tes faux airs de grand méchant. »

  Xaan se mit à rire. Il lui fut impossible de se retenir. La dernière remarque l’amusa particulièrement. Mégane fulmina.

 « Pourquoi tu ris ? Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ?

 — Tu es tellement stupide que ça me sidère, soupira Xaan en reprenant son sérieux au bout de quelques minutes. Je garde mes vêtements sales et troués jusqu’à la fin des sélections, puis je m’en achèterai des neufs parce que je n’allais pas gâcher de beaux vêtements dans la boue et la poussière. Enfin, tu as bien vu les épreuves que nous avons traversées ? Cela aurait été complètement débile ! Et puis… Pauvre ? Tu te reposes tellement sur les apparences, ô dieux ! Bon, je l’avoue, je n’expose pas mes richesses, mais je suis très loin d’être pauvre. Quant à mes faux airs… comment as-tu dit ? Mes faux airs de grand méchant ? Si tu considères mon attitude comme de la tromperie sur marchandise, tu peux parler ! Tu es bien une comédienne pour dénoncer chez les autres ce que tu pratiques.

 — Je ne comprends pas… Je…

 — Tu te crois toute puissante parce que les garçons de ton village se roulaient à tes pieds ? Tu ne sais rien de la vie. Mon avis est que tu n’aurais jamais dû quitter ton cocon familial pour venir ici.

 — Mais tu ne m’aurais pas rencontrée, han ! Lâcha-t-elle en désespoir de cause.

 — Je m’en serais bien passé. Tu es encombrante, râleuse, stupide, et immature. Puis-je à présent reporter toute mon attention sur les combats qui sont, sans aucun doute, plus intéressants que cette conversation ? »

  Mégane se mit à bouder et Xaan put observer à loisir la fin du combat. Il était évident que Leyhan retenait ses attaques. Dans quel but ? Il l’ignorait. Mais la jeune fille détournait ses réflexes. C’était tout à fait contre-productif. Sauf si elle cachait quelque chose. Elle devait savoir que passer le premier combat, ils étaient sélectionnés. C’était bien pour cela que le Gardien leur avait conseillé de s’amuser pour la suite. Le jeu était pourtant très sérieux. La plupart des combattants ne plaisantaient pas. Qu’espéraient-ils de cette épreuve ?

  La confrontation s’acheva par l’élimination de Leyhan et son partenaire. Ils furent emmenés à l’infirmerie. Le petit homme avait pris de méchants coups pour protéger la jeune fille qui s’était laissée immobiliser. Maxwell de Solari et Alexandre de Galienta se dirigeaient vers leur salon quand le Gardien les interrompit avec autorité.

 «Ne bougez pas de là, jeunes gens, le prochain combat vous concerne. Que son Altesse Arya Al’raï et Yugh Wolfgang les rejoignent. Dépêchons, dépêchons. »

  Sans le tableau complet des combats passés et à venir, Xaan eut du mal à tout remettre en ordre dans son esprit, même si sans cet appui, il trouvait étrange cet enchaînement de rencontres, comme si tout était décidé au pied levé.

  Mégane s’écria soudainement :

 «Et nous alors ? »

  Elle avait au moins compris qu’il y avait un problème, pensa Xaan en fixant à nouveau le centre de l'arène avec grand intérêt.

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  En position de défense, Cheveux-Rouges faisait circuler sa magie, prête à lancer m‘importe quel sort. On pouvait voir l’énergie se concentrer autour d’elle. Yugh garda sa forme humaine, il se sentait puissant aux côtés de sa partenaire. Sans savoir comment, il profitait de l’énergie que l’humaine accumulait. Cela nourrissait sa propre magie. Que demander de plus ?

  Les deux humains chargèrent l’arkien afin de l‘immobiliser en premier. Ils pensaient que se serait plus simple. Quelle grossière erreur ! Cheveux-Rouge laissa son partenaire attirer toute l’attention le temps de préparer un sort explosif. Au dernier moment, elle cria:

 « A terre ! »

  Sans réfléchir, Yugh se jeta à plat ventre juste avant que la déflagration ne projette leurs adversaires contre le mur de l’arène. Surpris par la violence du souffle, les juges manquèrent de choir de leurs points d’observation. Les spectateurs se turent et un bref instant, tout fut extrêmement silencieux. Puis toutes les personnes présentes dans les tribunes se levèrent, criant et applaudissant. Yugh se releva et se fit brièvement ausculter par un membre de l’équipe médicale, tandis que leurs adversaires étaient évacués. Aucune cloche n’annonça la fin du combat. Toutefois les écrans annoncèrent l’ultime rencontre.

 «Mégane Salt et Xaan Talin versus Arya Al’raï et Yugh Wolfgang. »

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  Tout en rejoignant leurs adversaires pour la finale au centre de l’arène, Xaan regarda vers les tribunes et communiqua avec Hevlaska.

’’Ils voulaient donc que les plus puissants s'affrontent dans un combat de titan ?’’

’’Ne te surestime pas. Luménor pense juste que tu es le plus apte à mettre la jeune fille hors d’elle dans ce tournoi. Tu n’es rien de plus qu’un outil pour lui.’’

’’Ne le suis-je pas pour vous aussi ?’’

  La vieillarde bloqua la communication. La certitude d'être un simple objet de divertissement fit serrer les mâchoires à l’assassin. Talin siffla entre ses dents. Ils voulaient du magistral. Tout serait fait dans cette optique. Peut-être même que ce combat-ci ne serait pas chronométré, justement pour leur laisser le temps d’offrir une merveilleuse représentation. Xaan n'avait pas quitté un maître pour se retrouver aux bottes d'un autre ! Il n’avait pas signé pour cela. Par orgueil, il se donnerait à fond pour faire valoir ses talents.

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 « C’est déjà le dernier combat ? demanda Ruy les yeux agrandis par la surprise.

 — C'est exact, lui répondit Tobias avec sérénité en sirotant une tasse de thé.

 — Mais qu’est-ce qu’on va devenir ? On a perdu notre combat !

 — C’est maintenant que tu t’en inquiètes ?

 —Je viens de réaliser, je crois. »

  Le Dauphin roula des yeux en secouant la tête. Il ne voulait pas rater ce combat. Il espérait que la princesse gagne cette finale. Quelque chose chez elle lui plaisait beaucoup, peut-être la simplicité avec laquelle elle agissait avec les gens tout en les respectant, quel que soit leur rang. Tobias encouragea Arya en silence tandis que Ruy chantait à tue-tête en gesticulant :

 «Allez Arya ! Allez Arya ! Allez ! »

  Ses efforts étaient vains puisque les salons étaient insonorisés, le Gardien ne voulait pas que les combattants soient perturbés par les autres candidats. Mais c’était de bonne intention.

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  Face aux finalistes, Xaan se mit à trembler. Depuis qu’il avait rejoint l'arène, il était assailli par la peur et l’excitation. Il ressentait quelque chose entre l’envie de tuer, de se mettre en sécurité et l’euphorie. Al’raï le troublait énormément. Autre que son aura monstrueuse. Son regard ! Son regard était différent. Il reflétait un vide étrange comme si son âme ne lui appartenait plus. Quel mauvais coup préparait-elle ?

  À côté de lui, Mégane frissonnait. Al’raï n’avait posé les yeux sur elle qu’un bref instant mais cela avait suffi pour lui faire comprendre ce que son partenaire avait tenté de lui dire plus tôt.

 « Talin… Cette fille me fait très peur. Elle dégage…

 — De la puissance. Beaucoup de puissance. Méfie-toi d’elle, conseilla-t-il en mobilisant ses lames de l'Entre-Mondes. Son partenaire a l’air moins dangereux. Tu veux te charger de lui ?

 — Hein ? Mais, je…

 — Je ne pourrais certainement pas m’occuper des deux, murmura-t-il avec colère. Il va falloir y mettre un peu du tien.

 — On ne peut pas continuer comme avant ? Je fais diversion et tu les assommes.

 — Cette fois, ça ne marchera pas.

 — Comment peux-tu le savoir ?

 — Tu le sais aussi bien que moi. »

  Le loup à l'ouïe fine écouta leur conversation. Il se prépara donc à faire face à l’humain aux cheveux blancs, puisqu’il ne s’y attendrait pas. Il tourna la tête vers Cheveux-Rouges. Elle le fixait avec un air réprobateur. Agacé de se voir observé comme un enfant, Yugh gronda, prit sa peau de loup et montra les crocs à l'humaine qui reporta son regard vitreux sur le couple en face d'eux.

 « Combattants en place. Commencez ! »

  Immédiatement Xaan se téléporta derrière Al'raï qui para son coup de poignard et le désarma avec habileté. Elle avait des gestes sûrs et rapides. L'antiog disparut de nouveau. Lorsqu’il réapparut Yugh fonça sur lui avec l’intention de s’occuper de son cas. Mégane était effrayée par la violence et la rapidité du combat. Complètement paralysée par la puissance qui s'en dégageait, elle resta figée. L'ambiance était très différente des affrontements précédents. Le loup n’avait plus aucune retenue, comme s’il s’était laissé gagner par la sauvagerie de sa race.

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