Un grain de sable dans l’engrenage [1/6] /!\

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/!\ violences /!\

[ Ce chapitre contient des scènes de violences, meurtres et viol]

*

Désert de Zorta,

De nos jours.

  La lame refléta brièvement la lumière de la torche puis plongea vers le cœur du soldat. L’assassin veilla à ce que l’homme mourut en silence. Il tira le corps dans un coin et le dépouilla de son armure afin de la revêtir. L’ensemble de cuir était un peu grand, mais il avait l’avantage de ne pas le gêner dans ses mouvements. Le principal inconvénient venait du casque qui augmentait ses angles morts. Qui était l'imbécile qui avait inventé une protection qui rendait aveugle ? L'assassin se força à le mettre et suivit le chemin qu’aurait dû emprunter le soldat. En cours de route, l'intrus croisa deux autres vigiles qu’il tua sans sommations et en silence. Il vida progressivement le mur de toutes ses sentinelles, puis ouvrit les portes à ses complices.

  Six ombres jaillirent de l’obscurité et se dispersèrent dans la ville. L’une d’elles s’arrêta près de l’assassin qui se débarrassait de l’armure empruntée.

 « Bien joué, capitaine, ô mon capitaine.

 — La ferme, Tasib.

 — Roh… Hé ! Tu ne sais pas t’amuser. »

  Xaan Talin ignora son subalterne et se dirigea vers l’entrée de la ville souterraine sans se soucier de savoir s'il était suivi. Le plan était clair. Il n'y avait qu'à suivre les ordres. Les Ombres éteignaient toutes les chandelles du village sans cri ni combat sur leur passage. Elles dégageaient la voie pour leur permettre d'avancer rapidement pour rentrer avant le lever du jour.

  Tout se passait comme prévu jusqu'à ce qu'un hurlement immobilise le capitaine à la porte des souterrains. Toutes les informations avaient été vérifiées le matin même : il ne pouvait y avoir d’accrocs au plan. Un nouveau cri résonna dans la ville. Xaan dut se rendre à l'évidence, quelqu'un avait merdé, et ce ne pouvait pas être les Ombres. Il n'y avait qu'une seule personne pour foutre son plan en l'air. L'assassin grogna à cette perspective.

  Afin de ne pas compromettre la mission, Talin fut obligé de rebrousser chemin. Il s’orienta en suivant les cris et les pleurs de la victime jusqu’à trouver la bonne maison. Les Ombres le suivirent et s'immobilisèrent sur les toits aux alentours. Le capitaine leur ordonna de continuer tandis qu’il pénétrait dans la demeure basse. Du coin de l’œil, Talin les vit disparaître pour s'enfoncer sous la surface, il se concentra alors sur son stupide subalterne.

  Dans la pièce principale, le capitaine trouva trois cadavres. Un homme et deux enfants. Des suppliques attirèrent son attention dans une pièce adjacente. Le lieutenant était en train de s’amuser à sa manière avec la femme. Talin approcha aussi silencieusement qu’à son habitude et posa la lame froide de sa dague sur la gorge du violeur. Ce dernier cessa aussitôt tout mouvement. La femme éplorée cracha des insultes dans son dialecte, exigea la mort de celui qui l’avait déshonorée. De sa main libre, le capitaine saisit Tasib par l’épaule et le plaqua contre le mur de terre. Très calmement mais le regard glacial, Talin l’interrogea entre quatre yeux, sans user de son arme qui pendait au bout de son bras.

 « Combien de fois t’ai-je dit de respecter l’ordre de mission ?

 — Je n'ai pas pu résister ! Elle était là, quasiment nue ! Comprends-moi ! Je…

 — J’attends une réponse, pas des excuses.

 — Deux fois, bégaya Tasib. Mais, elle l’a cherché ! Je…

 — Ton rôle était de dégager les souterrains. Tu n’avais rien à faire ici.

 — Écoute, je…

 — C’est toi qui vas m’écouter, le coupa Talin sans élever la voix. Tu es là parce que le maître l’a exigé. Depuis le début, tu n’es qu’un poids mort. J’espérais que tu serais en mesure d’exécuter les ordres sans en dévier, mais tu as lamentablement échoué. »

  La réputation du capitaine n’était plus à faire. La faiblesse ne faisait pas partie de son vocabulaire. Tasib comprit tout à coup qu’il n’échapperait pas à la sentence après deux mises en garde. Talin le transperçait de ses pupilles dorées. Un bref éclat en provenance du sol lui rappela qu’il était armé. Tasib blêmit, sua à grosses gouttes. Le temps semblait suspendu.

  Succombant à son instinct de survie, il tenta de se soustraire à l’emprise de son bourreau. Talin leva sa lame ensorcelée pour l'égorger d'un geste précis. Tasib tenta de saisir la main armée pour l’éloigner de sa gorge, mais il fut trop lent. L'arme ajusta sa puissance à la volonté de l'assassin et son mouvement vif laissa une traînée de magie dans l'air. La tête du subalterne roula sur le sol et la lame s’abreuva du sang répandu. La femme ne figea, un sanglot coincé dans la gorge, choquée par la froideur de l'acte.

   Quand le capitaine tourna enfin ses yeux dorés vers la victime de son subalterne, elle tressaillit et se recroquevilla, fondant en larmes en le suppliant de l'épargner. Il avisa une couverture suspendue non loin et s’accroupit en face de la femme pour couvrir sa nudité. D’abord stupéfaite, elle le remercia sans fin. Elle prenait à peine le temps de respirer, déversant un flot continu de remerciements et de prières.

   Calmement, l’assassin lui frotta le dos, la rassura et la berça en usant de sa magie pour l’endormir. Dès qu'elle se fut apaisée, il lui baisa le front pour conclure une prière silencieuse et lui rompit la nuque d’un geste rapide. Pour finir, Talin la coucha convenablement auprès de sa famille. Lorsque ce fut fait, Xaan ramassa la tête de Tasib et quitta la maison. Il était temps de reprendre la mission.

   Dehors, le silence dominait enfin le village. Pas un animal ne rodait pour l’instant. Lorsque les quijass flaireraient le sang, ils rappliqueraient en essaim, alors il vaudrait mieux être loin. À cette réflexion, Talin se dépêcha de rejoindre les Ombres dans les souterrains.

   Son chemin fut balisé de cadavres énucléés dont les gorges béantes répandaient leurs flots pourpres. Il suivit la piste jusqu’à une salle à l'architecture plus complexe et imposante, creusée dans la roche rouge. Des gravures religieuses décoraient les murs et les piliers rudimentaires. Talin étudia les représentations du Dieu-Juge, si rare dans le désert.

   Une mauvaise toux le ramena à la mission. Les cinq silhouettes massives des Ombres se tenaient entre les cadavres des femmes et des enfants amassés contre le mur du fond et le chef de la tribu, empalé sur son siège par des lances brisées. Le pauvre homme était toujours vivant. Néanmoins, il ne tiendrait plus très longtemps. Il commençait à cracher du sang et son souffle devenait difficile.

   Talin eut pitié de lui. Il s’approcha et s'accroupit face à lui. Le chef de tribu s'était complètement voûté à cause de la douleur. Le capitaine lui redressa la tête et croisa le regard haineux de sa cible, alors même que ce dernier savait qu'il allait mourir bientôt. L’assassin soupira et délivra le message dont il était porteur.

  « Axil Yamar, patriarche de la tribu des Nagmés, le roi Vongak de Zorta...

  — Zorta n’a...pas de roi ! protesta faiblement le mourant. Il...bafoue le...droit des Anciens !

  — Axil Yamar, patriarche de la tribu des Nagmés, reprit Talin avec calme, tu es condamné à mort pour insoumission à l'autorité du Roi et haute trahison.

  — Rorth...soit témoin, les Fils...du Désert n’ont…pas de roi. Maudit… Vongak… soit... maudit ! Et toi, Démon Blanc... j’espère… mort…lente…»

   À bout de souffle, le chef n’en gardait pas moins les yeux vissés sur son bourreau. Talin salua sa résistance, mais jugea qu’il était grand temps d’abréger ses souffrances. L’assassin plaça son arme au niveau du cœur, prêt à y enfoncer sa lame.

  « Que la Déesse-Mère soit témoin, vous serez vengés de l’usurpateur. Je le jure.»

   La promesse ne fut entendue que du condamné. D’un coup rapide, le jeune homme lui transperça le cœur. Il laissa sa lame s’abreuver puis la renvoya dans l’entre-mondes. La mission était accomplie. Talin rappela les Ombres à lui. Une fois qu’elles eurent reprit leur place sur son bras, le capitaine ramassa la tête de Tasib et rentra faire son rapport à son maître.

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