Une mission pour Rogers

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— L'adresse que vous m'avez donné, c'est bien la rue où se trouve la fameuse boite de jeu virtuel CORTEX ?

— C'est bien ça, repondit Roger en haussant le ton à cause du volume de la radio.

— Vous croyez vraiment que leur nouveau jouet est dangereux ? Demanda le conducteur à son encontre.

Roger ne répondit pas sur le coup, car son attention était absorbé par un débat houleux à la radio entre un concepteur de jeux et un représentant d’une association de parents qui se plaignaient de l'emprise de plus en plus grandissante des jeux sur leurs progénitures. Le programmeur interviewé cherchait à tout prix à éviter la confrontation sur les récents cas de névroses qui s'étaient manifestés ces derniers temps. L'affaire, lié à la compagnie auquelle il intervenait, avait déjà tendus certains investisseurs qui menaçaient déjà de se retirer si cette affaire n'était pas résolue au plus vite.

Le chauffeur de taxi klaxonna à l’encontre d’un motard qui le collait de trop près.

— Regardez-moi ça. Et après, ils se plaignent que les automobilistes ne les respectent pas.

En le dépassant, le type sur sa bécane lui presenta son majeur levée, que lui rendit instinctivement l'homme au volant en exagérant grossièrement le sien.

— Vous savez, il paraît que ce game craint au niveau mise au point, reprit ce dernier en baissant le volume de sa radio.

— Ah bon ? demanda Roger, agacé d'avoir été privé de la suite du débat. Le conducteur au visage bouffi et mal rasé passait son temps à l’observer par le rétro intérieur, comme s'il essayait d'analyser ses réactions à ses questions. On l'aurait dit sorti de la période seventies avec ses cheveux gras plaqués sur son crâne et ses lunettes de soleil demi-teinte .

Au travers du pare-brise, la route s'étira devant lui. L’effet disparut subtilement tandis que le chauffeur reprenait son monologue.

— Paraît que celui-ci serait géré par une sorte d’IA, vous voyez ? Une intelligence artificielle. Mon fils, qui est passionné de nouvelle technologie, voulait s'inscrire dernièrement à une liste des volontaires amenés à effectuer des tests dans leurs locaux. Je lui ai plutôt conseillé d’attendre les premiers résultats sur des volontaires freelances avant de se précipiter. Tous ces dingues de jeux immersifs qui rêvent du Graal, c'est effrayant.

Le taxi se faufila brusquement entre deux voitures d'une file.

— Vous vous posez surement la question pourquoi lui ai-je dit cela, poursuivit ce dernier avec un semblant de fanfaronnade. Ben, parce qu'il y aurait eu récemment un article dans une revue de jeux relatant l'interview d'un employé de la compagnie. Le sujet faisait référence à l'état mental de sujets impactés par une trop longue immersion dans un monde fictif. Il paraît que le gars aurait balancé pas mal d'informations concernant les conditions de travail au sein de la boite.

— Je vous laisse deviner la réaction de CORTEX.

— Dites-le-moi, demanda Roger en haussant les sourcils, même s'il connaissait déjà tout les détails de l'affaire.

— Ils ont paniqués à la vu de cet article. ils ont aussitôt démentis en précisant que l'homme qui s'était prêté à cet interview ne travaillait déjà plus pour eux depuis des mois pour faute grave. Il était impossible qu'il ait pu assister aux premiers tests, car le jeu n'en était qu'au stade de développement.

— Ah, c'est sûr que ça craint ! Quels menteurs ces gens-là,

— Pardon ! Rétorqua le chauffeur, surpris.

— Non, rien, je pensais tout haut. Ce regard qui l'observait par intermittence dans le rétroviseur l'exaspérait.

— D'après l'article, le gars en question ne s'est pas laissé démonter facilement. Ses derniers revenus justifiaient bien sa présence dans leurs locaux lors de l'apparition des premiers symptômes alarmants. Comme quoi, ils y en a qui ne savent vraiment pas faire le ménage, hein ! En plus, l'intéressé aurait dit ceci : une fois hors du jeu, ils regardaient tout autour d'eux et se mettaient à hurlaient que ce monde n'était pas réel. Qu’est-ce que vous en dites ?

Roger songea à la raison de son job en tant que… La nausée le reprit. Cette fois-ci, il ressentit un fort sentiment de décalage avec sa propre personne, ce qui le fit paniquer. Sa tête sembla soudain prendre du poid comme sous l’effet d’un profond vertige alors qu'il se penchait discrètement pour dissimuler ce malaise. Il s’agrippa aux bords de son siège et respira profondément avant de se redressait lentement.

— Monsieur ! Vous allez bien ? Le chauffeur l'observait, inquiet.

— Oui, ça va. Il fit semblant de chercher quelque chose dans ses poches. Il était question de… (l'apesanteur se jouait encore de lui), les médias ne parlaient que de cette affaire ces derniers jours, songea t-il. Tout un foin pour les divulgations d’un employé qui semblait désaprouver les méthodes de la compagnie, et qui voulait se mettre en lumière. Rogers pria intérieurement pour qu'on ne lui demande pas, cette fois-ci, de récupérer un dément déconnecté.

— Je pense que vous avais raison, finit-il par répondre, espérant abréger la conversation. Si j'étais votre fils, j’attendrais de voir la conclusion de l'enquête avant de miser ma propre santé mental.

Il ne se sentait toujours pas mieux. Une soudaine sensation de percevoir son entourage avec d’autres yeux que les siens le surprit un bref instant avant de disparaître.

Ils arrivaient à la hauteur d'un large panneau publicitaire amarré sur le haut d’un pylône électrique au bout d’un croisement. Celui-ci arborait à grand renfort d’effets numériques les produits de CORTEX, ainsi que la direction à suivre pour s’y rendre. Il remarqua l’enseigne pour la première fois alors qu'il était souvent passé par cette route. Sanders avait sans doute dû gratter au niveau des hautes sphères afin d'obtenir l’autorisation d’afficher à cet endroit.

Le taxi la dépassa et se rangea, quelques mètres plus loin, en face de l’entrée de la firme de jeu.

— Combien la course ?

Cheveux gras se retourna, sourire aux lèvres.

— Vingt-cinq euros pour vous, mon ami.

Roger le paya sans dire un mot. Il lui tardait de sortir de la caisse de ce bourru.

— Vous travaillez ici ? Le chauffeur montra l’enseigne en face de la rue

— Si je bosse pour eux ! Plutôt en freelance, sans plus. Il n’avait aucune envie de justifier ses activités à un parfait inconnu.

Le chauffeur sembla étonné.

— C'est que... Le débat à la radio, et notre conversation...

— Ben, comme vous voyez, la vie est faite de coïncidences assez étrange. Roger sortit du véhicule et le remercia.

— À propos d'étrange, demander à votre patron si c'est réel !

Roger se dirigeait déjà vers l’entrée lorsque les propos du chauffeur le stoppa net. Il se retourna au moment ou le véhicule se faufilait déjà dans la circulation. Il l’observa s’éloigner, stupéfait. Comment avait-il fait cela.



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