Chapitre 20

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Quarante. Quarante âmes d’enfants, de femmes, d’hommes, de vieillards n’étaient plus prisonnières. Il ne restait maintenant que la chose. La fatigue mentale commençait son travail de sape. Il devait se reprendre, retrouver sa concentration. Le travail était loin d’être terminé. Il ne voulait pas s’attarder sur l’attitude de Fujimi qui venait de se mettre devant lui. Elle devait avoir une bonne raison.

Jean-Paul perçut le bruit, sans le montrer. Il baissa légèrement la tête et jeta un œil discret vers la gauche. Un meuble venait de bouger. De la poussière voleta dans les airs. Plus à droite, une chaise à moitié pourrie trembla. La vieille charpente d’une bibliothèque gémit dans un craquement de mauvais aloi.

La chaise, rasant le sol, vola vers Yvan. Jean-Paul inspira brièvement et pulvérisa le projectile d’un coup de genou. Il grimaça de douleur.

  • Pécaïre, ma prothèse !

Une table glissa vers lui dans un crissement horrible. Il eut juste le temps de prendre le sac laissé par Anne et de l’interposer entre lui et le meuble. La force était phénoménale. Il se retrouva accroupi, forçant pour ne pas glisser en arrière, stoppant net la charge ennemie.

  • J’ai fait de la joute, moi ! Tu entends ! J’ai été jouteur à Sète ! beugla-t-il dans un rire qui frisait la folie.

Yvan plongea dans l’aura noire. Les ténèbres l’entourèrent avec tous les cauchemars qui composaient son quotidien. Il passa devant la mémé Fujimi qui affrontait un étrange médecin aux petites lunettes rondes. Ce dernier fut distrait par l’apparition d’un non mort. D’un geste délicat et puissant Fujimi se fendit en deux, coupant la tête de l’allemand qui s’évanouit.

  • A toi de jouer Yvan. Je vais en bas veiller sur tes amis.

Yvan se retrouva dans un tourbillon de méchanceté qui l’emporta vers des tréfonds terrifiants. Il n’avait plus aucune prise pour se retenir dans le monde réel. Un être vivant se tenait derrière la masse informe et ténébreuse. Une odeur méphitique l’agressa, corrompant ses sens et son esprit. Il flottait à présent dans le vide, sentant d’abominables tentacules tenter de lui arracher la moindre parcelle de peau. La mort serait une bienheureuse délivrance. Comment continuer à vivre sans Lina ? Il la vit mourir. Il entendit le mensonge que la créature immonde avait insufflé dans l’esprit de sa bien-aimée. Comment avait-elle pu croire qu’il l’avait tuée ? Elle était morte dans un accident et Yvan n’avait rien à voir là-dedans…

  • Tu es à moi, murmura une répugnante voix caverneuse et molle.
  • Non, il est à moi ! gronda en espagnol la voix de la colombienne.

Elle était aux côtés d’Yvan. Ils se regardèrent, scellant dans un silence inviolable un pacte pour l’éternité.

Animée par un nouveau but, la femme déforma sa mâchoire, l’agrandissant assez pour s’attaquer au lien qui rattachait la masse noire à la créature répugnante. Yvan pensa à ses amis, à Lina, à ses parents, à ce petit coin secret dans la forêt vierge colombienne. Il sentit toute l’exécrable damnation s’écouler en lui, définitivement arrachée à son ancien manipulateur.

Il ouvrit les yeux, juste à temps pour voir Jean-Paul se précipiter par-dessus lui, une table comme bouclier afin de dévier la chute de la bibliothèque. Il y eut un grand fracas et le bois vermoulu se rompit en plusieurs morceaux, envoyant partout des échardes plus ou moins grosses.

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