Chapitre 6

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Elodie venait de partir. Trois bonnes heures en sa compagnie avaient de quoi lui remonter le moral. Il pouvait se confier à elle sans se poser de questions. Ils se connaissaient depuis l’adolescence lorsqu’il venait en vacances à Sète. Son ouverture d’esprit lui avait permis d’accepter les attitudes souvent étranges de son camarade. Depuis qu’il exerçait ce métier, Elodie était devenue une source incontournable sur l’histoire locale.

Il termina de ranger en silence. La nuit était douce. Il ouvrit les fenêtres, prenant bien soin de laisser les moustiquaires en place. Il éteignit les lumières et s’installa dans son fauteuil préféré, seulement éclairé par la lueur orangée d’une bougie. Le sac et le ressac des vagues venant se fracasser contre la corniche en contrebas le berçait agréablement. Il posa ses mains sur les accoudoirs et regarda la nuit. Il sentit sa présence assez rapidement. Yvan tourna lentement son visage vers la droite. Elle se tenait assise sur le bord du fauteuil qu’Elodie avait occupé auparavant. Elle était pensive. Son contour demeurait assez flou. Il devait encore avoir un peu d’alcool dans le corps. Il soupira et reporta son attention sur le dehors, reposant sa tête contre le cuir frais.

  • Tu l’aimes ? s’enquit une voix lointaine.
  • Tu sais bien que non. Je n’ai jamais aimé que toi et je n’aimerai que toi. Tu me poses la question à chaque fois.
  • Il est temps que tu aimes à nouveau, Yvan. Tu ne peux pas rester comme cela, seul.
  • Je ne suis pas seul, la preuve, tu es là et la mémé ne va pas tarder…

Yvan grogna. Lina. Son amour de jeunesse. Morte dans un accident à l’âge de vingt-et-un ans, à Paris. Une question le taraudait depuis qu’il sentait des choses : était-il schizophrène ou un réel médium ? Sobre, il voyait les apparitions de Lina et de son arrière-grand-mère japonaise. Il les voyait vraiment. Des apparitions ou des inventions de son esprit ? Par contre… Celle de Colombie, il ne la voyait pas, il la sentait, c’était une sorte de nuage, de masse à la fois froide et brûlante qui n’avait pas de forme précise. Un terrible sentiment d’oppression. C’était cela qu’il ressentait dans les maisons. Parfois une image naissait dans son esprit enfiévré par la terreur, mais jamais elle ne prenait forme dans la réalité.

  • Elle est revenue.
  • La colombienne ?
  • Oui… Mais le souvenir a changé. Dans la réalité, elle ne m’a jamais parlé.
  • Je comprends. Sois prudent. La dernière fois qu’un tel souvenir a changé, je suis morte.

Yvan le savait très bien. Il serra les poings.

  • Demain, c’est l’anniversaire de ta mort. Je viendrai sur ta tombe.
  • Tu ne viens jamais sur la mienne ! persifla une voix chevrotante.
  • Grand-mère Fujimi ! Il y avait longtemps... grommela-t-il, ironique.

La mémé, en tenue traditionnelle japonaise regardait les boîtes de thé d’un œil désapprobateur.

  • Du thé russe ? Tu me déçois mon petit. Allez, debout et va te préparer un véritable thé !
  • Hors de question ! Je n’ai pas envie de me plier à la cérémonie du thé à cette heure-ci.

La mémé Fujimi releva le menton et regarda son arrière-petit fils, affichant une immense déception mélangée à une profonde tristesse.

Yvan leva les yeux au ciel et s’extirpa de son fauteuil avec un tendre sourire. Il ouvrit un placard et en sortit un coffret en bois magnifiquement ouvragé.

  • Allez… Mais tu te contenteras d’un Bonryaku temae.

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