Chapitre 1

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Yvan Urusawa se tenait debout au milieu du salon, les bras écartés, en croix, les index ostensiblement dressés vers le plafond, la tête rejetée en arrière. Il inspirait par à-coups, comme s'il craignait qu'un gaz mortel ne vienne le terrasser. Il tournait lentement sur lui-même tel un derviche tourneur au ralenti. Dans un coin de la pièce, se tenant fermement l'un contre l'autre, un homme et une femme, la soixantaine bien entamée, attendaient dans une angoisse silencieuse.

Parisiens de naissance, Sétois de cœur et de passion, ils venaient de prendre leur retraite et pensaient acheter une villa sur la côte, pas trop loin de Sète qui restait, hélas, hors d'atteinte de leurs économies. Leur choix s'était porté sur la ville de Balaruc-les-Bains où ils avaient l'habitude de venir en vacances. L'agence immobilière leur avait présenté une série de biens et c'est pour une maison de plain-pied, pas loin du centre, qu'ils avaient eu un coup de cœur. Monsieur avait pourtant ressenti d'étranges choses lors de la contre-visite. Un mal-être qu'il n'arrivait pas à expliquer. L'agent immobilier, le sourcil plat, la lippe neutre, écouta attentivement la discussion entre les deux parisiens : « Encore des bobos « baby-boomers » qui pensaient voir des esprits... Peuchère ! » Il allait louper une vente à cause d'un monsieur un peu illuminé. Heureusement, il avait un atout dans sa manche : Yvan Urusawa ! Il leur avait parlé de ce consultant qui travaillait pour un cabinet de notaire de Sète. C'était un énergumène habitué à ce genre de manifestation paranormale et pouvait même les éloigner. Ni une ni deux, il organisa une autre visite avec Yvan.

Le trentenaire était arrivé en avance, et attendait sur le trottoir, lunettes de soleil d'aviateur sur le nez, casquette plate en tweed digne d'un français moyen des années trente, vissée sur la tête. Son air de premier de la classe, sa tenue élégante, juste ce qu'il faut, fit bonne impression au couple. Ses yeux, à la forme en amande particulièrement accentuée, trahissaient ses origines asiatiques. Né d'un père japonais et d'une mère slave, il avait hérité d'une beauté métisse troublante. L'agent immobilier était resté dehors. Dès l'entrée, Yvan avait demandé aux futurs acquéreurs de se tenir dans un coin, immobiles, silencieux. Casquette et lunettes rangées dans une poche de sa veste en cuir, il avait arpenté les pièces très lentement, comme un chien de chasse à la poursuite d'une proie, remuant de temps en temps la tête comme une antenne à la recherche d'un signal.

Il avait marqué une pause.

  • Vous aviez raison... Il y a quelque chose dans cette maison, dit-il d'une inquiétante voix rauque et profonde.

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