Déception

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Nous sommes de nouveau en France et j’ai repris mon activité à l’identique de notre départ pour Londres, même job et même entreprise. Le temps s’était entrouvert pour un extrait de vie parallèle, un autre univers s’y était glissé pour un instant, pour un extrait. Il s’est ensuite refermé pour revenir à la normal, mais quel ennuie sans vous.

Deux ans et vous êtes toujours absents, notre docteur nous dit de « travailler », un mot qu’il lui appartient, expression qui raisonne comme les propos d’un catholique. « Nous allons faire des enfants et nous travaillons pour dieux ».

Selon lui, tous nos examens médicaux, les miens et celui de votre papa sont bons, rien d’inquiétant. Alors, comme endoctriné, nous avons continué à travailler.

Nous sommes aussi dans notre routine, je me sens tel un robot réglé comme une horloge et votre papa comme un soldat allant à la guerre se lançant dans sa 1ère création de jeu, la tête enfournée dans son ordinateur 7 jours/ 7.

Nous sommes le 1er janvier 2015 et nous vous attendons depuis tellement longtemps, les 2 ans se sont écoulés très vite. La vie passe et file sans qu’on ne s’aperçoive vraiment. C’est comme la maille d’un pull qui se prend dans un crochet et qui finit par découdre toute la laine. Le temps n’est rien, il passe et nous échappe jusqu’à une certaine réalité.

Le début de cette année ne commence pas très en bien, je sors d'une grippe et le champagne me dégoute, quant au foie gras, je ne peux pas l'apprécier, étonnant de la part

d'une épicurienne que je suis. Ma poitrine qui me semble si lourde, m'oppresse bien plus que d'habitude. Il est 22h et je suis déjà épuisée. Tous ces signes, qui les autres mois étaient précurseur au test de grossesse, me laisse complètement indifférente, je sors d'une grippe et mon corps à juste besoin de repos. J'ai du retard dans mon cycle mais pas plus que d'autres fois. Je fais un test malgré tout mais sans conviction, auto-persuasion par peur de la déception ?

Et à ma grande surprise, ce Moment Merveilleux à la lecture de ces deux petits traits, gravé dans toutes les têtes des mamans et de la mienne aussi à présent ! Mais suis-je en train de rêver ? C'est juste impossible ? Toujours cette auto-persuasion, cette carapace que l'on se forge pendant toutes ces

années. Je décide donc dès le lundi qui suit de faire une prise de sang. La confirmation et la suite est juste magique, c'est une réalité, je vais devenir mère ! C'est aussi la délivrance de ma peur de ne pouvoir jamais donner la vie.

De nature très optimiste, je débute la projection : je regarde les vêtements de grossesse, j'achète de la documentation pour vivre au mieux ma grossesse, nous prévenons nos parents...etc.…un vrai feu d’artifice ! Tant de joie à partager ! A présent, il faut juste attendre la première écographie pour entendre battre le cœur du bébé, ça se compte en très peu de semaines mais le temps semble infini. La patience est mon maître mot.

Quelques jours suivants, des douleurs sont permanentes et de plus en plus fortes mais apparemment "ordinaires" m'a-t-on dit, il faut que mon corps fasse place au bébé. Mon euphorie me fait oublier ces maux et la seconde suivante, je suis envahie par la crainte, je suis dans cette ascenseur émotionnel ! J'ai envie de pleurer de joie ou de tristesse.

Aujourd'hui, c'est la première échographie, nous allons enfin voir ce petit être dans mes entrailles. Ce docteur faussement décontracté ou trop décontracté qui donne l'impression de sortir directement d'un dessin animé :

-"oh oh, on voit bien la poche mais vous êtes sûre de la date votre premier jour du cycle ? Car on ne voit pas le cœur, vous avez

sûrement ovulé tardivement, on se revoit donc dans une semaine".

Nous l'avons cru, jusqu'à ce soir-là, seulement quelques jours après où le sang coule. Un peu au début, c'est juste ordinaire, ça arrive. Mais la douleur est trop intense, à se tordre comme une victime de coup de poignard, ces maux intenses qui te hurlent que ton corps ne va pas bien. Je résiste encore, c'est normal, porter la vie est aussi souffrance et ça va finir par passer. Mais ces maux augmentent, tel le crie d'un bébé qui ne se fait pas entendre. Et puis, tout fini par s'effondrer, la tristesse et la culpabilité se fondent à ce sang et ce mal.

Ce rouge coule et représente le désespoir, l'amertume, le dégout, la colère mais la vie

qui part aussi. J'ai eu 37 ans avant hier et mon cœur est déchiré en mille morceaux.

Tout le monde nous demande de minimiser, après tout, c'est mieux ainsi car la nature est bien faite et puis ce qui prouve que la machine fonctionne ! Il ne faut pas perdre espoir, la prochaine fois sera la bonne. Tous les témoignages de ces femmes avec la même expérience et celui de notre docteur nous laisse entendre que ce sera notre tour très bientôt mais vous n'êtes jamais arrivé. Mon médecin généraliste m'explique, pour adoucir ma douleur, que c'était un "œuf clair", l'activité cardiaque n'a pas existé car l'embryon ne s'est pas développé.

Inconsciemment, j'ai attendu neuf mois, le temps que je ferme l'épisode de ce qui s'est passé et de me convaincre que vous ne viendrez pas. 9 mois, le temps d'une grossesse, je me sens vide. Je me fous de tout, toutes ces banalités quotidiennes sont un fardeau mais je continue à faire semblant de rire.

Et pourtant, à cette période, tout est sombre, je suis fragile et je pleure beaucoup. Pleurer, un sentiment refoulé ou assumé qui fait de chaque être ce qu'il est. Nous sommes tous soumis à des évolutions émotionnelles dépendantes de notre environnement et de notre perception, mais il est impossible de renier ce ressenti.

Quand on a connu la difficulté, on n'en apprécie plus le succès, alors pourquoi

vouloir lutter contre ces larmes. Le refus de lâcher prise renforce cette tristesse et vivre sans ces larmes est une utopie ! Il faut que j'assume qui je suis et ce que je vis, avec mes forces et mes faiblesses.

J'avais tout juste 18 ans lorsque j'ai eu une première opération chirurgicale des ovaires, un kyste dermoÏde sur l’ovaire droit. Inconsciente, je l'avais bien vécu mais la peur a commencé à m'envahir depuis 2006 après une autre opération d'un kyste lié à une endométriose, sur l’ovaire gauche. En effet, Le jour où ce chirurgien qui en entrant dans ma chambre, m'a annoncé assez brutalement, que mes chances d'avoir des enfants sont maintenant diminuées, restera comme un traumatisme et une peur considérable. Mais depuis ce jour, j'ai voulu être optimiste et ne

pas me focaliser sur cette annonce, j'ai donc enfoui cette nouvelle au fin fond de ma tête.

Mon expérience de vie qui a laissée de nombreuses années s'écoulées sans occasion de vouloir d'enfants car un enfant se fait à deux avec beaucoup d'amour et une base solide. J’avais 32 ans lorsque j’ai rencontré votre papa, alors que notre entourage avait déjà un ou deux enfants, nous, nous ne connaissions depuis trop peu de temps pour envisager d’entamer votre création. Aurions-nous dû ne pas attendre pour vous concevoir ? Pourquoi être parti à Londres ? Nous ne connaîtrons jamais la réponse. Nous avançons dans la vie et ce n’est pas avec des « Si » qu’on construit.

Les larmes représentent ce qui me pèsent depuis des années, je me sentirais plus légère

ensuite. Mais ce liquide salé, je le déteste, ce n'est que futilité. Néanmoins, je dois l'accepter.

Nous avons donc décidé de changer de médecin et de prendre notre destin en main car à présent, malheureusement, j'en suis certaine, vous ne viendrez pas sans l'aide de la médecine et notre médecin actuel n’a pas l’air de prendre notre situation au sérieux. A chaque consultation, il ne me reconnait jamais, comment peut-il m’aider à concevoir un enfant ?

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