52 – Ney : Comme une puce… orbitale

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Le retour à Ombrenade fut encore plus rapide que l’aller, arrivant au début du cycle nocturne. Il est temps d’exploiter les informations que Trend a obtenues juste avant de partir. D’après le wardner, la sécurité devrait les laisser procéder à l’interrogatoire.

« Pourquoi ne pas avoir envoyé Nightly ? demande la technophile.

– Tu as des compétences à ce niveau qu’elle ne peut pas égaler, la complimente Trend. Tsadir m’a expliqué comment vous aviez procédé sur Terre.

– Sur des Terriens c’est simple, mais dans les colonies… objecte Ney.

– Joshua Mazzy : ça ressemble à un pseudonyme ? oppose le wardner.

– Ok, je vois, se résigne la peluche. Tu as un peu de documentation sur lui ?

– Voilà tout ce que j’ai trouvé, lui indique Trend en lui transmettant le dossier récupéré des heures auparavant.

– Laisser Idle et Feyn seuls ne me rassure pas vraiment.

– Ils ne seront pas loin : une attaque dans la salle d’attente d’un poste de sécurité est un suicide caractérisé, ironise Trend.

– Bon, je vais leur annoncer. », termine Ney.

Elle s’approche de ses deux amis, tandis que le wardner intangible la regarde s’éloigner de lui. La nevian blanche se tient collé à Feyn : elle l’a définitivement adopté.

« Il faut que j’aille poser quelques questions à quelqu’un au poste de sécurité, ça ne devrait pas être trop long, leur explique Ney.

– On peut t’attendre ici, à moins que tu préfères qu’on t’accompagne ? demande le raton laveur.

– On peut venir ? s’excite Idle.

– D’accord, répond-elle. Mais vous devrez m’attendre dans la salle de réception. », accepte la nevian.

Le groupe se dirige alors vers le centre de sécurité, situé dans les premiers niveaux de la tour. À leur arrivée, Ney explique au syntha d’accueil qu’elle a été demandée pour interroger l’un des détenus. Dès qu’elle s’identifie, deux agents viennent la chercher en lui expliquant que Joshua est en cours de transfert dans l’une des salles d’interrogatoire. Derrière elle, Feyn et Idle s’installent dans les confortables fauteuils de la salle d’accueil.

Une minute plus tard, elle arrive devant l’entrée de la fameuse salle. L’agent des forces de sécurité lui explique rapidement : « Le protocole de sécurité exige que la salle soit coupée du réseau externe : c’est une cage de Faraday. Comme c’est une opération des wardners, il n’y aura personne avec vous et personne dans la salle d’observation. Le suspect est attaché, il ne pourra pas vous agresser. Si quelque chose se passe mal, il y a un bouton sur le bord de la table, de votre côté : une pression et je débarque. Vous avez besoin d’autre chose ? »

D’un signe elle lui répond « non », avant d’entrer dans la salle abondamment, mais froidement, éclairée. Elle ne reconnaît pas le suspect : l’identification numérique correspond bien à la femme qui avait apporté Samuel au spatioport, mais il n’occupe plus l’enveloppe temporaire d’alors. L’homme la regarde avec un sourire méprisant. Sans se démonter, Ney s’installe sur son siège après l’avoir réglé pour se placer à bonne hauteur.

« Les wardners emploient des peluches pour gamins, maintenant ? l’agresse l’homme.

– Bonjour, répond sèchement Ney. Vous aimez les enfants ?

– Pardon ? s’offusque Joshua, légèrement déstabilisé.

– Prettysand… Samuel… évoque Ney.

– Hein ? Qu’est-ce que j’en ai à foutre de ce môme ! Je n’ai fait que le livrer là où on m’a demandé de le déposer, s’amuse le contrebandier.

– Vous avez livré un enfant contre paiement. Visiblement contre la volonté dudit enfant et de ses parents, tente la technophile.

– Vous faites partie de la brigade des mineurs ? dénonce l’homme agacé.

– Donc, vous l’avez bien enlevé, confirme Ney avec une mauvaise foi volontairement outrancière.

– Doucement, je ne l’ai pas enlevé, se défend l’homme.

– Pardon, livré. », joue Ney.

Si l’homme a un logiciel de sociabilité ou une IA de supervision, il s’agit d’un modèle obsolète estime la technophile. Il est prompt à la colère et très imbu de lui-même note immédiatement la peluche. Analysant les gestes et mimiques inconscientes, Ney construit un schéma d’attaque.

Quelques questions d’étalonnage plus tard, et elle parvient enfin à le lire. Presque trop facilement. C’est un ancien terrien qui est arrivé dans les colonies récemment. Les corporations l’envoient régulièrement trimbaler du matériel illégal parce qu’il est tellement mauvais qu’en cas de capture il ne pourra même pas incriminer les corporations. Sait-il seulement pour qui il travaille ? Non, pas consciemment, même si sa mémoire a enregistré les éléments qui pourraient lui permettre de le deviner.

Revenons à l’affaire.

Ney continue son interrogatoire employant des tournures et des sujets annexes qui embrouillent l’homme. Avec une attitude passive-agressive, elle parvient à le manipuler et obtient quelques détails intéressants. Visiblement, quelqu’un a servi d’intermédiaire entre deux affaires.

D’un côté, le père de Samuel, resté sur Terre, s’est attiré des ennuis. Joshua n’y a pas fait attention, du coup il n’en sait pas plus. Ce qu’il a deviné par contre, c’est que les adversaires de ce papa ont demandé à quelqu’un dans les colonies de mettre la main sur l’enfant pour opérer un chantage sur le paternel. Avec l’intervention de Ney et des autres nevians, il est très probable que l’affaire soit en statu quo, mais Mazzy n’en a aucune idée.

De l’autre côté, quelqu’un a cherché à se procurer du matériel volé aux corporations, du matériel biomédical et pas mal de documents de recherches relatifs aux psions…

Quand il évoque le sujet, Joshua se rend compte qu’il vient de révéler quelque chose d’important. Il tente de se rétracter, mais désormais Ney en sait assez pour le faire plier si nécessaire. Elle reprend son examen : n’usant de mots que pour guider l’homme à la confession.

Le rôle de Joshua fut simple : un accident, provoqué par une tierce personne, a séparé Samuel de ses tuteurs légitimes. Le contrebandier a alors été placé dans l’enveloppe synthétique pour récupérer le gamin et le donner aux mercenaires. Il a ensuite transporté du matériel de laboratoire que les mercenaires ont fournis en échange de l’enlèvement.

Ney identifie maintenant les camps : les Stray Lions qui travaillent pour les adversaires du père de Samuel dans un conflit terro-terrien et Crémoche qui tente de se construire un centre d’étude sur les psions. Les mercenaires n’arrivaient pas à mettre la main sur Samuel alors Crémoche leur a fournis en échange du matériel. Pour toutes ses opérations, il a employé un agent suffisamment mauvais mais typique pour qu’il ne puisse pas être relié aux opérations de Bishop : Joshua Mazzy, un terrien fraîchement arrivé qui se prend pour un contrebandier de l’espace mais qui n’est finalement qu’un fusible pour les corporations.

Reste un détail : où se trouve Crémoche ? L’homme, vaincu, honteux et en larmes, avoue avoir livré le matériel dans un avant-poste relais situé sur l’une des îles de Kraken Mare, Bermoothes Insula. Parfait, l’un des nombreux sites SolNet de cartographie doit probablement avoir répertorié l’installation : avec tous les satellites publics qui balaient la surface au radar, il serait surprenant qu’elle ne la trouve pas.

Satisfaite, elle sort de la salle, le laissant humilié et défait. En des temps moins dramatiques, Ney ressentirait de la pitié pour l’homme.

Dehors, l’homme de la sécurité vient la voir et lui annonce : « Il y a eu un incident, mais la situation est sous contrôle. » Dans la salle d’attente, Feyn et Idle sont debout l’une blottie contre l’autre. Le raton laveur la regarde avec un soulagement presque palpable.

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