2 – Trend : Wardner en approche

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À demi-vautrée sur le banc, Ney, fait défiler les photos et vidéos du dossier au-dessus d’elle. Adossé sur le banc d’en face, Trend la regarde analyser les pièces qu’il a rassemblées. Autour d’eux, un dôme de foglets leur assure un minimum d’intimité. La semi-renarde a toujours eu une affinité pour ces brouillards utilitaires et le solar wardner lui-même reste en admiration devant le résultat. Lui-même a un peu de mal à faire la distinction entre ce qui relève des foglets et de la couche de réalité augmentée.

Autant se laisser prendre au jeu et profiter de la vue. Au-dessous d’eux, se déploie la voie lactée, immense et terriblement magnifique. Le disque de lumière, entrecoupé de nuages sombres dévoile de grands bras spiralant autour du halo central. Le cybernétique cherche Sol des yeux, mais sans illusion : si un jour il était vraiment perdu dans la galaxie, même s’il pouvait se déplacer librement dans la galaxie, il n’aurait jamais les moyens de retrouver son étoile natale. Une lueur bruitée, voilà ce que formaient ces milliards d’étoiles. Et une seule d’entre elles était la bonne.

Levant les yeux, il observe les milliards d’autres galaxies qui les entourent : Andromède est là, mais malgré tout lointaine. Effroyablement lointaine, même.

« Ok, Trend. Je commence à avoir une idée de l‘approche. »

La peluche rousse le regarde en souriant, tandis qu’il émerge de ses pensées. Il ne s’était perdu que quelques fractions de secondes, un temps qui n’existe même pas pour la perception humaine. Et pourtant elle avait déjà terminé son analyse.

« Bien, raconte-moi, lui demande-t-il.

– La première chose est d’être honnête avec elle. Elle passe son temps à résoudre des affaires avec, a priori, très peu d’informations initiales. J’imagine qu’elle sait lire les intentions mieux que quiconque et ne doit pas apprécier qu’on lui cache des informations.

– Je suppose, mais je n’ai jamais réussi à l’approcher.

– Tu es un solar wardner et elle a des raisons évidentes de t’éviter.

– Évidentes ? riposte-t-il en feignant d’être un peu vexé.

– Tu as des secrets ras les poches et tu passes ton temps à manipuler ton environnement.

– Je ne complote pas !

– Tsadir ? Verner ? »

Le cybernétique lève les paumes en l’air et simule un soupir. Elle lui avait lancé ces deux noms comme pour lui faire un croche-patte et l’arrêter dans son élan. Et lui-même reconnaît que ça avait eu son effet. Il s’était juré de se rappeler que Ney n’est pas qu’une mignonne petite peluche. Il l’avait envoyé sur Terre par erreur et elle en était revenue. Il avait assez de rapport sur ses activités pour avoir une idée assez précise de ses qualités et capacités. Bon sang : Tsadir elle-même lui vantait la capacité de pirater un humain juste en lui parlant !

Il reprend la parole : « Très bien. Tu penses pouvoir simplement la contacter ?

– Oui, ce n’est pas la partie difficile, lui répond-elle avec un air un peu amusé.

– Et tu crois qu’elle va te répondre ? Insiste-t-il.

– Elle l’a déjà fait.

– Pardon ? émet-il dans un sursaut.

– Tu ne l’avais jamais contacté simplement ?

– Elle m’a mis sur liste noire au premier contact… »

Ney marque une pause en se tenant le ventre et refrénant quelques éclats de rire. Un peu gêné, Trend baisse les yeux avec l’envie de se perdre dans les nuages d’étoiles au-dessous. Les spirales semblent suggérer un mouvement, mais les échelles de temps ridiculement incompatible avec celles humaines donnent à l’ensemble une immobilité presque divine.

« Elle est là. », l’interrompt-elle, en lui indiquant l’un des petits grains de lumière, noyé dans la masse de ces nuages irradiants. Immédiatement, un petit réticule violet entoure l’un des petits points alors que les trois lettres S, O et L s’affichent à son côté.

« On se perd facilement dans ces immensités, hein ? lui fait-elle remarquer.

– Oui. Tu m’as magnifiquement piégé, admet-il.

– C’était pas le but. J’aime juste l’immensité de ces choses. Ça relativise nos actions, nos êtres. C’est bon pour l’humilité je trouve.

– Comment vas-tu procéder ensuite ?

– Eh bien, j’ai un rendez-vous, dans quelques heures. Ici, à Ombrenade. Je ferais connaissance et je m’adapterais à la suite.

– Ne prends pas de risques inutiles : elle a toujours un coup d’avance. Je veux dire : son réseau, il a accès à des informations qu’il ne devrait pas pouvoir avoir. Et je ne parle pas d’accréditations ni de certificats…

– Je sais. Tu m’as donné tout un dossier. Je serais prudente et surtout je te garderais informé.

– C’est le moment de se séparer, n’est-ce pas ? » termine-t-il en regardant la peluche hyper-hybride ranger toutes les pièces du dossier d’un geste gracieux. Elle lui confirme d’un hochement de tête.

Alors qu’il se lève, la voie lactée s’efface tandis que le dôme de foglets se désintègre comme un essaim regagnant sa ruche. Ombrenade, la première citée de Titan s’expose à nouveau à leurs yeux et la grande tour de diamant et de composites leur renvoie le reflet de la grande muraille d’habitation portant le petit parc qui les abrite.

Ney jette son sac sur l’épaule, fait un petit signe de sa main gauche au solar wardner et s’en va.

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