TI - 2   Ne jamais sauter le repas du matin

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J’ai dormi ! Mes vêtements, dispersés à terre. Il me manque une chaussette, tant pis. Je referme doucement sur moi les portes du vestibule et de la salle de bain. Trouve une serviette dans un tiroir, évite le reste du regard. Le jet trop chaud et la vapeur. Ses produits. Odeur familière que je mets sur moi. Je m’habille, cheveux mouillés pas coiffés, étends la serviette du mieux possible à côté de la sienne. Dans le noir total, je localise à tâtons mes chaussures, mon sac, ouvre la porte, sors ses clefs de la serrure, me faufile dans l’entrebâillement. Tête dans les épaules, je redoute le claquement. Il se produit. J’attends un instant. Pas de mouvement, je descends les trois étages à toute vitesse.

Dans le cocon de ma voiture, un sentiment de bien-être m’envahit. Les yeux piquent de cette nuit presque blanche. Je l’ai fait. J’ai dormi chez lui. Dire Straits à la radio : Sultans of swing. Je me détends tout à fait, heureuse. La boulangerie est fermée : ouverture à 7 h 30. Je marche, j’aurais dû prendre un pull. J’accélère et me couvre de sueur. L’alcool de la veille. Le lac est beau. Silence. Voile de brume. Soudain, un mouvement. Un ragondin glisse souplement dans l’étendue brune, ses petits yeux me surveillent. Je me fige.

Les véhiculent passent, plus nombreux. Qu’est-ce qu’il prendrait pour le petit-déj ? J’ai envie de pain au chocolat. En route vers le centre-ville, je rêve de pains au chocolat. Leur odeur me fait venir l’eau à la bouche quand le commis débloque enfin l'ouverture automatique. J’en achète une quantité déraisonnable, manque d’éventrer le sac en papier pour me servir. C’est chaud, huileux, croustillant. La barre de chocolat fond en brûlant mes papilles, se mélange au beurre salé. J’en ai plein les doigts, aller-retour sur le pantalon avant de toucher le volant.

Je me gare devant chez lui, c’est juste la bonne heure, les habitants du quartier partent travailler. J’entre, vacarme de la porte, repose ses clefs. Il m’a proposé un double voilà longtemps. J’avais refusé. Il est là. Un drôle d’air.

— Quoi, je t’ai réveillé ? Tiens, les croissants ! Pains au chocolat en fait.

— Tu es partie quand ?

— Vers 6 h, 6 h et demie. Je n’arrivais plus à dormir.

— Tu as dormi ici ?

— Ben oui… ça fait plaisir que tu l’aies remarqué !

— Un café ?

— Je veux bien. Pas beaucoup dormi.

— Pas facile la vie en couple, hein ?

Je pique trois grains de café avant qu’il remplisse le compartiment du perco. Sous l’éclairage cru du puits de lumière, on ne doit pas avoir l’air très frais. Il attrape les deux tasses. Les muscles de son torse nu se tendent. Il en joue. Je le suis du regard, le provoque en croquant mes graines amères. Il ne sait toujours pas s’il aime ma petite manie ou si elle l’exaspère. On se frôle dans la pièce minuscule. La machine ronronne.

Je savoure mon café, il me tire, viens, je ne ronflerai pas cette fois. Ses lèvres rient, ses yeux promettent.

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