Chapitre XXXIV : Danser dans les ténèbres, Partie 3

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 "Tu n'as pas à me craindre, Hérylisandre. M'interpelait alors une voix féminine.

- Que ? Quoi ?!

- Je ne sssuis pas ton ennemie. Bien au contraire.

- Par-Pardon ?

- Je ne voulais pas t'effrayer. Mais je n'avais pas d'autre choix que de t'immobiliser, je sssais que tu as une phobie très prononsscée pour les ssserpents.

- C'est d'autant plus une raison pour moi de me méfier.

- Sssauf que je sssais ausssi quel est ton don. Je sssais que tu peux lire dans les pensssées. Un pouvoir très puisssant, mais dont tu as déjà sssouffert.

- Comment peux-tu savoir ça ? J'ai toujours fait attention à ne pas le révéler aux Mithreïlidiens. Je ne comprends rien. Peut-être étais-je encore en train d'halluciner.

- Non, la psilosscybine ne fait plus effet, enfin, disons plutôt que tu t'es débarrasssée de son emprise.

- De quoi parles-tu ?

- Du composant chimique qui se trouvait dans les spores du champignon que tu as inhalés.

- Si tu le dis... Mais cela ne m'explique ni pourquoi tu parles, ni comment tu as fait pour savoir que j'étais capable d'entendre les songes.

- Parssce que nous sssommes sssœurs, Hérylisandre. Elle relâchait alors son étreinte, s'enroulait sur-elle même, se dressait et me faisait face. Toi et moi, nous allons faire de grandes choses. Je le sssais.

- Comment pourrais-je être ta sœur ? Je suis humaine et toi... Tu es... Un serpent.

- Humaine ? Laissse-moi rire. Te crois-tu sssemblable à n'importe lequel des autres humains ?

- Hé bien...

- Tes yeux sont dépourvus d'irisss, tu posssèdes le don de la télépathie universsselle. Tu es ausssi capable de matérialiser tes émosstions les plus vives afin de te rendre plus forte. Nous ne sssommes donc pas sssi différentes l'une de l'autre.

- Matérialiser mes émotions ? Je ne comprends pas.

- Croyais-tu réellement que la puissanssce dont tu as pu faire usage parvenait de ton espadon ?

- Et bien c'est ce que j'ai cru comprendre... Puisque... Je me sentais idiote subitement. Puisqu'il communiquait avec moi.

- Sssauf que ssce n'était pas ton arme qui te parlait, elle n'agisssait en réalité que comme un catalyseur, de ton pouvoir et du mien. Ssc'était moi qui te murmurait d'agir, car ma capacité me permet de prendre possession d'un objet, je ne peux pas le contrôler, mais je peux communiquer par ssson biais. Bien que la télépathie sssoit un don que les autres fratries utilisent ausssi, dans leur cas, ils ne peuvent que sss'en ssservir pour communiquer entre eux. Toi, tu peux naviguer dans n'importe quel esssprit à ta guise. Bientôt, tu ssseras même en mesure de possséder la volonté de quiconque.

- Posséder la volonté ? Les autres fratries ? Peux-tu aller plus lentement, mon cerveau se remet de ce sale épisode comme il le peut. J'ai peur de ne pas tout saisir d'un coup.

- Tu te sssouviens de Teïnelyore, n'est-ssce-pas ?

- Ah ça... Je la déteste. Je la hais.

- Figure-toi qu'elle fait partie de notre grande fratrie. Tout comme toi, elle est dotée de capacités extraordinaires.

- Je m'en étais doutée, dès qu'elle saigne, elle devient surpuissante. Cela m'a terriblement frustrée.

- Ne te tracassse pas avec sscela. Comme je te le disais, tu vas acquérir asssez de puisssanssce pour la vaincre. Tu pourras même régner sur tout Mithreïlid si tu le désires. Or, je sssais très bien que tu veux prendre ta revanche sur ssce Monde que tu trouves ingrat et imparfait.

- Peut-être, mais je suis très loin de maîtriser mon pouvoir. Je ne peux plus m'approcher d'une foule, sous peine d'être frappée par de terribles migraines. J'entends toutes les voix qui se mélangent, toutes les pensées m'agressent.

- Je t'apprendrai à contrôler ton don.

- Pour en revenir à ce dont tu me parlais : donner forme à mes ressentis, comment puis-je faire ?

- Remémore-toi ton combat contre Teïnelyore, ou bien tout à l'heure. Sscela arrive lorsque tu es désespérée, tu penssses au pire, et alors, ton corps se gorge d'énergie, tu te teins de l'obssscurité qui inonde ton âme. Je sssuis sscertaine que tu pourrais faire encore mieux, mais il te manque de la puisssanssce.

- C'est pour cela que tu me suggérais de venir ici ? Quel livre peut bien garder un Dragon pour que cela vaille la peine de s'y frotter ? Je ne serais pas de taille pour l'affronter, je le sais d'avance. Je soufflais, énervée. Je n'ai pas pu faire mieux que juste égratigner Teïnelyore, qui elle, avait taillé en pièces une de ces créatures le matin même. Donc je suis curieuse de savoir ce que contient cet ouvrage. Puis dans un marais... Où peut-il le conserver ? Comment en connais-tu l'existence ? Certains détails m'échappent.

- Ssce tome contient les écrits obssscurs de notre géniteur. Qui foula Mithreïlid bien avant nous, mais qui fut bien vite jugulé par les Dragons, protecteurs de ssce Monde. Tout comme toi, il avait désscelé que les habitants de sscette Terre étaient animés par une animosité sssans pareille, ausssi, avait-il pour projet de tousss les anéantir.

- Je les déteste, je veux bien l'entendre. Mais au point de vouloir tous les tuer... Je ne sais pas. Cela me paraît tout de même excessif.

- Pourtant, tu as bien conssstaté l'avidité, l'arroganssce de ssceux que tu penssses être tes sssemblabes. Tu sssais très bien que sssi tu ne leur sssers à rien, ils te jugeront, te rejetteront, puis t'oublieront. Tandis que toi, tu as jussste cherché à les aider, les conssseiller. Voilà ta récompenssse... Sssans compter le fait que...

- Je sais que je ne pourrais pas donner la vie ! J'enrageais plus farouchement, tandis que mes yeux se remplissaient de larmes. C'est bien mon plus grand tourment, sans ça, rien de tout cela ne serait arrivé ! Je serais restée avec Urghal pour le restant de mes jours. Il m'aurait aimée, inconditionnellement, mais il a fallu que je possède ce don maudit et pas la capacité d'enfanter. Moi qui me voulais être juste, je ne suis finalement qu'une proie à l'injustice. Ce monde est cruel. Mes joues scintillaient d'une coulée salée. Pourquoi n'ai-je pas été normale...

- Ne crois pas que ton pouvoir sssoit une tare. Il sss'avère ssseulement que persssonne ne sssoit en mesure de te comprendre. Tu n'es pas défectueuse, il n'y a que ssce monde qui ne fonctionne pas normalement. Toi, bien au contraire, tu vas le remettre dans le droit chemin. Il ne te manque qu'un peu de puisssanssce pour y parvenir !

- Et tu penses donc que ce fameux ouvrage me permettrait d'acquérir des pouvoirs supplémentaires ? Je me demande juste où est-ce qu'il pourrait être dissimulé dans un tel amas pourrissant. À moins que le Dragon n'ait creusé une caverne, dans laquelle il aurait caché tous ses biens. Il nousf aut alors trouver le monstre en question. Il doit veiller de très près à sa planque.

- Je penssse ausssi que ssson trésor est disssimulé. Je sssais où ssse trouve le Sssaurien. Il a dû me prendre pour un des ssses sssemblabes. Nous devrions agir en connaisssanssce de cause. Je vais le dissstraire, pendant que toi, tu iras dérober le livre.

- Je veux bien, mais à quoi ressemble-t-il ? C'est vaste comme description de rechercher un grimoire. S'il y en avait plusieurs... Je ne veux pas prendre le risque de me faire dévorer pour un simple recueil de poésies ou une encyclopédie. Tu me comprends ?

- Je sssuis sscertaine que tu sssauras deviner lequel est-ssce. Il te faudra agir rapidement, je ne pourrais pas détourner ssson attensstion éternellement.

- Entendu, allons-y alors."

 Sans avoir la conviction que ce plan allait fonctionner, je suivais le serpent qui semblait se diriger vers la profondeur obscure du marécage, l'après-midi touchait à sa fin, la luminosité déjà tamisée par les feuillages des arbres du marais diminuait davantage minute après minute. Bien que la confiance du reptile me rassurait, j'imaginais encore et toujours me faire engloutir par le Dragon, et cette pensée me faisait frissonner. Je venais de saisir mon espadon, me préparant à chaque instant afin de faire front, d'au moins être en mesure de pouvoir parer un assaut qui m'aurait été fatal. Mon escorte s'interrompait subitement, se tournait vers moi "Regarde par là bas".

  Sa tête me désignait un espace dégagé et débarrassé de toute végétation, tout avait été labouré, déplacé et saccagé. Seuls deux ailerons dorsaux de plusieurs mètres de long dépassaient de la surface opaque et moussante de l'eau croupie. Les deux crêtes étaient pourvues de longues pointes osseuses tendant des pans de toile noire et mauve. Si l'on avançait trop près, j'étais convaincue que cette présence toute-puissante ne pouvait pas être décelée, et ainsi, le saurien, camouflé et embusqué pouvait déchiqueter les aventuriers innattentifs qui n'avaient pas été en mesure de se rendre compte de l'incroyable talent de dissimulation adopté par la créature fantastique.

 Nous restions inertes, et inspections les alentours. Plus un bruit ne parasitait la lande en putréfaction, même les gargouillis écœurants de l'eau avaient cessé de rendre l'atmosphère plus infâme qu'elle ne l'était. Nous cherchions à déterminer dans quel sens l'animal légendaire était-il tapi. Je distinguais quatres pics sombres striés de courbes pâles d'un bord dépassant d'un fourré qui s'apparentaient à des ornements caudaux, et deux cornes recourbées à l'opposé des lamelles dorsales. L'imposant gardien du marais devait mesurer une vingtaine de mètres.

 Je prenais conscience de l'incroyable créature qui attendait que nous tombions dans son piège... Comment cela pourrait-il bien se passer ? Allais-je mourir face à cette créature légendaire ? Trop de questions se bousculaient dans ma tête, perturbée par les ténèbres environnantes et leur atmosphère toxique.

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