Chapitres XXX : Ondes et Souvenirs, Partie 2

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 J'avais du mal à m'extirper de ma torpeur, craignant de ne chuter dans une nouvelle phase onirique.

 "Tu es bien là Gnas ? C'est bien toi ? Lui glissais-je apeurée que la réponse ne soit pas positive.

- En chair et en sang Evi', c'est moi je suis bien là. Me retournait-elle, la voix pleine de sanglots. Je n'aurais pas dû partir, tu fais toujours des bêtises quand tu réfléchis seule. J'ai bien cru que tu avais disparu de la surface de ce monde.

- Je n'ai pas réussi à terrasser ma mère. J'étais trop sûre de moi, cela m'a valu d'être éjectée je ne sais pas où. Pour finalement me réveiller ici.

- Tne' m'a dit que c'était ici qu'il t'avait rencontrée la première fois. Tu as été envoyée dans une montagne. Enfin ce n'était pas vraiment toi. Elle défaisait le cocon de bras qui m'entourait, passait sa main dans mes cheveux. J'ai dû te terrasser, sous une forme draconique.

- Un Dragon ? Tu as dû te transformer en Dragon pour me vaincre ? Lui demandais-je.

- Non, c'était toi le Dragon. Tu étais ultra en colère, comme jamais je ne t'avais vue auparavant. Puis, j'avoue que j'avais aussi une légère rancune contre toi, alors tomber sur ton double mafé... mali... Raaah, maléfique. Zut à la fin. Bref, j'ai pris mon pied à te faire mordre la poussière.

- Je n'aurais pas dû partir sans te dire où j'allais. Je n'aurais pas dû partir sans toi. Je te demande de me pardonner Gnas. Depuis tout ce temps, je... Je me sentais rougir comme une Croqmate. Je te dois la vie, et pas qu'une fois en plus. J'avais tort de me croire plus forte que toi. Quand tu n'es pas là, j'ai l'impression d'être moins forte, et comme tu n'es pas là pour enchaîner les catastrophes, c'est moi qui fait n'importe quoi. J'étais si près du but Gnas, si près. J'ai retrouvé Irasandre.

- Et alors ? Ces mots sortaient d'un buisson, qui recrachait en plus un petit homme. Je savais bien que c'était cette plage, mais les souvenirs filent ! Tne' apparaissait à son tour. Je t'avoue sans peine que j'ai bien failli ne pas venir, moi.

- Tu dis ça a cause de la Prêtresse, pervers. Surenchérissait Gnas. Pendant que toi tu prenais une rouste Evi', Tne' lui se régalait dans un village où les femmes ne portent pas de haut. Bon, il était condamné à mort, mais ça c'est pas étonnant. Finalement, la future Grande Prêtresse du village lui a fait les yeux doux et...

- Merci Gnas de résumer les choses comme ça et de déformer la réalité. Soufflait Tne'.

- Mais de rien. C'est toujours un plaisir de coltor... Tolcor.. Enfin de dire les nouvelles, quoi.

- Tu voulais dire colporter ? Lui demandais-je. C'est bien de savoir que les choses allaient bien pour vous. Leur disais-je, heureuse de retrouver ces deux êtres qui m'étaient si chers.

- Oui, voilà.

- Sauf que ce n'était pas que pour la Grande Prêtresse, j'avais peur, peur de me retrouver à nouveau dans une embuscade, ou à devoir encore éponger du sang qui ne devrait pas être versé si inutilement. Peur d'être lié à vos agissements déraisonnés qui finiraient bien un jour par avoir raison de moi. Mais... Il prenait un air apaisé, inspirait l'air marin et se rapprochait de nous. Mais même sans prendre de risque, même sans que vous n'en soyez responsables, j'étais en effet amené à me faire tuer pour avoir trouvé le village arboricole. Si Gnas n'était pas arrivée à cet instant-là, je ne serais plus. Alors pendant que je m'entretenais avec la Prêtresse...

- Ouiiiiii ? Lâchions-nous en chœur avec Gnas, nous doutant de ce qu'il s'était sûrement passé.

- Ahem. Il avait compris que nous avions interprété différemment son entretien. Je me suis dit qu'entre mourir seul entouré d'inconnus ou avec vous, je préférais encore trépasser à vos côtés. Puis comme disait Gnas : "Si tu ne veux pas te battre, quelqu'un sera bien obligé de le faire pour toi", je pense avoir compris que c'était la réalité-même de Mithreïlid. Si nous ne décidons pas de changer la tournure du monde, quelqu'un sera bien obligé de le faire et défigurera peut-être notre terre.

 Alors c'est à nous d'agir. Durant un court laps de temps, Gnas et moi le regardions surprises, comme choquées d'un tel élan de bravoure, surtout venant de Tne'. Lui qui n'était brave que pour épier les aventurières se lavant dans les rivières, ou pour mettre des insectes en bocaux. Il reprenait.

 Nous devrions nous dire que nous ne nous devons rien. Nous passons notre temps à nous sauver mutuellement, même s'il est vrai que Gnas passe son temps à faire ça, nous sommes tous autant impliqués dans notre situation et localisation actuelles. Plus qu'un groupe, nous formons une équipe, je regrette d'avoir pensé à vous abandonner dans la forêt.

 Mais j'en avais marre, un peu, de vous deux. Je pensais, un peu simple, que tous les malheurs du monde vous étaient dûs. Je n'aurais pas dû. Il terminait sa phrase et nous rejoignait Gnas et moi, s'incorporant au mic-mac charnel que nous formions. Nous sommes invincibles si nous restons à trois, je ne douterai plus de vous deux. Proclamait-il en essayant de nous englober avec ses petits bras.

- Ça y est tu as fini ? Gloussait Gnas.

- Mais !

- Je plaisantais, rolala. Ca fait toujours du bien d'entendre que l'on n'est pas un monstre. Pas vrai Evi' ?"

 Moi j'étais effondrée, pas en mal, mais tant d'aveux et de mots réconfortants me faisaient un bien fou. Je voyais la Gnas et le Tne' de mes rêves disparaître, je me sentais rassurée de ne pas avoir été oubliée ici, réconfortée que toutes ces dernières heures de mauvais délires se soldent par ces retrouvailles.

 Pour la première fois dans ma vie, on m'avait extirpée de ma paranoïa et de mon angoisse. Je n'allais pas perdre les pédales et faire n'importe quoi. Pour une fois, c'était la joie qui noyait mon âme plutôt que ses consoeurs colère et perdition. Quel soulagement. Quel soulagement de connaître ces deux personnes qui me sont si importantes.

 "Et Ira-truc alors, qu'est ce que tu as trouvé ? Pourquoi tu as parlé de ta mère ? Me demandait Gnas.

- Quand je suis partie après m'être rétablie, j'ai pris directement la route de Teysandrul.

- Teysandrul ?! Les deux réagissaient à ce nom, mais pas de la même façon ; Tne' semblait être inquiet à cette annonce, alors que Gnas ne savait juste pas de quoi il s'agissait. Teysandrul, Gnas, c'est la ville sombre, le siège d'Irasandre, la cité qu'elle gouverne. En tant que reine sombre.

- Aaaah, mais vous en parliez l'autre soir, non ? Interrogeait Gnas en regardant Tne'.

- En effet, l'ancienne Grande Prêtresse semblait avoir été contemporaine de cette dernière. Elle ne nous en a dit que du mal, qu'elle pratiquait des rites sombres. Il se coupait net, comme s'il voulait échapper à une vérité qu'il venait de saisir. Attends, Evialg, pourquoi disais-tu que tu n'avais pas réussi à terrasser ta mère ? Sur un ton anxieux.

- Et bien... Je ne savais pas si je devais leur dire pour Irasandre, pour Teysandrul, pour moi ; pour une fois je savais, depuis que je foulais Mithreïlid en leur compagnie, je pouvais enfin affirmer savoir ce que j'avais fait et qui j'étais en partie. Je... J'étais médusée, un peu intimidée par leurs regards impatients, et surtout je craignais que ces révélations les effraient. Je suis partie vers Teysandrul parce que quelque chose ou quelqu'un m'y appelait, j'avais l'intime conviction que j'en apprendrai plus là-bas. Je me demandais encore si je faisais bien de leur raconter.

 Une fois sur place, j'ai ressenti un profond mal-être en voyant certaines bâtisses, en passant à certains endroits, j'avais l'impression de connaître le lieu mais d'en avoir gardé un souvenir amer. J'avais appris plus tôt qu'Irasandre avait été ou était encore souveraine de Teysandrul. J'ai donc été jusqu'à la tour de commandement en plein centre ville, un bâtiment immense rempli d'idiots. En gagnant le plus haut étage, j'ai fait face à Irasandre, toujours reine, toujours puissante et... C'était le moment de me taire ou d'assumer. Et...

- Allez, dis ! Venait de s'exclamer Gnas.

- Et j'ai surtout fait face à la vérité, Irasandre m'a avouée avoir seulement usé de moi, sa fille, pour essayer de gagner quelques années de vie. Lâchais-je à bout de souffle.

- Oh. Se contentait de dire Tne, sidéré.

- Mais ça veut dire que la reine sombre, c'est ta mère ?! Lançait Gnas, faisant remarquer qu'elle avait compris. Waouh. S'interrompait-elle.

- Je pensais avoir réussi à la vaincre. Je l'ai mise en pièces, lui ai tournée le dos quelques instants mais elle s'était remise, et m'a éjectée de la tour, sauf qu'à ce moment-là c'est comme si j'avais été intérieurement coupée en deux. Je devais leur dire. Une partie de moi, tu l'as combattue Gnas, l'autre a échouée ici, là où j'avais mis fin à mes jours, avant que Tne' ne me trouve.

- Tu t'étais suicidée ?! Scandait Tne', choqué. Mais pourquoi ? Et pourquoi ne pas me l'avoir dit alors ? Pourquoi ne pas me l'avoir énoncé quand je t'ai repêchée ?!

- Parce que je ne le savais pas. Lui répondais-je calmement. Mes souvenirs se sont décantés, où ont été amenés à se clarifier, seulement grâce à une suite d'événements tenant du hasard et de la manipulation. Irasandre a trouvé un moyen de faire suivre notre voyage, elle a fait remettre son chaperon à une auberge sur notre chemin et a envoyé des milices dans notre sillon, tout ça pour me faire retourner à Teysandrul où j'avais déjà été, d'où ces horribles sensations passagères. Je sentais les larmes monter à mes yeux et mon souffle se tarissait.

 J'y ai été enfermée sous les ordres d'Irasandre, torturée et violée. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement dans ces cachots, mais j'ai acquis la force de m'en libérer et... J'allais endosser la responsabilité d'une terrible réalité. Et je me suis servie de cette puissance pour massacrer les habitants de Teysandrul et ravager la cité. J'éclatais en sanglot. Comprenez bien que je ne le voulais pas, je ne voulais pas faire ça. Je ne voulais pas avoir pu être responsable de ça.

 C'est pour ça que je me suis donnée la mort, ici même sur cette île. Il y a plus d'une centaine de cycles. Voici la deuxième fois que je meurs, deuxième fois que j'accède à une autre chance. Quand je regarde devant moi, je vous vois dans mon avenir, mais quand je me tourne en arrière, je ne vois que la mort, celle qui m'habite et que je propage. Je veux avoir foi en ce qui vient, foi en vous.

- C'est bien beau de dire tout ça... Mais le problème reste le même quoi qu'il en soit. Mettre à mal la Reine Sombre et enrayer ses sombres desseins ça ne va pas être simple. Ronchonnait Tne', qui semblait avoir fait son choix.

- Elle est forte mais loin d'être invincible, j'y étais vraiment presque. Je soufflais. Mais c'est vrai que la vue était assez spectaculaire, voir cette immense cité depuis une telle hauteur, ça et le fait que je croyais avoir réussi à occire Irasandre, j'étais aux anges. J'ai été trop bête.

- Elle était morte et est revenue à la vie ? M'interrogeait Gnas.

- Non elle a du feindre d'être à bout après s'être retrouvée clouée au mur et que je l'ai arrosée de coups.

- Sympa les réunions de famille. Ironisait Tne'. Qu'est ce que ça doit être quand vous avez vraiment quelque chose à vous reprocher...

- Mais elle s'est liquéfiée pour se sortir de son attache, et là...

- Là quoi ? Continuait Tne'.

- À ce moment-là elle m'a dévastée. Je me suis retrouvée face à un flash mauve et grésillant. J'ai déjà vu quelques prouesses magiques mais là, ça les dépassait de loin. Puis la force de sa magie... Je me suis envolée comme une feuille dans une bourrasque.

- Peut-être que tous les trois nous y arriverons ! Lançait Gnas optimiste.

- C'est vrai que nous multiplions nos chances de la battre. Tne' me regardait. Il semblerait que Gnas soit devenue très forte, soulignaient Eruxul et l'ancienne Grande Prêtresse. Aetherys avait même l'air de dire que son arme choisissait son guerrier, notre Gnas doit avoir un sacré potentiel.

- Elle a un sacré potentiel... C'est vrai. Constatais-je en l'observant, Gnas ayant fait un demi-tour sur elle- même. Elle est belle aussi, c'est... Ma vue s'était arrêtée sur le postérieur de Gnas. Bien bombé, on a envie de le pétrir. M'égarais-je, fièvreuse.

- Hein ? Demandaient les deux autres surpris.

- Non ce que je voulais dire, c'est que c'est de la bombe et qu'on a envie d'en pâtir pour ceux qui la croiserons. Essayais-je de me reprendre, gênée.

- Avoue qu'elles t'ont manquées. Me taquinait Gnas, qui semblait avoir compris, s'était retournée et venait de se plaquer contre moi, saisissant une de mes mains et la plaçant sur ses fesses. Nous avons plein de choses à rattraper toi et moi. Elle regardait Tne'. Et toi tu seras pas là à ce moment-là ! De toute façon tu as déjà ta prêtresse. Gloussait-elle.

- Ces idées toutes faites que tu as, toi. Rétorquait-il. De toute façon vos cochonneries...

- C'est bon, hein, fais pas comme si tu ne nous regardais pas quand nous nous lavons dans les rivières. Je sais qu'en plus tu profites de me soigner pour me tripoter.

- Pas du tout. Mon palpage est professionnel. Jamais intro-personnel.

- C'est ça, oui. Prends moi pour une truffe. C'est le moment Evi', nous devons soutenir notre cause, protéger notre pudeur ! Moi je ne disais rien, et me contentais de lui sourire. Cet enchaînement de satisfaction et ce "palpage" comme l'aurait dit Tne', m'avait rendue toute chose, et je sentais une coulée chaude le long de mes cuisses. Gnas venait de m'attiser comme une folle. Pourtant la dernière fois, dans le cellier de l'auberge, j'avais plus eu l'impression de la brusquer qu'autre chose. Mais là son message semblait clair.

- J'ai perdu mon sabre aussi, enfin... Ton sabre Gnas. C'est bien bête. Laissais-je échapper en quittant mes pensées.

- Ce n'est pas grave ! J'en ai trouvé un mieux ! Tu ne peux plus faire apparaître l'autre ? Demandait curieuse Gnas.

- Je n'en sais rien. Et si je n'y arrivais plus me disais-je. Je tendais mon bras et serrais ma main, me concentrais pour voir si je pouvais encore invoquer mon arme. Une quantité d'énergie incroyable traversa mon corps et sous le regard de Gnas et Tne, lentement, mon arme prenait forme.

- Mais elle...

- Elle n'est plus blanche du tout !" S'exclamait Tne'.

 Dans mes doigts, un pommeau double trônait, il était sombre comme l'ébène, tandis que la lame, elle, a la manière d'un millier d'insectes, vibrait et produisait un bourdonnement infernal, tout en brillant d'un éclat pourpre vif. Plusieurs images se succédèrent dans ma tête. Une lame, une marque runique, du sang, Irasandre, une cité en feu et pour finir, moi, avec une couronne sur la tête. J'étais extraite de mes songes, perdais la canalisation de mon arme et retombais à genoux.

 "Ce n'est pas bon du tout, ça. Me contentais-je de dire."

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