Chapitre XIX : Odeur de foudre, Partie 1

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 Je n'en pouvais déjà plus. Quelques secondes à peine d'affrontement contre cet adversaire redoutable, quelques secondes à peine, et j'étais déjà à bout de force. Cette technique, sa connaissance de notre groupe. Étions-nous traqués pour que cet assaillant nous tombe dessus ? Gnas et Tne' avaient été soufflés au préalable par l'impact du "crash" provoqué par le mystérieux combattant. En plein milieu de cette forêt étroite...

 Mêmes certains arbres avaient été arrachés. Tant la constitution de Gnas me rassurait quant à sa survie, mais Tne'... Pas le temps de réfléchir, alors que je pensais, "l'autre" s'était précipité sur moi. Habilement il se servait des arbres encore debout pour se propulser, je n'arrivais pas à suivre ses mouvements. Il se retrouvait à ma portée.

 C'était le moment ! Je laissais apparaître mon arme, et assénais un violent coup... À moitié étouffé par un tronc se trouvant dans la trajectoire de la lame lumineuse. Le guerrier esquivait puis rebondissait, il me feintait sans cesse. Je tournais sur moi-même pour ne pas le perdre des yeux, jusqu'à ce que je finissais par trébucher sur une motte ou une racine.

 Mon arme se décomposait avant ma chute. Je sentais une pénétration, puis deux. Sans même regarder je le savais, des couteaux de lancer venaient de se loger dans mon dos. Je les extrayais sans attendre, glissais sur le côté et me relevais. Plus un bruit, plus personne en vue non plus. Je piétinais en scrutant mes alentours. Il était encore tout prêt par contre, j'en étais convaincue.


Je percevais un bruissement de feuilles, qui venait d'au-dessus de moi. L'homme se laissait tomber sur moi. Nos fronts se rencontraient, encore un choc violent que je recevais, et le voilà reparti à sauter dans tous les sens. Et Gnas qui ne sortait toujours pas de son buisson, c'était bien le moment pour daigner se battre. Le coup de crâne m'avait troublée, suffisamment pour ne pas même voir venir la frappe suivante arriver. Ce coup de pied me faisait valser, ma projection était "amortie" par un tronc. Je me hissais sur mes avant bras, je voyais littéralement rouge, un filet abondant de sang me coulait sur le visage. J'avais dû m'ouvrir.



 "Evi'..."



 La voix de Gnas peinait à me parvenir aux oreilles, je ne savais pas d'où elle provenait.



 "Aide-moi... Au dessus."



 Un bref coup d’œil en hauteur me laissait l'entrevoir.



 "J'ai mal... Fais vite."



 Elle était plaquée à l'écorce d'un arbre gigantesque, complètement tétanisée. De son ventre sortait une branche et de la plaie provoquée par l’impressionnante perforations se déversait un important flux de sang. Je paniquais légèrement et me dressais sur mes pieds, comment la sortir de là...


 "Excuse-moi d'avance".



 Sans trop lui laisser le temps, je sautais et m'accrochais à l'extrémité boisée la transperçant, nos poids la faisaient céder, je récupèrais Gnas difficilement durant sa chute, elle m'entraînait avec elle et nous nous affalions dans les surgeons. Elle plaquait nerveusement ses mains sur son ventre, plantait ses yeux dans les miens. Ils me rappelaient notre réveil, la chaleur de sa poitrine contre laquelle je dormais paisiblement, l'odeur de sa peau chaude, les cicatrices sur son corps sur lesquelles je laissais glisser mes doigts.



 "Ne fais pas cette tête. Me disait-elle sereinement. Je me suis déjà retrouvée dans bien pire sita.. situation. À croire que j'aime quand tu me sauves. Je craquais, ses mains se plaçaient sur mon visage. Pour une guerrière froide, tu es plutôt gentille quand tu veux.. Tiens deux minutes et je te rejoins.."



 Ses yeux se fermaient sur moi. Une boule se formait dans mon ventre. Je pleurais de rage. Et même ça, je n'en avais pas le temps. J'entendais des pas rapides froisser le tapis de feuilles, me voilà à nouveau être la cible d'un autre bond en avant. J'étais en train de bouillir.



 "Je vais le tuer, je vais le tuer. Me répétais-je dans la tête."



 Je me penchais pour éviter l'attaque et saisissais l'agresseur pour mieux le renvoyer dans l'autre sens. Ça aussi il le voyait venir. Il se retournait en vol, et retombait sans trouble sur ses appuis. Mais je le suivais au pas de course, et le chargeais même, de ma colère venait ma vitesse et de ma course venait ma force; mon bras suivait mon mouvement et lui arrivait droit dans la mâchoire.

 L'impact était violent mais je ne sentais pas autant de dents sous mon coup que je ne l'espérais.. Nos précédents face à face étaient trop rapides, je n'avais pas pu distinguer qui ou quoi était-il. À quoi m'attendais-je ?


 De ma frappe s'en suivait son retrait de quelques pas. Il crachait quelque chose, probablement des dents. Quoi qu'il pouvait être, j'avais réussi à lui casser quelques chicots. Je ne me relâchais pas et lui fonçais à nouveau dessus. En bon mouvement retour, il me repoussait et me faisait choir sur le tapis forestier. Je finissais nez à nez avec la dent. Un croc. Ou alors une vraiment très grande canine.

 Cette dextérité et cette capacité à sauter partout.. Pas possible. Nous nous faisions face à nouveau. Ses yeux étaient étranges, immenses et verts, fendus à la moitié par une grosse amande noire. Un croc ? Des yeux "comme ça" ? Impossible. Un humanoïde félin ? Difficile de faire le lien entre un chaton de compagnie et lui. Je n'allais pas m'attendrir pour un sou. Il ne me tournait jamais le dos, peut-être...



 Je lui fonçais droit dessus en ouvrant ma garde, il le remarquait et s'engouffrait dans mon piège. Je plongeais à ses pieds et me retournais immédiatement derrière lui. Il avait une queue, que je cramponnais désormais méchamment. Il n'avait pas réagi assez vite et tournait maintenant au-dessus de ma tête. Après avoir assez voltigé, je le lâchais en direction d'un arbre. Il n'y grimpait pas cette fois-ci et l'encaissait de pleine face. Il s'écrasait au pied du tronc. J'allais avoir la paix. Finalement pour un combat mal engagé, je m'en étais bien sortie. Puis si sa tête ne s'était pas enfoncée sur sa nuque, il allait avoir un réveil douloureux, le minou.


 Je reprenais mes esprits et allais vers Gnas. Je songeais aussi à Tne', n'ayant toujours aucun signe de vie de sa part, le pauvre devait être dans les choux. Un bruit aussi peu rassurant qu'horrible me parvenait aux oreilles.



"Le chaton a pas eu sa... Je me coupais."


 L'être qui quelques instants auparavant ne m'arrivait même pas au menton, venait de se disproportionner. La bête faisait deux fois ma taille, quatre fois ma largeur au moins; il avait désormais une gueule immense pourvue d'énormes crocs. La bête se redressait sur ses deux pattes arrières, son torse était énorme, ses bras s'apparentaient à deux masses. Je ne me sentais plus aussi sereine. "Ça" rugissait, à en faire vibrer le sol.

 Qui plus est, la bestiole avait l'air furieuse, vraiment furieuse. Assez pour tailler un tronc en miette à l'aide de ses griffes, avant de m'en envoyer les morceaux débités. Je parais les projections de mes avant-bras, mais pas le coup de patte qui suivait. Un vol plané et quatre entailles sanguinolentes, voilà ce que je venais de gagner. Je ne pouvais plus me servir de mes bras, j'avais trop mal.

 La bête tantôt bipède pour se battre, ne s'en déplaçait pas moins mal à quatre pattes, puis elle était trop grosse ; dans cet espace restreint par les arbres, elle me tenait prise au piège partout. Désormais, je sautais, rampais, courais autour de la zone défrichée dans laquelle nous battions, je fuyais du mieux que je le pouvais.

 Cependant une mauvaise réception après avoir sauté au-dessus d'un tronc et je reprenais de plein fouet une nouvelle attaque. Mon abdomen, était déchiré, mon sang coulait bien trop désormais, la bête était penchée au-dessus de moi, se dressait et cela pour mieux me retomber dessus. Je voyais le sourire de Gnas, les mains tendues de Tne, une vision d'un cachot . Voilà. C'était la fin de mon histoire. Un dernier rugissement de victoire avant de m'achever.


 Le coup avait dû être trop fort, trop intense pour que je ne le sente même pas. Mes yeux s'ouvraient sur le postérieur alléchant de Gnas, qui trônait face à moi, j'étais morte. Maintenant, c'était sûr.
Mais non. Si je voyais son derrière de si près, c'est qu'elle venait de s'interposer entre la créature et moi. À mains contre pattes, elle avait bloqué l'impact me menaçant, et elle tenait bon. Son regard croisait le mien, il n'était pas comme d'habitude, comme si ce n'était pas Gnas. Plus étonnant, durant cet instant, des gouttelettes de sang lévitaient entre nous.



"C'est parti" soufflait-elle.



 Tout le sang jusque là visible alla ramper jusqu'à Gnas, puis la recouvrit lentement, se propageant sur elle, toujours en train de maintenir la pression de la bête. Il y eut un renversement de force, annoncé par un hurlement effroyable poussé par Gnas, le monstre laissa échapper comme un cri d'étonnement, avant de finalement se faire repousser, puis saisir à la ceinture. Gnas le souleva comme une crêpe, puis il finit écrasé au sol, la tête la première. Gnas se pencha sur moi et tout en baladant ses mains sur mes plaies, me désira l'espace de quelques instants du regard et se retourna pour se jeter sur le monstre dans les vapes.


 Je la voyais frapper sans limite la gueule de l'immense félin, jusqu'à en faire sauter chaque canine, jusqu'à en expulser ses yeux de leurs orbites. La bête convulsait, battait l'air de tous ses membres, Gnas poursuivait la lutte par d'amples coups de crâne. Un "Crrrrrr" ignoble retentissait, les pattes s'étaient calmées. Ma comparse elle, non ; elle déchirait maintenant la nuque de l'adversaire à terre à coup de dents.


 Ma douleur s'était atténuée et le toucher de Gnas avait fait miraculeusement cesser mon hémorragie. J'étais sauvée. Tandis que ma sauveuse, elle, continuait de frapper le cadavre, ne se rendant pas compte que les derniers mouvements du combattant n'étaient que les échos des martèlements qu'elle-même assénait. Elle reculait, laissait tomber ses bras, le sang accumulé sur son corps suivait son mouvement.

 Sa posture changeait, elle se précipitait vers moi, soulevait avec une rare délicatesse ma tête et me donnait un baiser, tout en laissant traîner ses lèvres sur mon visage y agglomérant une couche de sang. Elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait, je n'étais ni en état de râler, ni même de lui refuser quoi que ce soit. Son visage se soulevait du mien, elle avait l'air gênée, je lui faisais comprendre en rappelant ses lèvres du regard, que tout allait bien. Si ce n'était mon état général : j'étais brisée et déchiquetée.

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