Chapitre VII : Souvenirs ensanglantés

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Pourquoi est-ce que tout tangue dans mon crâne ? Pourquoi il n'y a rien ici ? Un néant total m'entourait. Seule ma douleur me donnait encore l'impression d'être en vie, je ne comprenais pas. Où étais-je ? Que se passait-il ? J'étais en train de m'enfoncer dans une forêt, m'enfuyant tout en emportant les deux autres, et là, plus rien. Je ne voyais pas, c'est pour ça qu'il n'y a rien ici.

Mes yeux étaient fermement clos, mes paupières trop lourdes pour que j'ai la force de les soulever, le vide que je percevais était strié par de grands éclairs, parfois blancs, parfois écarlates. Je commençais à reprendre pied dans mon corps, et je parvenais à ouvrir les yeux. Je me trouvais dans une pièce, étrangement commune, désagréablement familière.

Sans que je n'arrive à bien discerner ce qui m'entourait, j'avais juste le sentiment d'avoir déjà été quelque part dont émanait la même atmosphère. J'étais allongée sur une table de pierre, lentement je retrouvais mes esprits, mais le lieu dans lequel je me trouvais était encore occulté, je n'apercevais toujours que les quelques pas autour de moi. La douleur ne me quittait pas, sans que j'arrive à même pouvoir mouvoir un seul de mes membres, sans même pouvoir déplacer un seul de mes doigts, je perdais anormalement mon sang, j'étais en train de me vider.

J'étais impuissante, mes membres étaient paralysés, j'allais goutte après goutte, mourir ici, incapable de bouger. Cela ne servait à rien d'appeler à l'aide, j'étais seule. Après tout, n'était-ce pas ce que je désirais par-dessus tout avant de me retrouver ici ? Ne me mélanger qu'à mes adversaires, les tuer, me rouler dans leur sang, faire corps avec toute cette hémoglobine. Je n'avais jamais eu besoin de qui que ce soit. Pourquoi cela devait-il changer ?

J'ai erré suffisamment longtemps dans un désert pour avoir le temps d'y grandir, et sans personne. Pourtant, pour la première fois de ma vie, la solitude, venait de déclencher une abondante coulée de larmes. Pourquoi étais-je en train de pleurer ?

« Tu pleures, car tu le mérites, et tes souffrances aussi tu les mérites, Monstre. »

Une voix se faisait entendre, elle m’interpellait, car je l'avais déjà entendue, mais où et quand ? Toute aussi horrible que détestable, cette voix masculine, je la connaissais et la détestais avant cet instant, j'en étais sûre. Marquée par son intonation emplie de violence et de cruauté, il devait me haïr pour avoir un ton pareil envers moi.

Mais qui était-il ? Mes bras vibraient et me rappelaient les coups que j'avais reçus de cet homme, des plaies s'ouvraient sous mes yeux, mon corps était traversé et réveillé par des souffrances atroces, ma peau se lacérait puis se régénérait, pour à nouveau se balafrer.

 Les propos me visant se rapprochaient de moi, et enfin apparut une silhouette, qui, peu à peu se dessinait avec précision. Une toge mauve et tachée de sang, un visage aigri et plein de rancœur.

« Depuis combien de temps est-ce que tu es torturée ? Comment pouvais-tu t'être retrouvée ici ? C'est ce que tu te demandes, pas vrai ? Oh tout le monde te croit morte, ça c'est sûr. Après tant de jours de lutte. La vie s'arrête pour tout le monde, Reine Rouge. Sifflait-il en me dévisageant.

- Quoi ? Les mots semblaient ne pas être sortis de ma bouche, en plus je ne comprenais rien à ce qu'il me disait, ses viles paroles étaient tellement troubles, j'avais terriblement mal, comme si ma poitrine se déchirait de l'intérieur. Quoi à la fin ?!

- Tu mérites plus que quiconque d'être malheureuse, bouchère, tu mérites de souffrir plus que n'importe qui, toi qui as tué la Lumière ! Mais tu ne mérites pas de mourir, car cela serait bien trop simple pour toi. Endure la frustration que tu nous as infligée en tuant notre Reine ! Cela me donne même envie de continuer à te faire ressentir la même souffrance que la mienne, là tout de suite ! »

Il s'approchait de moi, de mes blessures déjà si douloureuses. L'air vibrait, mes oreilles bourdonnaient. Pourquoi était-il ici ? Étais-je condamnée à errer avec mes peines sans qu'elles ne cessent ? Puis, quelles peines ? Comment pouvais-je être ici encore une fois ? La Lumière ? La Reine ? De quoi cet homme me parlait-il à la fin ?

Je voulais rouler hors du banc de pierre sur lequel j'étais allongée, je voulais quitter mon corps dont je me sentais prisonnière, mais ce dernier était amorphe tandis que mon esprit se débattait autant que le ferait un animal acculé ; je désirais plus que tout me redresser et lutter pour ma survie à présent. Je voyais ses mains se rapprocher de moi, et enfin un son s'échappait de ma bouche et rompait mon silence forcé.

Un hurlement de douleur et de rage, provoqué par ses doigts, qu'il enfonçait dans ma chair meurtrie, la maltraitant, la rongeant, je ne pouvais pas même me débattre, et des larmes brûlantes ruisselaient sur mon visage, des larmes de haine. Je voulais partir d'ici, je voulais fuir à jamais cet endroit. Je fermais les yeux.

  « Ouvre les yeux. Le nom par lequel il m'appelait était incompréhensible. Ne fuis pas la douleur, tu n'y échapperas pas, toujours elle sera là, elle te traquera touj... »

Tout s'arrêtait.

« Ouvre les yeux Gnas, je t'en supplie, ne meurs pas ! »

Mon interlocuteur était une tout autre personne. Ses mots résonnaient dans mon crâne, sans complètement tous les distinguer, ces derniers m'évoquaient une mélodie cristalline. La détresse de cette femme, dissipait lentement le froid qui entourait mon corps. Je sentais que l'on m'étreignait, une aura puissante m'englobait et me protégeait, tandis que deux bras m'enlaçaient.

« Ouvre les yeux Gnas, bon sang ! Tu ne peux plus m'abandonner maintenant, je te dois la vie ! »

Mon visage était balayé par une caresse légère, je sentais d'abondantes gouttes perler sur mes joues et mon front. Ma tête était soulevée lentement, une main la soutenait, une autre me serrait la taille. Cette voix à la fois étrangère et familière, à la fois si tendre et si singulière, je la reconnaissais maintenant, c'était celle d'Evialg.

J'ouvrais mollement les yeux, espérant ne pas me réveiller à nouveau dans ce cauchemar. Mes oreilles redécouvraient le bruissement des feuilles, tandis que cette chevelure mauve qui m'empêchait de voir quoi que ce soit, me confirmait bien qu'Evialg était actuellement de fondre en larmes. Elle pleurait, elle me pleurait. Ses mains si fines me réchauffaient, se contractaient un peu trop fort, ma douleur revenait, je laissais un souffle s'échapper.

Sa tête se souleva subitement de moi, et ses yeux blancs rendus écarlates par le chagrin se plantèrent dans les miens. Son visage était recouvert de sang, ses perles pâles esquissaient alors un timide sourire. L'embarras envahissait mon visage, je détournais un instant mon regard du sien, constatant que nous étions toutes les deux affalées dans une mare. Une mare de sang.

« Gnas ! Tu es en vie ! J'ai eu peur de te perdre...

- Qu'est-ce-qu'il s'est passé ? Peinais-je à demander. »

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