Chapitre 47F: février - mars 1799

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J'avais demandé à Auguste de faire parvenir notre nouvelle adresse à sa sœur, afin qu'elle continue de nous envoyer de ses nouvelles. C'est ainsi qu'à la mi – février, je recevais un faire part de naissance. J'allais voir ma belle – fille couchée sur son lit pour lui montrer. '' Monsieur et madame Armand Corcelles vous annoncent la naissance de leur fille, le quatorze janvier 1799 ''

—''Je m'en doutais tenez. Elle prend le temps de m'écrire pour la naissance des deux premiers, et puis ensuite, on passe à la version facilité. Ce qu'elle m'énerve ! Elle n'a pas que ça a faire, là – bas que d'écrire des lettres? Quand on sait que ce n'est même pas elle qui les écrit, c'est quand même un peu rageant. Elle aurait au moins pu y mettre le prénom de sa fille, dans son fichu faire – part.

—''Oh, vous savez, les gens sont comme ça. Au début ils font mine qu'ils ne vous oublieront jamais, même à dix jours de voiture, et qu'ils vous écriront tous les mois, et puis au fil du temps, deux ans, cinq ans, dix ans, la famille s’agrandit et les visites s'estompent jusqu'à disparaître. Les lettres aussi.

Je soupirais.

—''Je l'ai élevée, je l'aime tendrement, et je ferais tout pour maintenir les liens, en sachant que si je ne pourrais jamais aller la voir, c'est à elle de faire l'effort de se déplacer jusque ici. Et puis, au pire, si la voiture est trop petite ou je ne sais quoi, ils n'ont qu'à laisser leurs enfants aux nourrices, ce n'est pas un problème pour eux. Je suis bien consciente du temps qui passe et la distance et qui finit toujours par estomper les liens qu'on aurait pu créer, mais je pense qu'avec quelques efforts de chaque côté, on peut ralentir le processus d'oubli.

—''Sinon, j'avais une question d'ordre pratique. Me conseillerez – vous d'allaiter ?

— ‘’ Écoutez, cela dépend...

—''Parce-que Léon – Paul m'a demandé de choisir en sachant que si je n'allaite pas, et qu'il doit payer une nourrice, il devra renvoyer Jeanne, faute de moyens suffisants en plus du cocher à rémunérer. Le problème, c'est que je n'ai ni envie de devoir faire le ménage, ni devoir me réveiller au milieu de la nuit pour donner le sein.

—''Je serais dans votre situation, j'allaiterai. D'abord parce que je n'ai pas envie non plus de devoir faire les poussières, et puis surtout parce que c'est un limitateur de naissances très efficace si vous ne voulez pas vous retrouver à la tête d'une famille nombreuse en l'espace de quelques années. Vous comprenez ? Il suffit pour vous d'allaiter un an pour avoir facilement deux ans d'écart entre chacun de vos enfants. Réfléchissez – y mais personnellement, j'y vois plus d'avantages.

Marie se déplaçait en courbant le dos, mais épuisée, elle passait le plus clair de son temps au lit. Son mari y était très attentif, il veillait à ce que Jeanne lui apporte sa soupe tous les soirs, l'aide à se laver, et il lui appliquait une saignée une fois par jour. Ce n'était pas un moment qu'elle appréciait je pense, mais selon mon fils, cela permettait d'évacuer un trop plein de sang néfaste au bébé. L'après – midi, ou quand Jeanne était occupée dans la maison, je passais la voir, pour m'assurer que tout allait bien. Une fois, elle était à demie assise sur son lit, elle avait relevé sa robe et rabattu le drap sur le bas de son corps, laissant son ventre à l'air.

—''Regardez comme il bouge. C'est impressionnant.

En effet, son ventre rond se déformait au fil des coups de pieds et des mouvements du bébé, qui devait manquer de place. C'était singulier, car on le sentait si proche de nous, on aurait dit qu'il voulait déchirer la peau de sa mère pour sortir. On aurait cru pouvoir distinguer son visage. J'avais vécu cinq grossesses, et assisté à de nombreuses dans ma vie, mais c'était la première fois qu'un enfant se manifestait autant dans le ventre de sa mère. C'était bon signe, il était en bonne santé.

Mon fils se rendait cinq jours par semaine à l'Hôtel-Dieu pour y exercer, mais son poste ne lui convenait pas du tout. Ayant été embauché comme commis au service anatomie de l'établissement, il s'occupait notamment de gérer les collections et de veiller à leur bonne conservation. Mais il voulait soigner les gens. Il était médecin. Cependant, et bien qu'il y ait réfléchi, il refusa d'accoucher sa femme. Il me disait qu'il s'en voudrait trop si cela se passait mal. Quant a moi, je comptais bien rester avec Marie pour la soutenir pendant la naissance de son enfant.

J'écrivais à Malou pour avoir de ses nouvelles, en espérant une réponse rapide. Elle devait s'ennuyer car je recevais sa lettre seulement une semaine et demie après.

Louise,

Je suis désolée de ne pas avoir pu vous écrire pour l'arrivée de Marie-Louise, mais sa naissance aura été longue et douloureuse. Heureusement, elle est en excellente santé, et ses frères sont aux anges. Pourquoi ne passeriez – vous pas sur Bordeaux un de ces jours ? Nous vous y accueillerions avec joie, et ce serait l'occasion de voir notre maison, les enfants et les vignes qui la bordent. Par ailleurs, j'ai appris par mon frère que vous aviez récemment déménagé sur Rouen ? Ça ne nous rapproche pas pour autant... Si nous devions vous rendre visite, ce ne serait pas cet été, car nous partons avec mes beaux – parents rendre visite à une des sœurs d'Armand qui habite avec son mari dans le pays basque. J'imagine déjà mes deux fils courir sous le chaud soleil du sud avec leurs cousins, et faire prendre des couleurs à ma puce qui aura alors six ou sept mois. Je suis ravie d'avance. Je vous souhaite une bonne santé,

Malou.

Elle était adorable en m'invitant, mais je savais très bien que jamais je ne pourrais faire le déplacement jusqu'à Bordeaux. Je dépendais de mon fils financièrement et pour mes déplacements, et jamais il ne pourrait se permettre de ne pas recevoir son salaire pendant plusieurs semaines.

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