Chapitre 46F: Marie

4 minutes de lecture

Le soir venu, autour du souper, Léon – Paul me promettait qu'il m’emmènerait dès que possible voir Marie, sa future fiancée, qui vivait chez son père dans un hameau voisin. Le soir, par la fenêtre de ma chambre, je regardais les étoiles, pensive, en laissant le vent du soir caresser mes joues. La vue que j'avais depuis le deuxième étage de la maison était simple : l'arrière de l'église et le clocher en levant un peu les yeux. Tout était calme, mais si le village s'endormait tôt, c'était sans doute qu'il devait se lever tôt. Réveillée a six heures par les cloches de l'église, il se trouvait que j'avais raison. Je me levais avec difficulté et je tirais le rideau : le village s'éveillait avec le soleil, et les paysannes qu'on appelaient ici '' dors jamais'', comme si elles veillaient chaque nuit sans s'assoupir, secouaient leurs paillasses par les fenêtres pour en libérer la sueur et la crasse. J'enfilais une robe propre et simple, mes souliers, attachais mes cheveux et je descendais les escaliers grinçant pour rejoindre mon fils à table, si il n'était pas déjà parti.

C'est seule que j'avalais mon bol de lait et ma tartine de beurre. Ce matin – là, j'envoyais dans une enveloppe scellée l'équivalent du loyer du mois d'août, pour boucler mes dettes envers le propriétaire de mon ancien appartement parisien. En plus de Gustavine, j'écrivais à Auguste pour qu'il transmette ma nouvelle adresse à sa sœur, au cas où elle voudrait m'envoyer de ses nouvelles.

Le dimanche trois septembre, comme promis, après la messe mais avant le dîner, Léon – Paul nous faisait conduire au hameau de Saint – Germain sur Bresle, pour prendre un dîner avec la famille de Marie, qu'il avait eu le temps de prévenir grâce à la proximité des deux adresses. Pendant le très court trajet, je découvrais l'existence d'une petite rivière au bord de la Houblonnière, La Bresle, m'expliquait Léon – Paul, sur laquelle les pêcheurs traquaient le poisson avec cannes et filets.

Un domestique nous accueillait. Dans le salon, où étaient attablés quelques personnes, le père de famille assis en bout de table se levait en nous voyant. Il serrait la main de Léon – Paul, qu'il avait l'air de connaître.

—''Bonjour docteur Aubejoux.

—''Je vous salue docteur Gillain. Voici ma mère.

L'homme, un collègue de mon fils, s'inclinait légèrement. Je lui rendais son salut.

Nous nous installâmes à table, et si Léon – Paul saluait un par un ces gens qu'il connaissait déjà, en qualité de parfaite étrangère, je laissais faire monsieur Gillain. Ils se levèrent un par un en souriant, je n'aurais pas pu savoir lequel était le plus jeune.

—''Bon, madame Aubejoux, je vous présente Pierre, mon fils aîné, mes cadettes Charlotte, Anne, Catherine et Guillemine. En revanche, je laisse votre fils présenter ma benjamine.

Mon fils regardait l'assemblée, puis elle, puis moi, il était un peu hésitant.

—''Voilà... maman, je vous présente votre future belle – fille, Marie.

Elle était blonde, bien taillée, assez jolie, mais elle clignait des yeux intempestivement.

La jeune femme souriait et je pu m’ apercevoir qu'il lui manquait deux dents de devant. Je lui baisais les joues par courtoisie et nous pûmes commencer à manger. Un plat de melon et de pastèque en entrée, de la truite saumonée avec du riz et une mousse au chocolat en dessert.

Je mangeais le poisson par politesse, mais je crois que mon seul vrai dégoût alimentaire ne s'estomperait jamais. Après le dîner, nous visitâmes la maison, qui comptait trois étages et dans laquelle cette famille avait toujours vécu. Si mon fils l'épousait, Marie la quitterait pour venir vivre avec nous à La Houblonnière. Léon – Paul et le docteur Gillain discutaient médecine avec le fils aîné Pierre, en passe de succéder son père dans le cabinet familial, pendant que Guillemine faisait des allers – retours entre sa maison voisine et ici pour vérifier un temps soi peu le sommeil de son bébé. Catherine avait quatre jeunes garçons aux études, Anne était célibataire tout comme Pierre, tandis que Charlotte était mariée sans enfant. La fille de Guillemine, âgée de quatre mois, était donc le seul nourrisson de la famille, choyé comme l'unique.

Le soir venu, nous rentrâmes avec une promesse de retour. Quant Léon – Paul aurait terminé de payer la lourde dot réclamée par Joseph Gillain, pour sa benjamine qui avait encore des prétendants, il serait en mesure de la prendre comme fiancée. D'après ses calculs, en mettant chaque mois de côté soixante francs et en remerciant Gustavine qui l'avait intégralement remboursé, il arriverait à une date de fiançailles en 1798. Un peu de patience ne lui ferait aucun mal, sauf si le docteur Gillain en manquait. C'était ce qu'il craignait, bien que ce soit un honnête homme et collègue.

C'est sur cette note que nous terminâmes l'été. Je m'ennuyais énormément, car mon fils avait embauchée dès son installation il y a sept ans une bonne qui s'occupait du ménage.

Ce soir là, en lisant son courrier, Léon – Paul souria.

—''Nous devrions en profiter pour aller leur rendre visite. Repliait t-il le papier.

Je m'approchais de lui, curieuse.

—''Que se passe t-il ?

—''Vous souvenez – vous de mon ami Henri Guedon?

—''Je crois...

—''Vous savez, celui qui s'est marié à Versailles il y a deux ans et qui m'avait suivi pour vous rendre visite à Paris.

—''Ah oui ! Avec Théotiste ! Après tout, comment oublier un nom aussi peu courant ? Et alors ?

—''Et bien elle vient d'accoucher de leur deuxième enfant et comme je ne les aient pas vu depuis quelques semaines, car lui était parti à Paris passer son diplôme, je me disais que ce serait l'occasion d'aller les voir.

—''Complètement. Quand partons – nous ?

—''Pourquoi pas demain ?

Samedi matin, mon fils prévint la bonne de notre absence, et du dîner à préparer pour notre retour. Le bourg où ils vivaient était semblable à Rouen ou Paris, en mille fois plus petit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0