Chapitre 46D: angoisse

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Son retour à peine vingt minutes après son départ le lendemain matin n'annonça rien de bon.

—''J'ai été remplacée... Hallucina t-elle les larmes aux yeux. A cause de vous.

—''Comment ça ?

—''Pendant mon absence, ils ont embauché quelqu'un d'autre. Ils ont décidé de le garder. Si je ne m'étais pas absentée, j'aurais encore mon travail.

Prise soudainement d'une grande honte, je baissais la tête.

—''Je n'ai rien a dire. Je suis vraiment confuse.

Sans en rajouter, elle se leva de table pour aller chercher sa toilette de nuit. Je me rendais dans la cuisine en attendant qu'elle s'habille, elle allait se coucher et je finissais la marmite de soupe, seule, dans un silence angoissant. Nous discutâmes un peu le lendemain.

—''Vous savez Gustavine, c'était peut – être pour moi une des dernières occasions d'aller voir mon neveu. J'y suis très attachée, je l'ai vu naître, et maintenant qu'il est père de famille, cela me touche beaucoup d'aller lui rendre visite et de prendre de ses nouvelles.

—''Je ne vous ai pas demandé de justification.

—''Si j'avais su à quel point vos employeurs étaient cons... Et puis, je me dit que renvoyer quelqu'un comme ça, ce n'est qu'un prétexte. Si vous n'auriez pas été absente durant ces deux jours là, ils auraient trouvé une autre raison.

—''Je ne vous écoute pas tellement vous m'énervez. Ce que je veux que vous me disiez maintenant, c'est comment je vais nourrir mes enfants en attendant de retrouver un poste.

Je haussais les épaules.

—''Vous n'aviez qu'a réfléchir au lieu d'engager des mois d'économies dans un procès qui n'aboutira sans doute pas. Avez – vous vraiment tout dépensé ?

—''Oui, j'ai payé d'avance les honoraires de l'avocat.

—''Que voulez – vous que j'y fasses, moi ? Soupirais – je

— ‘’ Écrivez à votre fils pour lui demander de nous envoyer de quoi vivre pendant quelques semaines. Nous le rembourserons au fil de l'eau.

Réticente mais ne voyant pas d'autre solution, c'est ce que je faisais, le soir même, en priant pour qu'il réponde vite, même négativement.

Quant aux deux petites filles, elles se trouvaient ravies que leur mère s'occupe d'elles tous les jours.

A notre grand bonheur, mon fils aîné nous envoyait dix jours plus tard une enveloppe contenant trois cent francs, que nous devrions lui rembourser au plus vite car ils faisaient partie d'une épargne mise de côté depuis cinq mois pour payer la dot de celle qui deviendrait peut – être sa fiancée. En effet, en Normandie, c'était au marié de verser de l'argent au père de sa future femme pour lui permettre de financer le voyage de noces et les festivités et de prouver que ce n'était pas un pauvre gars. Si je n'en savais pas d'avantage sur ma future belle – fille, c'était sûrement à cause de cette dot sans doute élevée qui faisait qu'il n'était pas sûr de pouvoir l'épouser.

Grâce à ma crème de fils, nous passâmes l'été tranquillement, sans pour autant faire de folies, avec Gustavine qui multipliait les rendez – vous chez les riches bourgeois de la ville pour retrouver le plus vite possible un emploi. Elle avait décidé d'être honnête, en avouant qu'elle avait deux enfants pour s'épargner des journées de quinze ou seize heures, mais cela lui compliquait beaucoup la tâche.

Le seize août, Bernadette avait cinq ans, et quelques jours plus tard, Jacqueline perdait sa première dent de lait. Elle alla le morceau ensanglanté dans la main voir sa maman qui lui expliquait la banalité et la fréquence à son âge de ce petit événement de la vie.

Elle finissait par décrocher un poste chez un couple de riches rentiers. Lorsqu'elle rentra en m'annonçant qu'elle avait peut – être trouvé un emploi, je l'embrassais.

—''Voilà, si j'accepte, je travaillerais uniquement le soir et la nuit, pour quatre cents francs par mois, tous les jours sauf le dimanche, le vendredi et les jours de Carême.

—''Mais vous n'avez pas accepté ?

—''Non, je voulais vous en parler avant.

—''Mais Gustavine ! Ça fait un mois que vous cherchez et Léon – Paul a besoin qu'on le rembourse pour se marier ! Vous auriez dû accepter de suite !

— Écoutez – moi s'il vous plaît Louise. Je ne suis pas une nymphomane, d'accord ? Si je dois faire ce travail pour garantir une assiette et un toit pour mes filles, je le ferais, mais pas sans réflexion.

— Comment ça ? Je ne comprend pas.

— Je serais payée pour gâter le patron, c'est bon, vous avez compris ?!

Choquée, je baissais les yeux. Elle comptait jouer les prostituées de luxe cinq soirs par semaine. à la question du risque de maladies vénériennes ou de grossesse, elle me répondait qu'elle prendrait elle – même les précautions nécessaires. Je n'avais rien à rétorquer, car elle m'aurait répondu que je n'avais qu'a chercher un travail moi – même ou à le faire. J'avais bien du mal à m'endormir, car je savais qu'elle souillerait la famille autant que son corps.

Elle s'en allait voir ce couple le lendemain, pour leur donner son accord et elle commençait à travailler le soir – même. C'est en sanglots qu'elle rentrait le matin suivant, son patron n'étant apparemment pas un homme très prévenant. Ma belle – fille souffrait corps et âme mais elle pouvait désormais déménager et offrir de meilleures conditions à ses filles.

En effet, grâce à son confortable salaire, la jeune mère s'installait rapidement dans une location de trois pièces de l'immeuble d'à côté. Elle considérait que Jacqueline et Bernadette étaient maintenant assez âgées pour rester seules les soirs et les nuits où elle travaillait. Quant à moi, désormais dispensable, je rassemblais mes affaires pour quitter Paris, rejoindre mon fils en Normandie. Léon– Paul, dans son dernier courrier, m'avait écrit qu'une voiture affrétée par ses soins m'attendrait devant l'immeuble entre le vingt – neuf août et le premier septembre.

Je remplissais la malle de mes vêtements, mes bibelots, quelques bijoux. Lorsque se posa la question du grand tableau de la chambre, qui avait une valeur sentimentale énorme, et après peu de réflexion en réalité, je le décrochais et je décidais de l'emporter. Je le remettrais dès que possible à Auguste qui vivait non loin de chez Léon – Paul. Le vingt – huit au soir, après avoir accroché un petit mot sur ma porte d'entrée pour signaler au propriétaire lorsqu'il viendrait chercher son loyer que j'étais partie, j'étais fin prête.

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