Chapitre 44A: Bernard

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Nous arrivâmes bientôt en mai et je me demandais bien si Malou avait accouché, et comment elle se portait. Préoccupée de la savoir si loin de nous face à cet événement aussi douloureux qu'important, j’attendais de ses nouvelles avec une immense impatience.

C'est le huit mai que je recevais la lettre tant espérée. Gustavine travaillait ce jour-là mais je ne pouvais pas attendre plus longtemps. Je décachetais l'enveloppe d'un coup de ciseaux et je dépliais le papier jauni.

Chères Louise et Gustavine,

Mon fils Bernard est né le sept avril dernier, j'ai beaucoup souffert, mais mes belles – sœurs m'ont soutenues et je suis la plus heureuse des mères.

Ici il fait très beau, Armand travaille la plupart du temps à la maison et de ce fait, il a beaucoup de temps libre pour s'occuper de moi. Le samedi, il m'emmène souvent avec lui pour faire ses constatations de travaux, visiter les châteaux dont il dessine les plans et les vignobles de son ami propriétaire. Tous les dimanches, nous allons prendre un dîner chez ses parents à Bordeaux centre, et certains samedis, nous allons manger chez les Lacombes, qui vivent dans un appartement en face du grand port négrier. Le mari est marchand d'esclaves, et il voyage donc beaucoup entre la France, l'Afrique noire et l'Amérique, rapportant plein de bibelots aussi jolis qu'inutiles qui emplissent son salon. Madame Lacombes est une femme adorable qui est devenue mon amie, nous passons des après – dîner ensemble lorsque monsieur Lacombes emmène Armand sur son bateau visiter les marchandises. Je suis heureuse Louise, et assez peu dépaysée en vérité. Une nourrice s'occupe de l'enfant, nous avons une bonne pour la cuisine et une pour le ménage. Je jardine un peu, car nous avons un grand terrain arboré derrière et devant la maison, et j'emmène parfois Bernard, qui tousse souvent, respirer les senteurs de l'air bordelais.

Armand m'a promis un voyage en Corse cet été. Celui que nous n'avons pas pu faire à cause si je puis dire de ma grossesse. Nous laisserions Bernard aux bons soins de sa nourrice et nous partirions les deux mois les plus chauds. J'ai tellement hâte !

Affectueusement, Malou, qui attend de vos nouvelles avec impatience.


Je restais un temps suspendue à ce joli prénom : Bernard. C'était mon petit – neveu, je ne l'avais jamais vu mais je l'aimais déjà. Il devait être si beau, ce nouveau – né, si précieux pour elle, j'imaginais ma nièce le cajoler, le bercer, découvrir ses petites mains, vivre ses premiers mois en tant que mère. Lorsque Gustavine rentrait, samedi soir, je m'empressais de lui faire part de la nouvelle.

—''Malou a accouché !

Elle s'approchait en retirant son chapeau.

—''Est-ce vrai ? Vous avez reçu de ses nouvelles ?

—''Oui, son fils s'appelle Bernard, il est né le sept avril dernier.

—''Donnez – moi donc la lettre que je la lise.

Après lecture faite, ma belle – fille soupira.

—''Elle en a bien de la chance. Moi je vous le dit.

Le dimanche suivant, après le dîner, Gustavine me donna quelques pièces et pendant qu'elle passait un petit moment avec ses filles, j'allais acheter le cadeau de Jacqueline pour son cinquième anniversaire. Une jolie robe lui ferait fort plaisir.

Ce même dimanche, puisque je me devais de passer devant l'église pour rentrer, j'allais me renseigner auprès du prêtre sur les possibilités d'études pour André. Il faisait très chaud dehors et la fraîcheur de l'endroit me donnait envie de ne plus jamais partir.

—''Bonjour mon père. Pourrais – je vous parler un instant ?

Il se dirigeait vers le confessionnal. Je le rappelais.

—''Non mon père, ce n'est pas au sujet de mes péchés. C'est pour mon fils. Pourrions – nous aller nous asseoir ?

Nous nous assîmes et il m'écoutait en hochant la tête de temps à autre. à la fin de mes paroles, il me disait simplement.

—''Je suis désolé madame mais je ne peux rien faire pour vous. On a encore jamais vu un prêtre handicapé et malheureusement ce n'est pas pour rien. Inscrivez – le donc déjà au catéchisme... Pendant que je m'en allais, il me disait ces derniers mots. C'est tous les samedis après – midi de quinze heures trente à dix – huit heures !

Je quittais l'église bouleversée. J'avais toujours imaginée que le Seigneur accueillait tous ses fidèles et ceux qui souhaitaient transmettre la foi, mais apparemment, ce n'était pas tout à fait le cas. Qu'allait -il faire de sa vie? Que deviendrait -il quand je décéderais ?

Voyant son grand sourire lorsque je rentrais, je préférais ne rien lui dire. Je m'asseyais près de son lit et je caressais ses cheveux en l'embrassant.

—''Mon fils. Je serais toujours là pour vous. Vous m'entendez ?

—''Oui maman. Moi aussi je serais toujours là pour vous. Je me demandais seulement quelque chose. Où est donc parti Léon – Paul ?

—''En Normandie. Il a ouvert son propre cabinet de médecin avec quelques amis de la Faculté.

—''Je ne savais pas. J'aimerais le revoir maintenant, mon frère. Il doit avoir beaucoup changé. Mais si il est en Normandie, je ne suis pas prêt de le revoir. N'est – ce pas ?

—''Oh que non...

Je n'avais aucune idée du moment où passerait mon fils aîné. L'été durait trois mois, entre le début du mois de juin et la mi - septembre environ, et chaque jour quand je me réveillais, j'imaginais qu'il se pencherait au dessus de moi. Si son véritable anniversaire tombait un vendredi, pour respecter Jésus Christ autant que pour passer ce moment - là avec Gustavine, nous fêtâmes ensemble les cinq ans de Jacqueline le dimanche vingt – huit juin.

Nous venions de terminer de manger le gâteau et la petite fille essayait sa nouvelle robe lorsqu'une surprise frappa chez nous. A deux pas de la porte, prête à saisir la poignée pour l'ouvrir, je regardais André. Il fixait sa demie – nièce qui tournoyait dans son joli habit sous les yeux de sa mère qui cherchait déjà à faire quelques ajustements.

J'ouvrais. Trois hommes et une jeune femme brune se tenaient sur le seuil. Je reconnaissais immédiatement mon fils, dont les cheveux bouclés roux étaient couverts d'un chapeau noir. C'était la première fois que je voyais Léon – Paul porter la barbe. Une fine barbe rousse qui lui couvrait le menton, les joues et la lèvre supérieure. Je l'embrassais.

—''Maman, permettez - moi de vous présenter Henri Guedon et son épouse Théotiste, ils se sont mariés mercredi dernier.

Les jeunes gens s'inclinèrent.

—''Monsieur et madame. Leur rendis- je leur salut

—''Et mon cher ami de Faculté Antoine Degriaise.

—''Bonjour monsieur.

Je les laissais entrer. Gustavine se levait et André poussait un cri de joie en voyant son frère aîné. Léon – Paul se pressait pour aller l'embrasser.

—''Eh bien alors, vous ne venez pas saluer votre grand frère ?

Un froid glacial tombait d'un seul coup dans la pièce. Mon fils n'avait pas l'air de comprendre ce qu'il se passait. André finissait par lui avouer.

—''Je ne peux plus marcher. Depuis deux ans mes jambes ne me portent plus.

—''Allons bon ? Comment cela se fait t-il ?

—''Comme vous le savez, j'ai attrapé une maladie à l'âge de six ans, qui m'a cloué au lit une année durant. J'ai retrouvé l'usage de mes jambes jusqu'à mes douze ans environ et puis j'ai tellement grandi que désormais, j'ai besoin des béquilles pour me déplacer.

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