Chapitre 42A: avril 1793

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Nous sautâmes de joie lorsque nous reçûmes enfin la lettre du propriétaire qui nous autorisait à pouvoir pénétrer dans l'appartement pour aller voir si oui ou non, nos affaires de famille s'y trouvaient. Si seulement je m'étais souvenue que la dernière fois que j'avais vu Guillaume, il préparait son déménagement, nous n'aurions pas attendu comme deux cruches devant sa porte en tambourinant pour qu'il nous ouvre...

Ce n'est qu'au bout de dix minutes que la petite lumière s'alluma dans mon esprit et que je m'exclamais.

—''Oh ! Mais c'est normal qu'il n'ouvre pas la porte ! Il a déménagé au mois de mars ! Je suis bête.

Ma nièce soupira en repartant vers l'appartement. Je la rattrapais.

—''Oh Malou, ne vous en faites pas. Nous allons y aller quand même.

—''De toute façon, nous ne sommes même pas sûre qu'elles y seront, nos affaires. Répondait t-elle en faisant la moue.

Le dimanche suivant, Gustavine faisait la bise à un jeune homme sur notre chemin vers l'église, elle lui disait quelques mots avant de nous rejoindre pressement.

—''Qui était-ce Gustavine ? Lui demandais- je sans aucune intention d'être indiscrète.

—''Un de mes amis.

—''C'est étonnant. Vous ne nous en aviez jamais parlé.

—''Il vient de déménager près de l'église alors je le verrais d'avantage. Thomas est très gentil vous savez...

—''Cela fait longtemps que vous le connaissez ?

—''Louise... je vois bien où vous voulez en venir. Ne vous réjouissez pas trop vite pour moi, il vient de se marier. Oui, je le connaît depuis au moins un an.

La messe se déroulait toujours de la même manière. Une fois les fidèles installés séparément de chaque côté de l'église, les femmes à gauche et les hommes a droite, nous récitions les prières que seuls les fidèles les moins pratiquants avaient besoin de lire. A force de les répéter chaque semaine depuis des décennies, nous les savions comme notre nom et n'importe quel enfant les connaissait pas cœur avant même de savoir lire.

à la fin de la cérémonie, nous recevions l'hostie et le prêtre nous bénissait tous. Généralement, à la sortie de l'église et lorsqu'il faisait beau, nous restions flâner dehors pour profiter du beau soleil, pendant que Gustavine rentrait chez elle pour allaiter sa fille. Le midi, elle mangeait parfois avec nous, mais c'était plus rare car elle partait souvent tôt en début d'après – midi faire ses lessives, chez la couturière ou chez je ne sais qui. C'est pour cela que nous gardions souvent les petites.

C'était le soir que nous nous rejoignions, autour du souper, et que Gustavine retrouvait ses filles. C'était plus simple désormais avec Bernadette car ses tétées devenaient beaucoup plus espacées, et elle mangeait plus varié. Je lui avait déjà fait goûter du citron, sa grimace m'avait tordue de rire, et Malou avait essayé de lui donner un peu du gâteau qu'elle avait préparé avec Jacqueline, mais elle avait manqué de s'étouffer, encore trop jeune. A neuf mois, Bernadette devrait encore se contenter de ses bouillies de céréales et du lait de sa maman.

Je venais de passer ce matin de printemps pluvieux la tête appuyée contre la fenêtre du salon, assise sur l'unique chaise bancale de l'appartement, que j'avais eu la poisse de choisir au hasard parmi les six, quand je l’aperçu. C'était un petit homme moustachu, chapeauté, qui sortait des malles de sa voiturette tirée par un vieux cheval dont je vit le dos creusé depuis ma fenêtre. L'homme apparaissait plusieurs fois, portant ses lourdes malles jusqu'au dernier étage de l'immeuble où il venait de racheter l'ancien appartement de Guillaume. Ses pas lourds et la chute successives de deux malles m'énervèrent beaucoup, il paraissait maladroit. Je retournais a mon poste de surveillance, où, a ma grande surprise, l'homme aidait maintenant une femme apparemment enceinte à descendre de sa voiture, sans doute son épouse, suivie de près par un, deux, trois petits garçons si rapprochés en âge qu'on ne pouvait les distinguer les uns des autres par leur taille. Alors que je pensais que mon nouveau voisin était célibataire, j'apprenais en même temps qu'il allait avoir un enfant et qu'il était déjà père de famille.

Le lendemain, il venait frapper à ma porte pour obtenir quelques renseignements sur le quartier. Je lui donnais les heures de la messe chaque dimanche, les jours de marché, et j'en profitais pour lui demander de me conduire jusqu'à la rue de l'ancien appartement de Camille et Auguste. Très gentil, il avait cependant l'air étonné de ma requête. Il acceptait sans trop de réticences de nous y conduire, mais, lassée de ces allers – retours, je me promettais que ce serait la dernière fois.

Cela faisait tant de temps que j'attendais ce moment avec ma nièce, que je m'empressais de monter dans la voiture de notre nouveau voisin fidèle, la précieuse lettre à la main. Il tournait, hésitait, son plan dans les mains. J'avais un peu discuté avec lui, qui ne connaissait pas la ville, originaire de Versailles. La vie chez ses beaux – parents avec ses trois fils était insoutenable et la banque venait de lui accorder le prêt pour acheter cet appartement de trois pièces dont deux chambres, toujours précaire avec bientôt quatre enfants, mais toujours mieux que la vie à huit dans un deux pièces exigu. Lorsque nous arrivâmes, il nous disait gentiment :

—''Je ne sais pas si je pourrais revenir vous chercher.

Trop heureuses d'être enfin revenues avec le sésame, nous n'écoutâmes qu'à moitié ce qu'il nous disait. Nous remontâmes les escaliers pleines d'espoir, et nous frappâmes à la porte.

—''Oui ? Que voulez – vous ? Nous répondit la vieille dame de la dernière fois.

—''Nous avons une lettre du propriétaire qui nous autorise à entrer chez vous.

Malou était toute heureuse.

—''Normalement, vous avez dû recevoir un courrier de monsieur Julot...

La vieille dame referma sa porte, nous patientâmes quelques minutes avant qu'elle ne revienne nous ouvrir, le papier à la main. Elle le lisait en plissant les yeux, Malou me regarda tout sourire.

—''Elle aussi aurait bien besoin de lunettes.

—''Vous n'avez le droit de récupérer, uniquement, je cite : '' la toile signée d'A. Marelle, représentant deux enfants vêtus de blanc'' ; '' la robe de mariée brodée des initiales C. M. C''. Vous êtes bien au courant ?

—''Oui.

—''Et bien je n'en ait qu'un seul des deux. Ce tableau, qui trônait depuis des années dans ma chambre, et dont je n'avais pas fait attention en louant l'appartement, comme si il avait fini par s'incruster dans les murs. J'ignorais que c'était une histoire familiale qui se reflétait derrière ces coups de pinceau, j'en suis désolée. Sur ce, bonne journée mesdames.

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